La presse économique et financière fournit de l’information financière à la base des décisions d’anticipation des agents économiques. C’est la conclusion finale à retenir du Forum de la presse économique et financière qui vient de se tenir les 25 et 26 mars 2021 à Abidjan.
Organisé par Michel Russel Lohore, Journaliste, Membre du Club de la Presse de Lille (France), Lauréat du Prix National d’Excellence 2019 pour le Développement de la Communication en Côte d’Ivoire, cette messe s’est intéressée au rôle de l’information dans la structuration d’une économie ou d’un marché.
La loi est la même pour l’Occident comme pour l’Afrique. Toute place financière bien organisée, caractérisée par une anticipation perpétuelle des agents économiques, tend vers un prix d’équilibre, déterminé par le rapport permanent entre l’offre et la demande, le pessimisme et l’optimisme, le risque et le rendement et, en un mot, la valeur du futur ramenée au présent, à aujourd’hui, à l’heure même où ces modestes lignes sont portées à la délicate attention du lecteur.
La notation d’un pays, c’est à dire le degré de risque que court un détenteur de la dette dudit pays, repose en grande partie sur les informations recueillies par les agences de notation auprès d’un grand nombre d’acteurs dont les médias. Le prix du cacao à l’instant T est la synthèse dynamique entre les anticipations des acheteurs et des vendeurs, les prévisions de récolte, les achats des industriels… Il faut acheter quand l’occurrence est incertaine et vendre quand l’information est vérifiée. D’où notre adage, « acheter la rumeur, vendre l’information ».
Le cours d’une valeur cotée à la Bourse d’Abidjan ou de Casablanca est le rapport de plusieurs informations: il y a d’abord les bribes et bruits sur la valeur intrinsèque d’une entreprise, qu’on va chercher dans son bilan (qui a l’inconvénient de concerner le passé), dans sa communication financière délivrée au marché selon un calendrier légal et dans les informations en continu relayées par les journaux. Il y a aussi la psychologie du marché qui agit de manière rationnelle en fonction de l’information ou de la rumeur reçue, en spéculant. A ces éléments s’ajoutent des algorithmes de cotation qui, s’ils ne prennent pas suffisamment en compte les volumes, sont des portes ouvertes à toutes les manipulations de cours.
La presse financière et économique qui doit relayer ces différents paramètres tout en restant compétitive car portée par des entreprises participe de la démocratisation de l’information diffusée à tout le marché sans discrimination, en réduisant l’asymétrie entre les émetteurs et les investisseurs mais aussi entre les managers et les actionnaires. La valeur réelle d’un actif, reposant sur la promesse des flux futurs, est sujette permanente aux peurs et attentes rationnelles des propriétaires et des créanciers qui évaluent son degré actuel de risque en permanence sur la base des informations reçues.
Mais, l’on ne le dira jamais assez, bien que n’étant pas une marchandise comme les autres, l’information a un coût. Les entreprises de presse ont une mission et une responsabilité de service public tout en étant portée par une personne morale, un actionnariat etc. De la même manière que les agences de notation et les commissaires aux comptes, la question du conflit d’intérêt est récurrente chez les médias, la frontière entre service marketing et rédaction n’étant pas toujours hermétique, le piège de la subjectivité pouvant toujours rattraper n’importe quel rédacteur. La garantie repose sur le professionnalisme et le traitement de l’information selon les principes du recoupement et de la vérification. Si la neutralité est une illusion, que l’objectivité reste la ligne de démarcation permettant de définir une information journalistique. Le rôle de la presse économique et financière est de fournir de l’information tout en se gardant d’émettre des recommandations à l’achat ou à la vente, domaine des analyses financiers agréés ou reconnus comme tels par le marché.
En clair, le marché est un lieu de rencontre entre plusieurs intérêts. A commencer par le détenteur de l’action qui a droit à l’information et à percevoir des revenus futurs. Les sociétés cotées ayant une bonne communication financière a travers les canaux prévus entraîneront une évaluation correcte de leurs valeurs par le marché, autrement c’est la rumeur qui s’en charge. De même les États africains (qui continuent à externaliser leurs politiques de com confiées à des agences européennes ou américaines facturées en euros et en dollars) ont intérêt à expliquer leurs politiques économiques, leurs mesures fiscales, leurs objectifs d’inflation, leurs politiques monétaire afin de donner le maximum de visibilité aux investisseurs, aux partenaires techniques financiers et aux observateurs. Quant aux journalistes, ils doivent tout en informant juste et vrai sur des bases objectives, garder constamment à l’esprit que la publication de l’information, de toute information, ne peut se justifier que par son utilité sociale. L’Afrique n’a pas besoin d’une information positive mais d’une information vraie, gage du juste prix des matières premières, du juste pricing du risque pays et des justes intérêts des dettes publiques et privées.
Par la rédaction