Création d’une monnaie digitale en Guinée : un vrai challenge pour la Banque Centrale 

Par Safayiou DIALLO, Économiste.


La Banque Centrale de la République de Guinée est sur le point de mettre en place une monnaie digitale. A travers cette réforme, certaines transactions seront effectuées à partir des téléphones mobiles et cartes électroniques sans Terminal de Paiement Electronique (TPE) etc. La monnaie sera ainsi transmise d’utilisateur à utilisateur tout en permettant donc aux agents économiques d’effectuer des paiements quotidiens faciles et en toute sécurité. Elle permettrait également de faire des achats, d’envoyer de l’argent, ou d’en recevoir.  

A notre humble avis, cette décision mérite d’être saluée et encouragée dans la mesure où nous avons une culture de cash orientée qui ne dit pas son nom. Toutefois, elle devra faire l’objet de consultation auprès des utilisateurs afin de chercher à connaître les attentes de ces derniers.

De la nécessité de créer la monnaie digitale

La BCRG mise sur la rapidité car ne nécessitant pas de règlement interbancaire, et donc disponibles 24 heures/24, 7 J/7. Avec une telle monnaie, les paiements seront dématérialisés car depuis l’avènement de la Covid-19, le paiement en liquide a été mis à mal dans la plupart des paysdu monde. C’est d’ailleurs cette situation qui a poussé 80% des Banques Centrales de la planète à étudier la possibilité de créer une monnaie digitale et à date 10% sont en phase de pilote selon la Banque des Règlements Internationaux (BRI). C’est dans ce contexte par exemple que l’Equateur a testé tout récemment un «e-peso» permettant les paiements par SMS, depuis un portefeuille numérique.

De plus, la gestion de la masse monétaire serait de plus en plus simple avec cette monnaie digitale dont une partie sera numérique. Cependant, comme toute Banque Centrale, la mission principale de la BCRG est de garantir la stabilité financière et la confiance des consommateurs dans les moyens de paiement qui sont mis à leur disposition. Tout ce qui permet des paiements plus pratiques, plus fluides et sécurisés est bon pour l’économie. Par ailleurs, la Banque Centrale devra s’assurer que les moyens de paiement qui seront proposés correspondront aux besoins des consommateurs et aux exigences de sécurité, qui constituent un grand enjeu dans le digital.

Des freins à la mesure   

Par ailleurs, la réussite d’une telle mesure dans le cas guinéen reposerait sur la démarche qui serait entreprise par les autorités monétaires car procéder au changement des habitudes de la majeure partie de la population nécessitera une très grande approche en matière de communication surtout que notre taux de scolarisation tourne autour de 45% sauf si elle ne demeure qu’une monnaie interbancaire.

Dans le même sillage, la part des billets thésaurisés dans le grand marché madina de Conakry, jouant ainsi le rôle d’encaisse pour des fins de transaction, est très significative et à tendance à augmenter du jour au lendemain. Cette pratique de cash est tellement ancrée dans les habitudes de paiement des agents économiques qu’il sera difficile de la changer.

Conclusion 

En somme, il ne faudra surtout pas confondre cette réforme à la disparition des espèces de la circulation qui sont d’ailleurs en perpétuelle croissance depuis plusieurs années à observer la circulation fiduciaire à travers les composantes de la masse monétaire tel que décrit dans la Situation Monétaire Intégrée de la BCRG et cela en raison probablement de la croissance économique, la croissance démographique et le taux de bancarisation, qui est encore très faible, entre 10% et 15%. Ce qui démontre naturellement que le cash correspond au moyen de paiement pour la majorité de la population.

Nonobstant, l’émission des billets de banque implique des coûts de fabrication et de gestion. Au-delà de l’institut d’émission, il y a un autre coût qui est supporté par les banques primaires pour la gestion du cash de manière interne afin de satisfaire les besoins des clients à travers ces prestations.

Il serait intéressant de réduire la part du cash dans les transactions car, il ne laisse que peu de traces et favorise le blanchiment des capitaux, la corruption mais aussi la fraude fiscale ne serait-ce que pour les paiements qui ne se font pas via les plateformes mutualisées mises en place par le Ministère du Budget pour la circonstance.

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