Guerre en Ukraine : Vladimir Poutine dit que les sanctions contre la Russie affaiblissent l’Occident

Dans un discours sur l’état de l’économie russe, ce lundi, le président russe Vladimir Poutine a estimé que les salves de sanctions en représailles à son invasion en Ukraine déstabilisaient les pays occidentaux. Il a ajouté que l’inflation russe était en train de se stabiliser et que la demande était revenue à la normale. Mais le Kremlin doit faire face à un risque de défaut de paiement de sa dette extérieure alors que son économie s’enfonce inexorablement dans la récession, tandis que les soubresauts engendrés par ce conflit armé pourraient faire perdre 1 à 2 points de croissance pour l’Union européenne.

Les sanctions occidentales contre la Russie se multiplient depuis plusieurs semaines. Mais pour le président russe Vladimir Poutine, ces mesures contre la Russie ont conduit à une « détérioration de l’économie en Occident ».

Cette déclaration intervient alors qu’hier, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen expliquait que la sixième vague de mesures de représailles contre l’invasion de l’Ukraine par Moscou pourrait cette fois-ci viser des banques russes, en particulier Sberbank, ainsi que le pétrole.

« Nous nous penchons davantage sur le secteur bancaire, notamment sur Sberbank qui représente 37% du secteur bancaire russe. Il y a également les question énergétiques », a déclaré Ursula von der Leyen au journal dominical Bild am Sonntag, qui lui demandait de détailler les points clés des nouvelles sanctions.

L’Union européenne a, pour l’instant, épargné la plus grande banque de Russie car elle représente, avec Gazprombank, l’un des principaux canaux de paiement du pétrole et du gaz russes, que les pays du bloc achètent malgré le conflit en Ukraine.

Inflation galopante en Russie

 

Dans un discours sur l’état de l’économie russe, le président russe Vladimir Poutine ajouté que l’inflation dans son pays était en train de se stabiliser et que la demande était revenue à la normale. Les pays occidentaux ont décidé des sanctions sans précédent contre la Russie, ses entreprises et son système financier depuis le début, le 24 février, de ce que Moscou présente comme une « opération militaire spéciale » mais que Kyiv considère comme une invasion.

« La prévision officielle devrait aboutir à une contraction de plus de 10% (du PIB)« , en 2022, a prévenu la semaine dernière Alexeï Koudrine, ancien ministre des Finances de Vladimir Poutine entre 2000 et 2011, cité par l’agence de presse russe Ria Novesti.

Avant le discours de Vladimir Poutine ce lundi, la gouverneure de la banque centrale russe, Elvira Nabioullina, avait déclaré envisager une nouvelle baisse des taux d’intérêt et dit qu’il faudrait environ deux ans pour ramener l’inflation vers l’objectif de 4% que se sont fixé les autorités. La hausse des prix à la consommation en Russie a atteint 17% en mars.

Aujourd’hui, les citoyens russes consacrent en moyenne 40% de leur revenu disponible à la nourriture, soit environ deux fois plus qu’avant la guerre, a déclaré à Reuters le directeur du bureau de liaison de l’agence alimentaire des Nations unies en Russie. Les données du gouvernement russe montrent que l’inflation annuelle des denrées alimentaires a atteint 18,75% le 1er avril.

Face à l’inflation, la banque centrale russe avait relevé son principal taux directeur à 20% le 28 février, contre 9,5% auparavant, après la chute du rouble provoquée par le début du conflit et les premières sanctions occidentales, mais elle l’a ramené à 17% le 8 avril.

« Nous devons être en mesure de réduire plus rapidement le taux directeur », a dit Elvira Nabioullina dans un discours devant des députés lundi. « Nous devons créer les conditions permettant d’accroître la disponibilité du crédit dans l’économie. »

Risque de défaut de paiement de l’économie russe ?

Les sanctions, a-t-elle dit, ont jusqu’à présent surtout affecté les marchés financiers « mais maintenant, elles vont commencer à affecter de plus en plus l’économie ». Elle a précisé que Moscou prévoyait d’engager des procédures judiciaires contre le blocage d’actifs russes, entre autres en or et en devises appartenant à des résidents russes.

