Croissance : Le Bénin malgré fait sa remontée économique malgré la conjoncture mondiale

La croissance économique béninoise s’est établie à 7,2% en 2021, contre 3,8% en 2020 et 1,8% en 2015, soit sa meilleure performance depuis lors, particulièrement portée par le secteur tertiaire. Mais ce pays commercial où la réexportation constitue une activité clé en raison de sa position géographique stratégique, doit poursuivre les efforts afin développer son industrie, à l’heure où les planètes s’alignent pour une production locale massive de biens en Afrique.

Le climat mondial de fragilité économique dû au prolongement de la pandémie l’an dernier n’a pas eu raison de l’économie béninoise. Avec un taux de croissance de 7,2% en 2021, contre 3,8% en 2020 et 1,8% en 2015 selon l’Institut national de la statistique et de la démographie (Instad), le Bénin a réalisé sa meilleure performance économique depuis sept ans, retrouvant le niveau de 2013. A l’origine de cette « remontada » : le dynamisme du secteur tertiaire (commerce, transport, finance, hôtellerie, restauration …) qui a contribué à plus de 3,2 points à la croissance du PIB, expliquent les statisticiens dans la note sur les comptes nationaux fraîchement publiée, soulignant l’appui financier de l’Etat dont ont bénéficié les entreprises du secteur.

Croissance Bénin

En outre, les grands projets d’infrastructures et de construction portés notamment par l’Etat ont permis au secteur secondaire d’améliorer sa valeur ajoutée de 9,1%, contre 5,2% l’année précédente et de contribuer à hauteur de 1,5 point à la croissance. Cette donnée est de 1,4 point pour le secteur primaire porté par l’agriculture dont la contribution au PIB est passée à 22,8% en 2021, contre 21,8% l’année précédente selon l’Instad. Évoquant ces résultats sur ses réseaux, le ministre de l’Economie et de Finances, Romuald Wadagni, a salué un « niveau de croissance […] parmi les plus élevés d’Afrique ».

Avec 52% du PIB, le tertiaire reste la star de l’économie

Étendu sur 114 763 km2 où vivent plus de 13,3 millions d’habitants, le Bénin est ce qu’on pourrait qualifier de pays commercial, largement axé sur la réexportation. Ici, le secteur tertiaire représente 52% du PIB. Le pays peut en effet compter sur sa position stratégique sur la côte ouest-africaine où le Port Autonome de Cotonou est une véritable porte maritime pour les pays voisins enclavés, le Burkina Faso et le Niger. Toutefois, une part importante du commerce béninois est nourrie grâce à la proximité géographique avec le Nigeria. Techniquement, les flux commerciaux avec la première puissance économique du continent assurent au Bénin environ 40% de ses recettes fiscales. « C’est ce statut, je dirais, de hub commercial qui explique la prédominance des activités de logistique, de fret, d’assurance, … au sein de l’économie béninoise. Le succès rencontré dans ce type d’activité et la concentration des acteurs économiques sont à l’origine l’accompagnement dont bénéficie le secteur tertiaire de la part des autorités », explique à LTA Olivier Agboton, économiste et représentant au Bénin du Centre africain de veille en intelligence économique (CAVIE).

Agriculture et industrie, le nécessaire changement de cap

Pendant longtemps en effet, les regards se sont focalisés sur ce maillon fort de l’économie, occultant quasiment les autres secteurs. L’agriculture à titre d’exemple représente 80% des recettes d’exportations, mais les produits agricoles quittent généralement le pays à l’état brut. Il s’agit principalement du coton, de l’huile de palme, la noix de cajou ou encore l’ananas.  Ces dernières années, le gouvernement a manifesté sa volonté de transformer structurellement l’économie non seulement grâce aux réformes, mais aussi en renforçant sa coopération avec certains partenaires. Outre cela, le déploiement du plan national de développement 2018-2025 met l’accent sur le potentiel d’industrialisation, en particulier l’agro-industrie. Ce qui exige l’augmentation de la productivité agricole. Une nécessité qui s’est une fois de plus renforcée avec la guerre en Ukraine, car le pays achète 100% de son blé à la Russie sous sanctions internationales.

« Le Bénin revêt de tous les atouts pour devenir une grande nation agricole. A peine 25% de nos terres arables sont exploitées. Nous avons donc une grande marge pour tripler, voire quadrupler notre production agricole », affirme Olivier Agboton, tout en argumentant : « Pour ne parler que de l’an dernier, nous avons pu avoir -grâce aux mesures prises par le gouvernement- une bonne campagne cotonnière avec une production de 700 000 à 800 000 tonnes, ce qui a fait du Bénin le premier producteur de coton d’Afrique de l’Ouest. Nous avons également eu de bons résultats sur l’anacarde et bien d’autres. Mais il faut faire plus d’efforts et diversifier davantage les cultures non seulement pour que les Béninois deviennent des producteurs agricoles à l’instar des Ivoiriens ou des Camerounais, mais aussi les pousser à investir dans l’industrie. Les événements auxquels nous avons assisté sur la scène internationale nous obligent à aller dans cette direction ».

Des plans, non sans défis

Depuis quelques semaines, le ministère du Commerce et de l’Industrie et celui de l’Agriculture de l’élevage et la prêche travaillent à la création d’un Centre technique agro-alimentaire afin de résoudre toutes ces problématiques autour de la productivité agricole et industrielle et permettre au pays de produire conformément aux normes internationales. Alors que la pandémie de Covid-19 et désormais la guerre en Ukraine dépeignent sur les équilibres commerciaux et les chaînes d’approvisionnement à travers le monde, la trajectoire industrielle priorisée par l’Union africaine (UA) apparaît encore plus comme une urgence. La concrétisation de projets industriels permettrait au Bénin de dégager des niveaux de croissance encore plus importants, d’autant qu’un marché géant s’ouvre au travers de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Le pays a également matière à tirer parti de quelques projets d’envergure sous-régionale comme l’autoroute Abidjan-Lagos qui, d’un coût de 15,6 milliards de dollars et en partie financé par la Banque africaine de développement (BAD) reliera les principales villes et ports d’Afrique de l’Ouest.

Au-delà de la stratégie et la méthode de toutes les parties prenantes, l’implémentation de vision béninoise nécessitera de gros moyens financiers. Et le Bénin -dont le niveau de la dette publique est récemment noté B+ avec perspective stable par Fitch Ratings-  pourrait notamment compter sur la bonne presse internationale que lui confèrent ses résultats actuels et la poursuite des réformes.

 

Ristel Tchounand

Challenges Radio

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