L’emblématique président de la Fédération des étudiants d’Afrique Noire de France (FEANF), opposant légendaire dont la prise de pouvoir après 50 ans de lutte pour l’instauration de la démocratie avait suscité de l’espoir, a raté son rendez-vous avec la Guinée et l’Afrique.
L’histoire d’Alpha Condé s’apparente à celle des grands leaders panafricains de la période post-coloniale pour avoir été aux avant-postes du combat de la libération et de l’instauration de la démocratie en Afrique. Il a parcouru le monde pour porter le message des peuples émancipés du continent. A l’instar de Mandela, Nyerere, Neto, Alpha Condé était conté avec Sam Nujoma comme les légendes panafricaines vivantes qui n’ont ménagé aucun effort pour porter contre vents et marées le flambeau de l’émancipation et de la libération des peuples noirs. Condamné à mort sous Sékou Touré à l’âge de 30 ans environ, puis sous Lansana Conte à environ l’âge de 6o ans, Alpha Condé est devenu président à l’âge de 72 ans.
Homme de gauche, de compromis, de dialogue – pas à n’importe quel prix-, Alpha Condé n’est pas un homme de compromission. Il avait comme qualité la franchise et comme défaut la franchise et avait de l’aversion pour la trahison. Ce côté particulier de ce leader faisait de lui un personnage qui demeurait dans la dialectique et qui aurait, au regard de tout ce qui précède, une vision à partager avec les nouvelles générations ; c’est l’étape cruciale qui lui restait à réaliser. Une fois au pouvoir, il n’a malheureusement pas su avec le temps qu’il allait ouvrir sa bibliothèque aux nouvelles générations pour prendre le relais. Ce fut le véritable rendez-vous manqué de l’histoire de ce leader dont l’usure du pouvoir l’a poussé à violer les principes démocratiques qu’il avait jadis portés et défendus tout au long de son parcours politique.
Le mandat de trop
Dix ans après son accession au pouvoir, le premier président démocratiquement élu de Guinée, est devenu le premier président renversé par un coup d’état militaire. Opposant historique aux régimes dictatoriaux, il est à son tour accusé de dérive autoritaire. Il a fait modifier la Constitution qui fixe un maximum de deux mandats présidentiels pour pouvoir se présenter à nouveau. Un pari réussi, puisqu’il lui vaut d’être réélu avec près de 60 % des voix le 24 octobre 2020, mais qui a terni considérablement son image. D’après des témoignages, « Alpha Condé est allergique à la critique et son modèle de gouvernance est de ne pas discuter avec l’opposition, radicale comme modérée, ce qui a créé une crispation de la vie politique guinéenne, qui a fini par pousser les militaires à prendre le pouvoir pour assouvir les besoins de la population ».
Très critiqué depuis sa réélection contestée à un troisième mandat, Alpha Condé a également fait les frais d’un contexte régional propice à la prise de pouvoir par l’armée. Renversé dimanche 5 septembre dans les premières heures de la matinée par un coup d’Etat, il s’était enfermé dans un exercice solitaire et autoritaire du pouvoir. En créant les forces spéciales en 2018 dans la perspective de protéger son pouvoir ad vitam æternam, il a commis l’imper comme tous les dictateurs qui consiste à armer une force aux allures prétoriennes en désarmant l’armée Républicaine. Il n’a fallu que quelques heures aux putschistes issus des forces spéciales et commandés par le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya pour balayer Alpha Condé, au pouvoir depuis 2010.
Premier président démocratiquement élu de ce pays aux richesses immenses mais peu exploitées du fait de son instabilité et de la mal gouvernance, Alpha Condé a manqué son dernier rendez-vous politique avec l’histoire en quittant la scène politique par la fenêtre arrière.
par RODRIGUE FENELON MASSALA