Pour le moment, la Russie a écarté le risque d’un défaut de paiement malgré les sanctions imposées à son encontre. Et ce parce que le Trésor américain permettait l’utilisation de devises étrangères détenues par Moscou à l’étranger pour régler des dettes extérieures. Depuis peu, ça n’est plus le cas. Le ministère américain a en effet durci les sanctions début avril, n’acceptant plus de dollars détenus par Moscou dans des banques américaines.

close
volume_off

Une décision prise alors que la Russie devait payer une dette de près de 650 millions de dollars, à savoir deux obligations arrivant à échéance en 2022 et en 2042. Elle les a donc réglées le 4 avril dernier mais en roubles et non pas en dollars américains, comme l’avait annoncé le ministre russe des Finances, Anton Silouanov. Pour l’agence Moody’s, ce paiement en roubles « modifie les conditions de paiement par rapport aux contrats initiaux et peut donc être considéré comme un défaut » si Moscou ne s’acquitte pas de cette dette d’ici le 4 mai, soit la fin du délai de grâce.

Le ministre a indiqué que la dette extérieure de la Russie représentait environ 4.500 à 4.700 milliards de roubles (environ 52 milliards d’euros au taux actuel), soit 20% de la dette publique totale.

De l’avis de plusieurs analystes, un défaut de l’État semble désormais proche, voire inévitable. Pour rappel, un défaut sur sa dette extérieure coupe un pays des marchés financiers et complique son retour pour des années.

« Etouffer l’économie russe »

Jeudi dernier devant la Douma, le Premier ministre russe, Mikhaïl Michoustine, a reconnu que les sanctions plongeaient la Russie dans de grandes difficultés. « La situation actuelle pourrait être sans aucun doute qualifiée de la plus difficile depuis trois décennies pour la Russie », a-t-il déclaré, en ajoutant que « jamais des telles sanctions n’avaient été utilisées [contre la Russie], même aux heures les plus sombres de la Guerre Froide ».

Jeudi 7 avril dernier, le président américain estimait que « nos sanctions [américaines] vont certainement effacer quinze ans de progrès économique en Russie » et « nous allons étouffer (sa) capacité à croître pour des années », avait-t-il déclaré lors d’une conférence syndicale. En visite à Kiev la semaine dernière, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a prédit un sombre avenir à la Russie. Selon elle, le pays dirigé par Vladimir Poutine est menacé de « décomposition » en raison de sanctions toujours plus sévères au contraire de l’Ukraine qui a un « avenir européen ».

Une guerre coûteuse pour les économies occidentales

 

Du côté occidental, il est vrai que la guerre en Ukraine coûte aux pays développés. En France, plus d’un mois après le début du conflit, les indicateurs passent au rouge les uns après les autres. Dans leur dernière note de conjoncture dévoilée ce mardi 12 mars, les économistes de la Banque de France ont révisé à la baisse leurs prévisions de croissance du PIB pour le premier trimestre, passant de 0,5% à 0,25% (-0,25 point).

De leur côté, les économistes d’Allianz ont également dégradé leurs projections de croissance mais cette fois-ci pour 2022 de 1 point, passant de 4% à 3% dans leur scénario central. En cas d’aggravation de la guerre, l’économie tricolore pourrait tomber en récession à -2,3%.

Au niveau européen, la guerre en Ukraine pourrait amputer « un point à un point et demi » de croissance à l’Europe, en fonction de la durée du conflit, tandis que l’inflation pourrait encore augmenter « de deux points à deux points et demi », a estimé la cheffe économiste de l’OCDE, Laurence Boone, la semaine dernière.

Si la Française précise que « le degré d’incertitude est élevé » quant à ces estimations, elle considère qu’il faudra mener « une réflexion en profondeur concernant les sujets fondamentaux, dont la sécurité alimentaire, énergétique et numérique, ainsi que l’organisation des échanges commerciaux ».

Ce qui est certain, c’est que la guerre en Ukraine et les sanctions imposées à la Russie sont en train de chambouler le commerce international. Il devrait déjà s’écrouler de moitié en 2022, alerte l’Organisation mondiale du commerce (OMC). A plus long terme, c’est bien une « désintégration » du système des échanges mondiaux qui menacerait. Émergeraient alors deux blocs fondés sur des enjeux géopolitiques – un centré sur les États-Unis et un autre autour de la Chine – dont les échanges entre eux seraient extrêmement limités. Un tel scénario réduirait le bien-être mondial en 2040 de 5%.

Challenges Radio

Read Previous

La Banque mondiale réduit de 0,9 point ses perspectives de croissance

Read Next

Le FMI et la Banque mondiale envisagent la « reconstruction » de l’Ukraine

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.