La Chine encaisse des montants records avec les routes de la soie

Les prêts accordés par la Chine à plus de 150 pays, dans le cadre du vaste projet de Xi Jinping des routes de la soie, leur coûtent cher. Très cher, en particulier pour les nations les plus pauvres de la planète. Au point que le groupe de réflexion australien Lowy évoque un « raz-de-marée » à propos des remboursements et des paiements d’intérêts versés en 2025 à Pékin par ces pays.

L’institut indépendant basé à Sydney a passé au crible les données de la Banque mondiale pour calculer les obligations de remboursement des pays en développement. Il en ressort que, sur un total de 35 milliards de dollars cette année, près des deux tiers de cette somme, soit 22 milliards de dollars (19 milliards d’euros), seront versés à la Chine par 75 pays particulièrement vulnérables. Des « remboursements de dette records » qui mettent en péril les dépenses de santé et d’éducation de ces États, déplore le rapport.

Des infrastructures parfois surdimensionnées

Le programme des « nouvelles routes de la soie », également dénommé « la ceinture et la route » (BRI en anglais), est l’un des plus grands projets d’infrastructure et d’investissement de l’histoire. Son objectif est de créer un vaste réseau de chemins de fer, d’autoroutes, de ports, de pipelines et de zones industrielles pour développer les liens commerciaux de la Chine avec le reste du monde et sécuriser ses approvisionnements. Officialisé en 2013, le programme s’est étendu dans 151 pays et implique plus de 1 100 milliards de dollars de dépenses cumulées.

Mais, désormais, le coût du service de la dette dépasse largement les nouveaux décaissements de prêts. Les flux nets de la Chine vers les pays en développement sont devenus négatifs, atteignant – 34 milliards de dollars en 2024. « Pour le reste de cette décennie, la Chine sera un collecteur de dettes plutôt qu’un banquier du monde en développement et elle sera le principal collecteur de dettes » de ces Étatsrésume Riley Duke, l’auteur du rapportDans 54 des 120 pays en développement pour lesquels des données sont disponibles, les paiements au titre du service de la dette envers la Chine dépassent désormais le total des paiements dus au Club de Paris – un bloc qui comprend tous les principaux prêteurs bilatéraux occidentaux, note l’étude.

Un dilemme créé par la Chine

Dans les économies les plus vulnérables, la Chine est passée de « moins de 5 % de la dette extérieure en 2005 à plus de 40 % en 2015 », détaille Riley Duke. De ce fait, ajoute-t-il, « elle est confrontée à un dilemme qu’elle a elle-même créé. Elle fait face à une pression diplomatique croissante pour restructurer une dette insoutenable, et à une pression intérieure croissante pour recouvrer les dettes impayées » concédées par ses banques.

Les détracteurs du programme des « nouvelles routes de la soie » soulignent qu’il enferme certains pays membres dans la dette. Sans compter que celle-ci est concédée par les banques chinoises à des taux et des échéances moins avantageux que ceux des banques de développement occidentales ou multilatérales. En Afrique, le taux d’intérêt moyen sur les prêts chinois serait ainsi d’environ 2,7 % , contre 0,9 % pour les prêts multilatéraux ou 1,4 % pour les autres prêteurs bilatéraux.

Par ailleurs, les aéroports, ports, autoroutes ou voies ferrées construits à l’incitation de la Chine ne sont pas toujours utiles ou rentables. Le chemin de fer construit pour relier Mombasa et Nairobi, au Kenya, qui reposait sur des projections bien trop optimistes de croissance, est devenu un fardeau, avec des charges très supérieures aux recettes. Le tout pour un coût estimé à 4,7 milliards de dollars, soit près de 4 % du PIB kényan. Au Sri Lanka, le port de Hambantota, construit grâce à un financement chinois et évalué à 1,3 milliard de dollars, a généré très peu d’activité. Faute de pouvoir le rembourser, le pays en a cédé le contrôle à la Chine. Certains projets, malgré les lourds emprunts consentis par les pays d’accueil, n’ont même jamais été terminés. Au Monténégro, une partie seulement de l’autoroute destinée à relier le port de Bar à Belgrade, la capitale serbe, a été construite.

Les prêts continuent pour les pays riches en métaux critiques

Pour autant, si les remboursements et les intérêts surpassent globalement les nouveaux prêts, Pékin continue de financer les partenaires qu’elle juge stratégiques ou essentiels à son approvisionnement en ressources. C’est le cas de « ses voisins immédiats, le Pakistan, le Kazakhstan et la Mongolie, ainsi que des pays exportateurs de minéraux essentiels ou de métaux pour les batteries, comme l’Argentine, le Brésil ou la République démocratique du Congo », indique l’étude. En Indonésie, les banques chinoises ont financé ces dernières années des projets d’extraction et de traitement du nickel à grande échelle.

Pékin refuse de valider les constats de l’Institut Lowy. Interrogée, Mao Ning, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a dit « ignorer sur quelles bases repose ce rapport ». Elle soutient par ailleurs que la coopération de la Chine « avec les pays en développement s’effectue dans le respect des pratiques internationales et des principes de soutenabilité de la dette ».

Reste qu’entre Pékin, qui se transforme en « collecteur de dettes et les gouvernements occidentaux, qui restent focalisés sur leurs propres intérêts, l’aide diminuant et le soutien multilatéral s’amenuisant », la situation se complique pour de nombreux pays en développement. Les risques d’instabilité et de recul augmentent, s’inquiètent les auteurs du rapport.

Source Le Figaro

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