Au lendemain de la visite d’État d’Emmanuel Macron sur fond d' »Inflation Reduction Act », le ministre de l’Industrie français, Roland Lescure, plaide pour une concurrence « forte et loyale » entre les États-Unis et l’Union européenne. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, s’est, elle, dite prête à réévaluer le besoin de financements européens. Même le Commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, a envisagé la création d’un fonds européen de souveraineté pour soutenir les projets industriels.
C’était le cœur de la visite d’Etat d’Emmanuel Macron aux Etats-Unis : l’« Inflation Reduction Act » (IRA), un texte de loi débloquant 420 milliards de dollars d’investissements, dont 369 pour le climat, pour l’industrie « made in USA ». Du protectionnisme étasunien synonyme « de préoccupation pour les Européens », d’après un ponte de Bercy habitué des réunions internationales. Un dispositif nécessitant « un besoin de resynchroniser les agendas américain et européens », selon l’entourage du chef de l’Etat avant le départ.
Une fois sur place, le président de la République française a tapé fort, qualifiant ces subventions de « super agressives » sur le plan commercial, même s’il en « partage les objectifs ». Ce programme américain d’investissements et de subventions censé aider les entreprises et lutter contre l’inflation risque de « fragmenter l’Occident » a poursuivi Emmanuel Macron.
Il y a un « risque » que « l’Europe et la France deviennent une sorte de variable d’ajustement » de la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine, les deux premières puissances mondiales, a-t-il martelé devant la communauté française à l’ambassade de France à Washington. Selon lui, l’IRA « crée de telles différences entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Europe que ceux qui travaillent dans nombre d’entreprises vont juste se dire « on ne fait plus d’investissements de l’autre côté de l’Océan » atlantique.
Un avis que ne partage pas la Maison Blanche pour qui cet « Inflation Reduction Act » crée des opportunités significatives pour les entreprises européennes et pour la sécurité énergétique européenne.
« Ce n’est pas un jeu à somme nulle », a déclaré la porte-parole de Joe Biden, Karine Jean-Pierre.
Peu après, lors d’une conférence de presse commune à Washington, le président américain a souligné qu’il s’était mis « d’accord » avec le chef de l’Etat français afin de « synchroniser » les approches pour renforcer la chaîne d’approvisionnement, la production et l’innovation.
« Nous allons synchroniser nos approches et nos agendas pour investir dans les industries émergentes critiques telles que les semi-conducteurs, l’hydrogène, les batteries » a renchéri Emmanuel Macron.
Eviter la course à l’échalote
Un message répété par le ministre de l’Industrie Roland Lescure, invité ce 4 décembre de l’émission Questions politiques de France Inter/France Télévisions/Le Monde.
« Il faut que l’on évite la course à l’échalote (…) des subventions maximales qui font qu’on se retrouve en concurrence au détriment de nos finances publiques. Il faut que la concurrence soit forte et loyale, donc on a besoin de se coordonner pour s’assurer qu’on est sur un terrain de jeu qui est juste », a déclaré l’ex-président (LREM) de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.
Ce plan prévoit en effet des réformes favorisant les entreprises implantées aux Etats-Unis, notamment dans les secteurs des véhicules électriques, des batteries, de la tech, des énergies renouvelables ou encore de l’hydrogène. « On a été naïf, il y a aujourd’hui en Chine et aux Etats-Unis des dispositions qu’il faut qu’on intègre dans notre politique européenne » a déclaré Roland Lescure, soulignant notamment le peu de critères permettant de « privilégier les achats européens » pour les appels d’offres publics.
Réévaluer le besoin de financements européens
Il ne croit pas si bien dire. L’Union européenne doit prendre des mesures de « rééquilibrage » pour aplanir les « distorsions » de concurrence causées par les subventions américaines massives du grand plan climat de Joe Biden, a estimé, ce 4 décembre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Tout en « travaillant avec les Etats-Unis pour résoudre les aspects les plus problématiques » du plan, « nous devons ajuster nos propres règles pour faciliter les investissements publics dans la transition (environnementale) et nous devons réévaluer le besoin de financements européens » communs, a-t-elle indiqué dans un discours au Collège de l’Europe à Bruges (Belgique).
Un fonds européen de souveraineté pour soutenir les projets industriels ?
Hasard du calendrier, dans le JDD, le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, appelle à la création d’un « fonds européen de souveraineté pour soutenir des projets industriels » et faire face à l’Inflation Reduction Act (IRA) américain, critiqué par Emmanuel Macron lors de sa visite aux Etats-Unis. L’IRA « entraîne des distorsions de concurrence aux dépens des entreprises de l’Union européenne », affirme-t-il, après avoir menacé début novembre d’« aller devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) » pour faire valoir ses arguments.« Après les ouvertures obtenues à Washington par le président (Macron), je suis confiant, les efforts de l’Union européenne porteront leurs fruits. Plus rapidement qu’on ne le pense, j’espère. Peut-être dans les tout prochains jours ! », dit encore Thierry Breton.
Le président Macron espère, lui, « régler ce sujet » et « finalise ces sujets » d’ici au début de l’année prochaine.
(avec AFP)