Améliorer le réseau ferré local : une nécessité pour le développement du continent. Mais si les projets ne manquent pas, nombre d’entre eux tardent à voir le jour. Qu’en est-il de l’état réel des voies ? Et où en sont les futures lignes prévues ?
À l’heure où le transport ferroviaire mondial connaît une relance générale, le continent africain, lui, souffre d’un réseau très dégradé. Le rail reste pourtant perçu par nombre de dirigeants comme le meilleur moyen pour désenclaver l’ensemble d’un territoire national ou transnational (comme en témoigne notamment le projet du Transsahélien, qui s’inscrit dans une logique de sécurisation de la région), et pour reprendre la main sur des ressources naturelles souvent difficiles d’accès. Mais qu’en est-il de la situation réelle du secteur ?
La France et la Chine à l’offensive
Un réseau efficient ? Seuls le Nord du continent et l’Afrique du Sud peuvent s’en enorgueillir, en vertu de leur politique ferroviaire volontariste. Avec son Plan Rail Maroc 2040, le royaume veut même doubler son réseau, et compte atteindre les 132 millions de voyageurs annuels. Coût total de l’opération : 35 milliards d’euros. De quoi attirer les investisseurs étrangers… La France a ainsi largement participé à la construction du premier tronçon de la future ligne qui reliera Tanger à Casablanca, marquant la naissance de la première LGV africaine. Quant à la Chine, elle se positionne en coulisse pour la ligne Agadir-Marrakech.
Car dans ce secteur aussi, Pékin est de la partie : via ses nouvelles routes la soie, l’empire du Milieu finance et construit de nouvelles lignes en échange d’un accès favorisé aux matières premières des pays concernés. Après avoir soutenu le développement ferroviaire de l’est du continent, c’est désormais à l’ouest que s’intéresse la puissance asiatique. Qui a d’ailleurs raflé le marché de la réhabilitation de la ligne Cotonou-Parakou, chantier jusqu’alors embourbé dans un conflit entre le groupe Bolloré, Petrolin et l’État Béninois. Un match qui semble définitivement plié pour Bolloré, puisqu’il cède l’ensemble de ses activités en Afrique de l’Ouest.
Dépasser le stade des belles promesses
L’Afrique de l’Ouest : une zone qui regorge de ressources naturelles et où, davantage que l’exploitation de lignes destinées aux voyageurs, c’est surtout le transport de fret qui aiguise tous les appétits. Le nord du Burkina Faso, avec ses mines d’or et de manganèse, gagnerait ainsi à être mieux desservi. Quant au Sénégal, qui peine à trouver les financements pour rénover son réseau, il inclut dans son projet de rénovation de ligne reliant Dakar à Tambacounda des bretelles qui rejoindront différents sites miniers et industriels.
Le Tazara Railroad est le premier exemple de financement d’infrastructure en Afrique par la Chine, au cours des années 70.
1860 kilomètres de rails depuis le port tanzanien de Dar es Salam vers le réseau de la Zambie au Sud-Ouest. L’investissement s’est élevé à 500 millions de dollars et a clairement contribué au développement de la région, et au rayonnement de la République populaire de Chine.
A l’époque, l’enjeu pour les Chinois était dogmatique: faire rayonner la pensée de Mao. Aujourd’hui, en investissant en Afrique, Pékin pense surtout à son économie. Mais cela passe toujours par le chemin de fer et les projets se multiplient. Au début de l’année 2017 était inaugurée la ligne Djibouti-Addis Abeba. Un investissement de 4 milliards de dollars pour relier l’Ethiopie à la mer.
Le pays est la tête de pont de la Chine dans cette région, où elle écoule sa production manufacturière et importe des matières premières. Du reste, cette ligne de chemin de fer serait un des éléments de la liaison transversale africaine dont certains rêvent. Elle pourrait, à terme, rejoindre le Soudan voisin et le Kenya, où se construit le premier tronçon de la liaison Mombassa-Nairobi. Là encore, Pékin a sorti le chéquier. Le projet est estimé à 13 milliards de dollars.
Investissement ferroviaire tous azimuts
Les projets se multiplient dans un continent où les infrastructures ferroviaires remontent à l’époque coloniale. Le chemin de fer souffre en plus du manque d’entretien, ce qui en fait un moyen de transport lent, quand il n’est pas tout simplement dangereux.
Mais pour les Chinois en Afrique, en investissant dans le chemin de fer, il s’agit de relier l’interland aux ports, là où se fait le commerce. 90% des importations et des exportations viennent par bateau. Alors, derrière les projets de nouvelles liaisons, on retrouve très souvent la Chine qui finance et construit actuellement cinq nouvelles lignes. Un excellent débouché pour l’acier dont l’empire du milieu déborde. Et d’excellents contrats pour des entreprises de travaux publics à la main d’œuvre abondante. Mais les pays africains contribuent également aux constructions. Entre 2000 et 2014, c’est près de 10 milliards de dollars d’emprunt qu’ils ont supportés, selon CNN.
L’Ouest africain boudé
Mais l’Ouest africain est lui moins chouchouté. Selon certains observateurs, la Chine doute de la capacité de ces Etats à entretenir le réseau et les Chinois n’y ont pas lancé d’investissements massifs. Ce coût d’entretien élevé a, il est vrai, conduit à la fermeture de nombreuses lignes. Ainsi, au Sénégal, il ne reste plus qu’une seule ligne à passagers, vestige de l’époque coloniale. La locomotive vient d’Inde et les voitures du Pakistan.
Un vrai TGV pour le Maroc
C’est vers l’ancienne puissance coloniale que le Maroc s’est tourné pour construire sa ligne TGV. Deux milliards d’euros d’investissement dont la moitié prise en charge par Paris. A ce prix, le royaume rentre dans le club des pays «à grande vitesse», et il en est le premier représentant en Afrique. Cela coûte cher, mais peut rapporter gros, notamment auprès des touristes et des hommes d’affaires.
Le développement par le rail, tout le monde en rêve en Afrique. Déjà l’Algérien Issad Rebrab évoquait la création d’un réseau reliant les quatre points cardinaux du continent. Un investissement que le patron de Cevital estimait à 15 milliards d’euros.
Alors qu’en sera-t-il pour le transafricain? Selon Al-Jazeera, le projet émane de l’Union africaine et est qualifié d’ambitieux. Le tracé traverse des pays parmi les plus pauvres d’Afrique: Burkina, Mali, Niger, Tchad. Qui sera en mesure d’assurer la maintenance?
Fode Kolouba