Zéro exclusion, zéro carbone, zéro pauvreté, l’équation à résoudre par les économies européennes et africaines dans le contexte international actuel peut s’avérer challengeant, mais pas impossible. Des personnalités distinguées aux profils divers ont fait le tour du sujet lors du Forum Europe-Afrique le 17 mars à Marseille.
Comment développer ou relancer les économies d’Europe et d’Afrique en répondant simultanément à la nécessaire inclusion des différentes franges de la société, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et à l’éradication de la pauvreté ? Telle est la grande question posée par la table ronde de haut niveau, animée par Abdelmalek Alaoui, CEO et fondateur de Guépard Group, sous le thème : « Vers une économie à trois zéros sur les continents européen et africain : zéro exclusion, zéro carbone, zéro pauvreté ».
Quand les ressources naturelles favorisent l’évolution
Figure gouvernementale sur ce panel, Nicolas Kazadi, ministre des Finances de la République démocratique du Congo (RDC) a dressé le tableau mi-figue mi-raisin d’une Afrique riche en ressources naturelles et dont paradoxalement les populations au sens large jouissent peu de ces richesses, mais qui tente tant bien que mal de résoudre l’équation d’une économie à trois zéros. « La chance que nous avons en RDC c’est que nous ne sommes pas de gros producteurs d’énergies fossiles. Nous sommes plutôt producteurs de minerais qui sont très utiles pour la transition énergétique : la RDC est le premier producteur de Cobalt, l’un des premiers de lithium, … De ce point de vue, nous représentons l’avenir par rapport aux minerais qui permettent de produire les batteries électriques. Nous détenons également 50 à 60% des réserves de forêts tropicales du continent. L’enjeu non seulement pour nous, mais aussi pour l’humanité toute entière, est de protéger ces forêts. Nous avons de quoi faire en ce qui concerne les grands enjeux énergétiques du moment », a expliqué le ministre congolais. « Mais malheureusement, reconnaît-il, nous sommes aussi un pays qui symbolise la difficulté en ce qui concerne l’inclusion. Cependant, nous sommes en train de relever le défi peu à peu. L’année dernière, nous avons -à titre d’exemple– commencé à appliquer l’école gratuite pour tous et avons pu scolariser 4 millions d’enfants qui étaient à la rue ».
L’Afrique peut s’inspirer de l’expérience européenne
A l’instar de la RDC qui entend se positionner sur le plan industriel dans la transition énergétique mondiale, la majorité des pays africains prennent de plus en plus à bras le corps la problématique environnementale et ce, bien après l’Union européenne qui -parmi les plus gros émetteurs de GES au monde (près de 9%) et depuis longtemps victime des dérèglements climatiques- a bien avancé dans son processus de transition énergétique. « Le sujet du changement climatique en Afrique n’a pas connu le même degré d’appropriation parce qu’il y a eu d’autres priorités plus pressantes : la sécurité alimentaire et énergétique, enrayer la pauvreté et l’instabilité politique », a expliqué Laurence Tubiana, CEO de l’European Climate Foundation, soulignant que face notamment de la croissance démographique et le développement économique, les émissions africaines de GES (bien que les plus faibles au monde) devraient augmenter. Elle estime alors que l’Afrique a raison d’accélérer sa transition énergétique et en cela, l’Europe qui est plus avancée sera un important partenaire.
Les jeunes (aussi) pour avancer autrement
Voix de la jeunesse au cours de ces discussions, Amina Zakhnouf, cofondatrice de « Je m’engage pour l’Afrique » a porté un plaidoyer afin que la génération Y ait l’opportunité d’apporter sa contribution à la construction d’économies à trois zéros des deux côtés de la rive méditerranéenne. « Il faut faire en sorte que les jeunes qui ont envie de faire les choses, de présenter des alternatives à la façon dont on fait aujourd’hui prennent aussi une place et occupe l’espace », a-t-elle déclaré, soulignant que les pouvoirs publics ont également un rôle à jouer pour la formation de la jeunesse face notamment aux enjeux environnementaux, d’inclusion et de prospérité partagée.
La RSE, la pierre des entreprises à l’édifice économique à 3 zéros
Au niveau des entreprises européennes qui investissent en Afrique, l’engagement à faire avancer l’économie à différentes échelles est relativement conséquent chez les groupes d’envergure mondiale. Orange à titre d’exemple, va investir plusieurs millions d’euros pour la construction d’une centrale solaire au Mali. « Au sein du groupe déjà, nous avons pour objectif d’être zéro carbone en 2040. Nous pouvons donc vraiment apporter une contribution au zéro carbone sur le continent », a confié Stéphane Richard, PDG d’Orange. « Il faut beaucoup de volonté, de constance et se mettre en accord avec les décisions. Chez nous, nos objectifs pour l’Afrique sont : le développement, faire de l’inclusion & le numérique », a-t-il ajouté, soulignant les différentes initiatives du groupe tricolore pour notamment démocratiser l’accès au numérique pour les plus jeunes.
Laurent Goutard, directeur Afrique de la Région Afrique, Méditerranée & Outre-Mer de la Société Générale dresse quant à lui le profil d’une Afrique en mutations où il est quasi-impossible de faire du business aujourd’hui sans chercher à contribuer à l’émergence d’une économie à trois zéros. « On est dans une révolution très forte et on change complètement les paradigmes sur le continent africain. Déjà, le paysage concurrentiel a complètement changé avec de nouvelles banques africaines. Nous continuons de croire en l’Afrique. La RSE est en train de changer les façons de faire et l’intégration de la dimension sociale et environnementale devient une raison d’être dans le pilotage de nos activités », a-t-il expliqué, ajoutant que la Société Générale est membre fondateur de Net-Zero and Banking Alliance pour la neutralité carbone en 2050. Dans ce cadre, la banque a notamment financé la première centrale solaire à Madagascar et émis l’an dernier le premier green bond de l’Etat du Bénin, pour ne citer que cela.
Source TA