Selon Vladimir Poutine, qui s’est entretenu par téléphone avec le Premier ministre italien Mario Draghi, les ports ukrainiens, dans lesquels patientent des millions de tonnes de denrées, sont bloqués par les sanctions prises par les occidentaux contre la Russie. Si elles étaient levée, Moscou serait « prêt à à apporter une contribution significative pour surmonter la crise alimentaire », a assuré le président russe, suscitant une levée de bouclier du côté de l’Ukraine et des Etats-Unis.
Pour aider Kiev à exporter ses céréales qui s’accumulent en Ukraine à cause du blocus maritime imposé par la Russie, l’Allemagne a mis sur pied un « pont ferroviaire » avec l’Ukraine.
« C’est un chantage manifeste », s’était indigné le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba, mercredi, réagissant ainsi aux propos de la Russie sur les risques d’une crise alimentaire mondiale. L’Ukraine, gros exportateur de céréales, notamment de maïs et de blé, voit sa production bloquée du fait des combats. Depuis l’invasion du pays, des millions de tonnes de céréales patientent en effet dans les ports de la mer Noire, bloqués par l’armée russe, ce que condamnent les occidentaux et Kiev. Mais de son côté, Moscou assure que ces blocages sont la conséquence des sanctions prises à son égard par l’Union européenne et les Etats-Unis. Cinq paquets de mesures répressives ont en effet déjà été adoptées par les Vingt-Sept qui tentent désormais de se mettre d’accord sur un embargo sur le pétrole russe.
Selon Vladimir Poutine, « les difficultés apparues sont liées, entre autres, à des perturbations dans le fonctionnement des chaînes de production et de logistique, ainsi qu’à la politique financière des pays occidentaux pendant la pandémie de coronavirus ». « La situation s’est aggravée en raison des restrictions anti-russes imposées par les Etats-Unis et l’Union européenne », a ajouté le président russe qui s’est entretenu, jeudi, avec le Premier ministre italien, Mario Draghi.
Les deux dirigeants se sont appelés, à l’initiative du chef de gouvernement italien. Une conversation durant laquelle la Russie s’est dit « prête à apporter une contribution significative pour surmonter la crise alimentaire grâce à l’exportation de céréales et d’engrais, sous réserve de la levée par l’Occident des restrictions à motivation politique », selon un communiqué du Kremlin. La Russie, autre puissance céréalière – avec l’Ukraine, les deux pays produisent un tiers du blé mondial – ne peut vendre sa production et ses engrais à cause de ces sanctions qui touchent les secteurs financiers et logistiques.
Un « chantage russe »
Des propos qui ont fait vivement réagir du côté ukrainien qui a dénoncé un « chantage russe ». « On ne peut pas trouver un meilleur exemple de chantage dans les relations internationales. Si quelqu’un l’accepte, alors cette personne a un problème », a fustigé Dmytro Kouleba au Forum économique mondial à Davos en Suisse.
À Washington, le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a accusé la Russie de « se servir de l’alimentation comme d’une arme ». « Et nous sommes évidemment en discussions avec (…) nos partenaires et alliés internationaux sur la façon de répondre au mieux à tout ceci. », a-t-il assuré. Des accusation qui ne sont « pas fondée », a répliqué Vladimir Poutine.
Au Royaume-Uni, le ministre britannique de la Défense a appelé mercredi la Russie à « arrêter de voler » les céréales produites par l’Ukraine et à laisser ce pays les exporter, tout en écartant une levée des sanctions demandée par Moscou pour éviter une crise alimentaire mondiale.
« J’appelle la Russie à faire ce qui est juste dans un esprit d’humanité et à laisser sortir les céréales d’Ukraine », a déclaré Ben Wallace lors d’une conférence de presse à Madrid avec son homologue espagnole, Margarita Robles.
« Ne parlons pas de sanctions, parlons de faire ce qui juste pour les nations du monde entier », avait-il ajouté.
« Une collaboration entre la Russie et l’Ukraine » possible
Si la position russe a suscité une levée de boucliers chez les pays occidentaux, Mario Draghi s’est, lui, montré plus favorable à l’idée d’une « collaboration entre la Russie et l’Ukraine ». Le chef du gouvernement italien a ainsi déclaré lors d’une conférence de presse à l’issue de son échange avec Vladimir Poutine que « le but de cet appel téléphonique était de demander si quelque chose pouvait être fait pour débloquer le blé qui est aujourd’hui dans les dépôts en Ukraine ». Il a suggéré une « collaboration entre Russie et Ukraine sur le déblocage des ports de la mer Noire » où se trouve ce blé, qui risque de pourrir, « d’une part pour déminer ces ports et d’autre part pour garantir qu’il n’y ait pas d’accrochages pendant le déminage ». Mario Draghi a, en outre, indiqué qu’il y avait, du côté russe, « une disponibilité à poursuivre dans cette direction », et qu’il appellerait le président ukrainien Volodymyr Zelensky « pour voir s’il existe une volonté similaire ». « Lorsqu’on me demande si j’ai vu des lueurs d’espoir pour la paix, la réponse est non », a cependant conclu le Premier ministre italien.
L’Allemagne met en place un « pont ferroviaire »
Pour aider Kiev à exporter ses céréales qui s’accumulent en Ukraine à cause du blocus maritime imposé par la Russie, l’Allemagne a mis sur pied un « pont ferroviaire » avec l’Ukraine.
« Nous pensons qu’il y a environ 22 millions de tonnes de céréales bloquées en Ukraine, en attente d’être expédiées », a déclaré le général Cavoli à des élus du Congrès.
Le port roumain de Constanta participe à l’effort mais ses capacités sont limitées à 90.000 tonnes par jour, a expliqué le général, dont la nomination à la tête des forces américaines, et donc des forces de l’Otan, doit encore être confirmée par le Congrès.
« Mais la Deutsche Bahn a récemment répondu à l’appel », a-t-il ajouté. « Ils ont mis sur pied ce qu’ils appellent le pont ferroviaire de Berlin, sur le modèle du pont aérien de Berlin, pour réserver des trains au transport du blé ukrainien vers l’Europe de l’Ouest ».
La compagnie ferroviaire allemande « est en train d’extraire d’Ukraine des quantités massives de céréales en ce moment, via la Pologne en direction des ports du nord de l’Allemagne pour leur exportation », a-t-il précisé. « La Pologne a établi un nouveau régime frontalier avec l’Allemagne pour faciliter » cette opération, a-t-il précisé.
La production qui transite vers Constanta est expédiée par voie maritime en mer Noire, « mais pas dans la partie de la mer Noire sous blocus » russe, a-t-il précisé.
« Je pense qu’il va falloir combiner les modes de transport » pour continuer à faciliter les exportations de céréales ukrainiennes, a-t-il conclu.
(avec AFP)