[EXCLUSIF] Tech : en pleine crise de gouvernance, l’équipe exécutive de Digital Africa contre-attaque !

L’association Digital Africa est traversée par une profonde crise de gouvernance au point où ses activités sont à l’arrêt depuis mi-mars. Une assemblée générale extraordinaire se tiendra le 7 mai prochain pour décider de l’avenir de l’association. Entretien croisé avec l’équipe exécutive de Digital Africa qui répond aux accusations de certains membres du conseil d’administration et publie ce jour, une tribune exclusive sur notre site.

Digital Africa, portée par l’Elysée et financée par l’Agence française de développement (AFD) pour le soutien à l’entrepreneuriat dans le secteur numérique en Afrique, traverse une grave crise interne. Quelle est l’origine de ces troubles ?

Stéphan-Eloïse Gras, directrice exécutive de Digital Africa : C’est sans doute le résultat du changement d’approche et de méthode opéré l’an dernier et pour lesquels, nous, l’équipe opérationnelle, avons justement été recrutés… Depuis le printemps 2020, la mission de Digital Africa a été redéfinie et recentrée. Notre objectif est à présent de renforcer la capacité des entrepreneurs numériques africains à concevoir et à déployer, à grande échelle, des innovations de rupture qui soient au service de l’économie réelle. Cette orientation, associée à un plan d’action qui a été proposé, puis validé en conseil d’administration et par l’assemblée générale du 10 juin, représente une nouvelle manière de faire de l’aide publique au développement [APD], via le soutien à des innovations « Made in Africa ».

Quels sont les ressorts de cette nouvelle méthode de travail ?

Aphrodice Mutangana, directeur des opérations et des partenariats : Elle repose sur des programmes d’action ouverts à tous et s’adresse à l’ensemble des startups du continent, quelle que soit leur origine ou leur appartenance à un réseau référent. Elle est plus ouverte et plus inclusive, ce qui est logique pour un projet dont la vision est panafricaine…

Isadora Bigourdan, directrice des programmes : Les programmes concernés, financiers ou non-financiers, sont structurés autour d’objectifs bien définis, ce qui permet d’évaluer et de suivre leur impact en temps réel grâce à de nouveaux outils venant de la data science et l’IA. D’autre part, et c’est un point important, c’est une méthode plus exigeante en termes de comptabilité de l’action publique.

Ali Mnif, directeur de l’investissement : Ces changements profonds dans la manière de faire sont plus proches de l’univers des startups, de l’investissement ou de la recherche, dont nous venons tous, entre Paris, Kigali, Dakar, Tunis et Marseille. D’ailleurs, ces changements au niveau de la gouvernance étaient attendus dès juin 2020, quand le vice-président actuel [Kizito Okechuckwu, directeur général du Global Entrepreneurship Network (GEN), ndlr] a été choisi pour assurer la présidence par intérim, après la démission du président fondateur [Karim Sy, fondateur de Jokkolabs, ndlr]… [Kizito Okechuckwu aurait envoyé sa lettre de démission, de sources bien informées, ndlr].

Stéphan-Eloïse Gras, vous avez révélé des dysfonctionnements internes. En donnant l’alerte, vous vous êtes attiré les foudres du conseil d’administration. Que s’est-il passé ?

Stéphan-Eloïse Gras : A l’automne 2020, notre méthode de travail qui a mobilisé des partenaires africains et européens a commencé à montrer des résultats, salués dans l’écosystème. Avec les premiers succès de programmes tels que Bridge Fund by Digital Africa, Africa Next ou bien la Resilient Summer School, les désaccords au sein du conseil d’administration sont devenus plus pressants… En tant que bénéficiaires de financements publics, nous sommes tenus de mettre en place une gestion dans le strict respect des règles exigées par nos bailleurs, notamment de mise en concurrence.

Les relations se sont dégradées subitement quand l’équipe exécutive a attiré l’attention des administrateurs sur le flou existant dans les conditions d’octroi de financements à des structures siégeant au conseil d’administration.

En décembre 2020, j’ai alerté le bureau de l’association sur des risques potentiels de conflits d’intérêts. A la suite de cela, on m’a enlevé la délégation de pouvoirs qui me permettait d’exercer mes fonctions. J’ai subi des attaques récurrentes remettant en question mes capacités et mon intégrité professionnelles, sans aucun fondement. Au cours des derniers mois, ces attaques se sont aggravées contre l’ensemble des salariés de l’association et nous avons été accusés d’agir sans autorisation ou bien sans transparence, voire d’être à l’origine de cette crise…

A ce jour, où en sont les activités engagées par Digital Africa ?

Aphrodice Mutangana: Depuis le 15 mars, l’équipe et les activités sont complètement à l’arrêt. Des marchés pourtant octroyés dans les règles de la mise en concurrence sont bloqués et des partenaires ont vu leurs travaux mis en suspens, en attendant un audit de l’ensemble des procédures depuis la naissance de l’initiative…

Des coopérations importantes avec d’autres bailleurs de fonds risquent d’être annulées. Devant la détresse du personnel de l’association et la pression subie par des salariés menacés, entre autres, de licenciement, l’inspection du travail a saisi notre conseil d’administration pour évaluer les risques psychosociaux. Mais alors qu’on s’apprêtait à rendre tout notre travail accessible aux futurs auditeurs chargés de rétablir les faits, notre système de gestion documentaire et nos adresses mails ont tous été désactivés sans qu’aucun salarié n’ait été informé au préalable…

Quelles sont les prochaines étapes attendues ?

Ali Mnif : Un conseil d’administration doit avoir lieu le 3 mai et sera suivi d’une assemblée générale extraordinaire avec tous les membres le 7 mai pour décider comment sortir de la crise. Plusieurs hypothèses sont mises en discussion dont une dissolution de la structure existante et une refonte de la gouvernance et du statut juridique de l’initiative.

Peut-on encore sauver Digital Africa ?

Ali Mnif : La raison d’être de l’initiative n’est pas près de disparaître ! Les besoins sur le continent restent immenses, dans une région où la croissance reste au-dessus de la moyenne mondiale. L’investissement dans les startups de la tech africaine double chaque année et dépasse les 2 milliards de dollars – selon Partech Report – depuis 2019. Par ailleurs, la pandémie a accéléré la transformation numérique du continent. Le monde entier a besoin de voir des innovations « Made in Africa » passer à l’échelle pour devenir des références. Il y a toute la place pour une structure panafricaine comme Digital Africa […] Les attentes sont fortes sur le terrain et la France doit y prendre part !

Source Tribune Afrique

Challenges Radio

Read Previous

Les canadiens Fortuna et Roxgold concluent une fusion-acquisition de 884 millions de dollars en Afrique de l’Ouest

Read Next

Le futur de la relation Afrique-Europe sera lié aux enjeux de l’économie numérique

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.