En cinq ans, l’Alliance Sahel a triplé ses engagements financiers

Le 4 avril 2022, la 3e Assemblée générale de l’Alliance Sahel se tenait exceptionnellement à Madrid, sous la présidence de l’Espagne. Alors que plane le risque d’une crise alimentaire sur fond de dégradation politique et sécuritaire au Sahel, les membres de cette plateforme de coopération transnationale rejointe par les Etats-Unis, le Canada et la Suède, ont décidé de renforcer leurs engagements.

« Comme vous le savez, l’Espagne aurait voulu que cette réunion ait lieu au Sahel, en marge du Sommet des chefs d’Etat du G5 Sahel », a introduit José Manuel Albares, ministre espagnol des Affaires étrangères, non content que la solution alternative se soit portée sur « Madrid, la capitale européenne la plus proche (géographiquement, ndlr) du Sahel ». L’Espagne qui vient d’inclure le Sahel comme région prioritaire dans son nouveau projet de loi de coopération pour le développement participe déjà aux missions EUTM Mali, EUCAP Sahel-Mali et EUCAP Niger et ses engagements dans la région recouvrent quelque 114 projets pour un budget global de 116 millions d’euros.

Née en 2017 lors du sommet du G5, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, l’Alliance Sahel vise à accélérer les initiatives structurantes en mutualisant les financements des bailleurs internationaux. Il faut dire que les défis à relever sont considérables. Ce sont près de 2,5 millions de personnes qui ont été contraintes de fuir leur foyer au cours de la dernière décennie, 6.7 millions de Sahéliens nécessitent aujourd’hui une assistance alimentaire d’urgence et la situation pourrait encore se dégrader. « Plus de 10 millions de personnes pourraient être confrontées à la faim et à la malnutrition au cours de la prochaine saison. (…) Avec l’agression de la Russie contre l’Ukraine qui fait grimper les prix des matières premières, ces chiffres pourraient encore augmenter. À court terme, notre priorité absolue doit être de répondre aux besoins alimentaires urgents », a alerté José Manuel Albares, le 4 avril dernier.

Alors que la pandémie de Covid-19 avait déjà amplifié les difficultés en terres sahéliennes, c’est aujourd’hui l’approvisionnement de céréales et d’engrais venus de l’est de l’Europe, qui se trouve perturbé des suites de la crise russo-ukrainienne, renforçant ainsi le risque d’une famine imminente. « Face à cette situation, il faut comprendre que si nous, pays sahéliens, sommes responsables de l’avenir de nos Etats en tant que dirigeants, nous restons dépendants de l’environnement politique, économique et financier international, sur lequel nous avons peu de prise », a souligné le Tchadien Mahamat Hamid Koua, en qualité de président du Conseil des ministres du G5 Sahel, dans son allocution d’ouverture.

Les Etats-Unis, le Canada et la Suède rejoignent l’Alliance

Agir sur les causes profondes de l’instabilité : tel est le créneau de cette plateforme multinationale qui entend œuvrer aussi bien sur l’adaptation aux changements climatiques que sur la gouvernance ou la sécurité alimentaire en passant par l’égalité des genres, la formation professionnelle ou encore l’insertion socio-économique de la jeunesse.

Depuis 2017, le nombre de projets financés par l’Alliance Sahel a triplé, tout comme ses engagements financiers. « Au 31 décembre 2021, les membres de l’Alliance ont financé 1 212 projets, pour un montant total de 26,5 milliards d’euros », s’est félicité José Manuel Albares. Les régions frontalières ont fait l’objet d’une attention particulière à travers la mise en œuvre du Programme de Développement d’Urgence (PDU) du G5 Sahel. Grâce au PDU, plus d’un million de personnes ont bénéficié d’un accès amélioré à l’eau et 125 000 ont reçu une assistance alimentaire. Par ailleurs, 1 572 structures contribuant à la prévention des conflits et à la cohésion sociale ont vu le jour et 414 000 personnes ont été formées au dialogue, à la gestion et à la médiation des conflits. De nouvelles phases des projets financés par l’Alliance Sahel sont en cours d’instruction ou d’exécution et permettront un quasi doublement du montant initial dédié à ce programme, qui est passé de 266 millions d’euros fin 2018 à près de 514 millions d’euros aujourd’hui.

Pour renforcer ses engagements, l’Alliance -qui réunissait à l’origine, la France, l’Allemagne et l’Union européenne (UE) avec l’appui de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement (BAD), du PNUD et qui fédère aujourd’hui l’action de 26 acteurs du développement (17 membres et 9 observateurs)-, pourra désormais compter sur la présence de trois nouveaux membres de plein exercice avec l’arrivée du Canada, des Etats-Unis et de la Suède.

Sans stabilité politique, pas de sécurité…

« Il n’existe pas d’alternatives meilleures que la démocratie et l’état de droit. Nous appuyons le rôle de la CEDEAO, de l’Union africaine et des Nations unies pour un retour à l’ordre constitutionnel, parce que, dans ce contexte complexe, la consolidation des transitions démocratiques reste fondamentale », a rappelé le ministre des Affaires étrangères espagnol dans son allocution d’ouverture, renvoyant le débat aux régimes de transition pour le moins controversés dans trois des cinq pays du G5 Sahel. « La remise en cause de l’ordre constitutionnel et les incertitudes qui pèsent sur les transitions politiques engagées dans trois États du G5 Sahel (Mali, Burkina Faso, Tchad, ndlr) constituent des facteurs accrus de déstabilisation », a-t-il tenu à préciser.

La plateforme mandatée pour accompagner le développement du Sahel n’a pas occulté la dimension politique, car sans « stabilité », il n’y a ni « sécurité », ni « développement », a martelé le ministre espagnol. Par ailleurs, la dégradation sécuritaire et la diffusion de la menace au-delà du Sahel poussent aujourd’hui l’Alliance à envisager une « extension géographique » de sa mission vers les régions septentrionales et frontalières. « La menace de débordement vers les États côtiers est déjà une réalité », a souligné José Manuel Albares.

Cette assemblée générale devait également désigner la nouvelle présidence de l’Alliance. « En termes de gouvernance, je saisis cette opportunité pour vous rappeler que les mandats de gouvernance de l’Assemblée générale et du comité de pilotage arrivent à expiration en juin 2022. Nous n’avons à ce stade pas reçu de candidatures à ces mandats. Pour ceux d’entre vous qui le souhaiteraient, aujourd’hui il serait le moment de manifester votre intérêt pour assumer ces rôles », interpellait José Manuel Albares dans son discours d’ouverture. En fin de journée, le ministre des Affaires étrangères espagnol a annoncé que la présidence de l’Assemblée générale de l’Alliance Sahel par l’Espagne serait finalement prolongée d’une année supplémentaire…

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