Absence de l’Europe, Trump-Poutine, retour de la Chine… Le point sur les dernières négociations pour la paix en Ukraine

La réunion qui s’est tenue jeudi 27 mars à l’Élysée, sur le format « coalition des volontaires » pour aboutir à « la paix et la sécurité pour l’Ukraine » a débouché sur l’envoi d’une mission de Paris, Londres et Berlin. Les débats entre la trentaine de pays alliés, membre de l’Alliance atlantique (Otan), présents à Paris sont nombreux sur la question des garanties de sécurité.

Le président français a estimé que cette mission doit préparer « ce que sera le format de l’armée ukrainienne » et le possible déploiement de forces de « plusieurs pays européens » après un éventuel accord de paix entre Kiev et Moscou. « D’ici trois à quatre semaines, on aura sur ces deux questions – le format d’armée ukrainienne et les forces de réassurance -, un schéma d’action assez précis avec les besoins et les contributeurs », a précisé Emmanuel Macron.

Cette succession de réunions d’alliés et de sommet de l’UE depuis deux mois dévoile « une fébrilité européenne », pour l’ancien ambassadeur de France en Russie, Jean de Gliniasty. Le directeur de recherche à l’IRIS, constate que « les garanties de sécurité portées par les dirigeants européens ne font pas partie des négociations. Ni la Russie ni les États-Unis n’en veulent. Cette démarche part de l’hypothèse d’un cessez-le-feu qui demeure lointaine. L’Europe ne connaît pas les clauses qui sont discutées. Mais il est évident que la Russie ne validera pas de présence de membre de l’Otan en Ukraine. Cet alignement diplomatique sur les exigences de Kiev pousse les États-Unis et la Russie à ne pas les intégrer. Ils jugent que l’administration ukrainienne défend déjà les mêmes positions ».

L’Ukraine, « premier rideau de défense »

Surtout malgré le rythme des sommets sur l’Ukraine, aucune initiative diplomatique forte ne ressort et les mêmes interrogations demeurent. « Depuis une quinzaine de jours, il existe une évolution du discours. La première raison est que la Russie pour l’instant refuse tout acteur extérieur sur place. L’autre élément vient des pays européens qui divergent sur la question des troupes au sol. Il existe une vraie crainte qui pousse à passer par d’autres canaux : OSCE, ONU, mission ad hoc. Aujourd’hui, finalement, on obtient que le premier rideau de défense pour l’Europe passe par l’armée ukrainienne et son renforcement », analyse le général Olivier Kempf directeur du cabinet de synthèse stratégique La Vigie.

Présent également à Paris, le premier ministre britannique Keir Starmer a confirmé l’envoi de la délégation des chefs des armées à Kiev dans le cadre d’une initiative plus large visant à rassurer le pays, et qu’un nouveau groupe de contact sur la défense de l’Ukraine se réunirait « pour mobiliser davantage d’aide militaire et maintenir l’Ukraine dans le combat ». De son côté, le premier ministre estonien, Kristen Michal, a déclaré qu’« il n’y a qu’un seul plan, le plan de l’Ukraine », tout en soulignant que « la Russie ne devrait pas avoir son mot à dire sur les garanties de défense et de sécurité » de Kiev.

Jean de Gliniasty, auteur de « Géopolitique de la Russie. 40 fiches illustrées pour comprendre le monde », constate amère, que « la diplomatie entre l’Europe et la Russie est à l’arrêt ». « Aucun filet de sécurité, diplomatique et militaire n’existe, poursuit-il. Tous les accords qui existaient disparaissent sur les ABM, les traités de ciel ouvert, sur les mines ou les sous-munitions. On se retrouve sans aucune structure de négociations et de sécurisations. Pire, ce canal de discussions existe exclusivement entre les États-Unis et la Russie ».

Face à la proposition d’une trêve concernant la mer Noire et la reprise du projet sur les céréales de 2022, qui a été avancée mardi par la Russie, les États-Unis et l’Ukraine, les principaux dirigeants européens ont refusé la demande de Moscou. À Paris, ils ont souligné que ce n’était « pas le moment » de commencer à lever les sanctions contre la Russie, tout en dénonçant les tactiques dilatoires de Vladimir Poutine en réponse à une proposition de cessez-le-feu en Ukraine menée par les États-Unis. Les autorités russes avaient demandé pour reprendre le projet la suspension des sanctions vis-à-vis des établissements bancaires agricoles et d’engrais.

Des négociations qui vont durer

La seule initiative diplomatique a été d’intégrer la Chine à un processus de paix. Emmanuel Macron a ainsi proposé : « Compte tenu de la qualité du dialogue qui est le sien avec la Russie, compte tenu de l’initiative de paix qu’il avait prise en lien avec le Brésil il y a quelques mois, je souhaite que le président Xi puisse avoir un rôle tout à fait actif pour nous aider à bâtir cette paix solide et durable. » Cette décision intervient deux ans après les suggestions en douze points sur le règlement politique de la crise ukrainienne de Pékin.

Pour le général Olivier Kempf : « Au final, les négociations sur le conflit en Ukraine se tiennent essentiellement entre Moscou et Washington. Ces pourparlers vont durer encore des mois. Chacun émet ses demandes les plus radicales et les diplomates se sont mis au travail. Les échanges sont difficiles et multidimensionnels (sanctions, statut de l’Ukraine, prisonniers, accords économiques, liberté de navigation). Chaque avancée reste hypothétique entre les conditions, les lignes rouges fixées par les uns et les autres. Et pendant les travaux, la vente continue : ce n’est pas parce que les négociations ont débuté que les combats vont cesser. Au contraire, les deux parties cherchent à prendre de nouveaux avantages sur le terrain ».

Sur le conflit en Ukraine, le rapport des services de renseignement états-uniens, remis récemment au Sénat, qui porte sur l’évaluation annuelle des menaces, évoque que « Poutine est probablement conscient qu’un conflit prolongé risque de faire chuter l’économie russe et de provoquer une escalade indésirable avec l’Occident ». Le document poursuit ensuite à propos du président ukrainien : Volodymyr Zelensky « comprend probablement que sa position s’affaiblit, que l’avenir de l’aide occidentale est incertain et qu’un cessez-le-feu pourrait finalement devenir un recours nécessaire ». Mais ils concluent que « les deux dirigeants considèrent probablement que les risques d’une guerre plus longue sont moindres que ceux d’un règlement insatisfaisant ».

La priorité des liens transatlantiques

Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et ses revirements diplomatiques interpellent et placent les Européens devant un vide stratégique. « La priorité pour l’Europe est de savoir si les relations transatlantiques demeurent les mêmes avec les États-Unis. Ou si cette principale alliance est caduqueavance Olivier Kempf. Dans ce cas-là, dans un deuxième temps, il faudra définir quelle stratégie de sécurité on définit pour le continent entre les diverses forces militaires présentes : l’Otan, l’UE, les armées nationales… La guerre en Ukraine qui est importante passe au second plan devant cette question centrale et stratégique qui impacte nos capacités, nos budgets, notre armement, nos effectifs. Chaque pays dresse un diagnostic différent. Les Roumains, les Polonais, les Baltes ne vivent pas les mêmes menaces que le Portugal ou les Pays-Bas. »

Article de Vadim Kamenka

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