AIF 2022: les chefs d’Etat africains démystifient le risque face aux investisseurs

Institutions financières, banques multilatérales, banques de développement, banques commerciales, multinationales, grands groupes … sont actuellement réunis à Abidjan à l’occasion de la troisième édition de l’Africa Investment Forum. Face à eux, les chefs ayant fait le déplacement insistent sur la rentabilité « reconnue » des marchés africains, revenant sur certains facteurs qui aggravent la perception du risque et démontrant notamment des exemples concrets de résilience.

« Existe-t-il des décisions, des projets… dépourvus de risque dans la vie ? », interroge la présidente de la République d’Ethiopie, Sahle-Work Zewde. Cette diplomate émérite devenue la première femme à accéder à la magistrature suprême de son pays insiste sur l’opportunité que représente le continent africain. « Je ne pense pas qu’il y ait des situations parfaites pour les investisseurs. Le fait que les investissements sont toujours rentables en Afrique montre que les risques apportent des rendements, sachant que les rendements s’obtiennent aussi sur le long terme », a-t-elle déclaré devant un parterre d’investisseurs venus des quatre coins du globe à l’ouverture de la troisième édition de l’Africa Investment Forum (AIF). Ce rendez-vous annuel de l’investissement africain lancé en 2018 par Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement (BAD) se tient du 2 au 4 novembre à Abidjan sous le thème : « Renforcer la résilience économique grâce à des investissements durables ».

L’Afrique, un ensemble de marchés rentables

Dans le monde, le taux de défaut de paiement des investissements en infrastructures sur les 14 dernières années est de 12,6% en Amérique latine, 8,8% en Asie, 8,6% en Europe de l’Est, 7,6% en Amérique du Nord, 5,9% en Europe occidentale et 5,5% en Afrique. Ce qui fait du continent la région la plus rentable pour ces investissements, selon un rapport de Moody’s. Une autre étude de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique montre que le continent est le plus rentable au monde en matière d’investissement direct étranger avec un taux de 14% entre 2011 et 2016, quand la moyenne mondiale affiche 7,1%.

Ces facteurs qui aggravent la perception du risque en Afrique

Face à de telles statistiques et alors que l’Afrique est généralement qualifiée de destination d’investissement « la plus risquée », les présidents africains présents -aux côtés de leur homologue éthiopien, ont interpellé les investisseurs sur l’universalité du risque, en référence notamment au contexte de crise mondiale de ces deux dernières années. « La guerre russo-ukrainienne représente un risque, mais ce n’est pas un risque qui émane des pays africains. La Covid-19 représente un risque, mais un risque qui s’est imposé à tous… Le risque est mondial, mais ce sont les dispositions prises pour y faire face qui font toute la différence », a pour sa part expliqué le vice-président ivoirien Tiémoko Meyliet Koné, qui représentait le président Alassane Ouattara empêché « par des contraintes liées à sa charge », a-t-on appris.

Un des fidèles de cette grand-messe, le président ghanéen Nana Akufo-Addo dont le pays traverse une intense crise économique déplore que l’un des facteurs qui accentue le niveau du risque dans certains marchés d’investissement sur le continent est souvent « la sortie incontrôlée des fonds qui impacte notre situation monétaire ». Pour lui, le fait que le continent représente une solution au défi climatique mondial devrait encourager les investisseurs. « Les questions qui préoccupent le monde trouvent leur solution en Afrique. Si nous travaillons correctement, nous pouvons décarboner le monde », a-t-il déclaré.

Comment un pays sous sanctions internationales depuis 21 ans s’en sort-il ?

Emmerson Mnangagwa, président du Zimbabwe, dont le pays est sous sanctions des Etats-Unis et de l’Union européenne depuis 21 ans, a rappelé le potentiel du continent en prenant exemple de sa nation. L’absence de soutien de l’Occident n’a pas empêché son pays d’afficher des taux de croissance extraordinaire de 19,7% en 2010 ou 16,7% en 2012. Après la forte récession de 2019 et 2020, la croissance du PÏB est remontée à 5,8% en 2021. « Pendant la Covid, nous nous sommes tournés vers l’intérieur. Pour les vaccins, nous avons fait appel à nos scientifiques. Nous avons aujourd’hui le taux d’alphabétisation le plus élevé… Nous dépendons aujourd’hui de notre propre économie pour construire notre croissance », a-t-il confié, soulignant le potentiel des pays africains tant en matière d’agriculture -avec 60% des terres arables dans le monde-, mais aussi de mines, le continent étant une source pour plusieurs industries mondiales.

Les promesses d’Adesina aux investisseurs

Penseur de l’AIF dont les deux premières éditions se sont tenues en Afrique du Sud avec la participation notamment du président Cyril Ramaphosa et son homologue du Rwanda Paul Kagamé, Akinwumi Adesina souligne le faussé existant entre l’aspect théorique des choses et la pratique. « L’Afrique n’est pas aussi risquée que vous le pensez. La perception n’est pas la même que la réalité », a déclaré le leader nigérian, faisant ses promesses au gotha de la finance mondiale réunis dans la capitale ivoirienne :

« Nous sommes ici pour vous envoyer un message fort, à vous, les investisseurs : nous réduirons le risque des investissements, nous syndiquerons les financements autour des investissements, nous soutiendrons vos investissements tout au long du processus, depuis les conseils d’administration jusqu’au lancement de vos projets. »

Annoncés à ce rendez-vous financier, le président du Bénin, Patrice Talon, n’a finalement pas fait le déplacement, de même que la présidente de la Tanzanie Samia Suhulu Hassan qui s’est fait représenter. Avec la COP 27 qui se tient à Charm el-Sheikh à compter de ce week-end, certains délégués ont commencé à se déplacer en Egypte.

La question de l’investissement sur le continent africain est devenue très importante il y a quelques années à l’approche de l’échéance (2030) de l’agenda des Objectifs de développement durables (ODD) des Nations Unies. Elle s’est cependant accentuée avec les crises de ces deux dernières années intervenues alors que le continent était sur une belle trajectoire de performance économique. D’abord la Covid-19 qui a amplifié à 400 milliards de dollars les besoins en financement du continent pour la relance économique, puis la guerre menée par la Russie en Ukraine qui a confronté l’Afrique à d’importants besoins pour résoudre notamment les problèmes d’approvisionnement en céréales, en engrais ou en produits énergétiques. A cela, il faudrait ajouter le défi climatique qui dégage des besoins financiers de l’ordre d’environ 1 300 à 1 600 milliards de dollars en Afrique selon la BAD. Alors que lorsqu’il est question d’investissement, la problématique liée à l’amélioration du climat des affaires se pose, certains présidents africains à la tête des pays les moins propices en revanche pourraient avoir du pain sur la planche.

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