Avec plus de 600 millions de créatrices d’entreprises, l’Afrique s’impose comme le continent au taux de femmes entrepreneures le plus élevé au monde. Pourtant, les femmes africaines restent confrontées à de nombreux obstacles pour pérenniser leur activité, notamment en matière d’accès aux financements.
Leader mondial de l’entrepreneuriat féminin, le continent africain recense pas moins de 24% d’entrepreneures parmi la population féminine, contre 11% en Asie du Sud-Est et Pacifique, 9% au Moyen-Orient et 6% en Europe et Asie Centrale, selon l’étude publiée en novembre 2020 par Roland Berger et intitulée : « Accélérer la dynamique entrepreneuriale des femmes en Afrique ». Pour l’immense majorité d’entre elles, la création d’entreprise est alimentée par la nécessité de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, dans des pays où l’accès à l’éducation et à l’emploi reste limité pour les femmes. Ainsi, beaucoup d’entrepreneures évoluent dans le secteur informel, dans des domaines à faible marge tels que les commerces de proximité, la restauration ou la cosmétique.
Le frein des financements
Malgré l’essor de cette dynamique entrepreneuriale, l’inclusion financière des femmes demeure très faible dans la plupart des régions du continent. En Afrique Subsaharienne à titre d’exemple, conformément aux données du Fonds monétaire international (FMI), seulement 37% de femmes possèdent un compte bancaire, contre 48% d’hommes.
En parallèle, l’obtention de financements pour développer leur activité reste un parcours compliqué. En cause : des facteurs éducatifs et culturels (manque d’informations et d’accès aux institutions financières ; méconnaissance des critères exigés) qui poussent les femmes à s’autoexclure des systèmes de financement. Il faut également prendre en compte les contraintes personnelles et familiales, la faible participation des femmes aux réseaux d’affaires, mais aussi le défaut de solvabilité en raison d’un nombre limité d’actifs, puisque ce sont traditionnellement les hommes qui sont propriétaires des biens de valeur.
Levier de croissance
Pourtant, les femmes représentent un véritable pilier de l’économie africaine. Avec une contribution de 150 à 200 milliards de dollars, les femmes entrepreneures jouent un rôle majeur en termes de prospérité économique. Alors que le contrecoup de la pandémie de covid-19 se fait particulièrement dévastateur pour l’économie des pays émergents, il est urgent de miser sur les femmes pour leur permettre de créer les entreprises de demain, qui deviendront de grandes figures internationales et participeront à booster l’économie locale.
Des solutions adaptées
Il convient alors d’instaurer un certain nombre de réformes répondant spécifiquement aux challenges rencontrés par ces gérantes d’entreprises. Tout d’abord, la mise en place de politiques et de réglementations liées à l’inclusion financière (à l’exemple de la Côte d’Ivoire, qui a mis en place en 2017 un fonds doté de 5 milliards de FCFA afin de faciliter l’accès au crédit aux femmes entrepreneures).
Il est également essentiel que les banques et institutions deviennent partie prenante de cette transformation en adaptant leurs offres au profil des entrepreneures; en introduisant de nouveaux outils financiers dotés de critères plus flexibles, ou encore en développant des solutions de mésofinance dédiées aux PME et entrepreneurs, afin de combler le fossé entre microfinance et crédits traditionnels. Elles devront également proposer une assistance technique et des services de renforcement de compétences qui permettront aux femmes de développer leur littérature financière.
Si cette transformation doit être une priorité, elle doit surtout s’appuyer sur des dispositifs digitaux, que cela soit pour faciliter l’accès aux financements en permettant aux banques de concevoir de nouveaux systèmes de notation de crédits, basés sur le recueil et la traçabilité des données des entrepreneures africaines, ou pour former les femmes aux démarches à entreprendre afin de devenir de véritables championnes régionales !
*Spécialiste en Financement du développement pour la Banque Africaine de Développement et Fondatrice de HTS Partners, une société de conseil financier, Hafou Touré Samb est devenue en 2018 la plus jeune et la première femme Ivoirienne à fréquenter à la fois la Wharton School de l’Université de Pennsylvanie pour un MBA et la Harvard John F. Kennedy School of Gouvernement pour une maîtrise en administration publique.
Par Hafou Touré