Le placement récent de la Côte d’Ivoire sur la liste grise du Groupe d’Action Financière (GAFI) suscite inquiétude et indignation. Incompréhension, même, tant le classement du pays dans cette catégorie envoie un message à rebours des progrès accomplis en matière économique, d’amélioration de la gouvernance et de réformes structurelles. Une décision ambivalente qui n’est pas sans précédent. Par Serge Eric Menye, fondateur Grassfields Ventures.
Au sortir de dix ans de troubles politiques, entre 2000 et 2010, la Côte d’Ivoire a enregistré une croissance avec un taux annuel moyen de 8,2% sur la période 2012 à 2019. À présent, la nation éburnéenne se distingue par une économie dont la diversification s’accélère. Jusqu’ici grande nation agricole – le cacao, la noix de cajou, l’hévéa et le café, notamment – le pays peut désormais compter sur une industrie de transformation, des infrastructures énergétiques et de transports modernes, un secteur extractif et tertiaire en plein boom et se rêve même dans le top 5 des destinations touristiques africaines.
En 2024, le pays a réussi à lever 2,6 milliards de dollars grâce à deux obligations d’une maturité de 9 et 13 ans, lors de son premier retour sur le marché international des euro-obligations. En octobre, Standard & Poor’s a ainsi décidé de rehausser la notation de crédit de la République de Côte d’Ivoire, de BB- (Perspective Positive) à BB (Perspective Stable). Le FMI a quant à lui renouvelé à plusieurs reprises sa confiance dans la stratégie économique du pays, dont le dernier en date signé en 2023 a atteint 3,5 milliards de dollars.
Altération de la confiance des investisseurs ?
L’ajout du pays à la liste grise du GAFI soulève certes des questions légitimes, mais est-ce que cela suffira à éclipser les nombreuses avancées ? Bien que cette liste soit associée à une vigilance accrue dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBC/FT), il reste à voir si cela affectera la confiance des investisseurs. Après tout, la solidité des fondamentaux économiques de la Côte d’Ivoire et son potentiel de croissance demeurent des arguments de poids.
Il est important de noter que la décision du GAFI intervient dans un contexte où la Côte d’Ivoire a entrepris des actions significatives en matière de criminalité financière. Certains observateurs s’interrogent alors sur les décisions du GAFI et sa méthodologie, car le Sénégal qui était inscrit sur la liste grise a été retiré une fois son plan d’action achevé. Depuis plusieurs années, l’État a en effet déployé un arsenal législatif, avec la création d’un comité interministériel dédié à la LBC/FT, tout comme l’implication du pays auprès du Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA). En 2023, la Côte d’Ivoire a obtenu un score de 40/100 dans l’Indice de Perception de la Corruption de Transparency International, se hissant au 87e rang mondial et marquant une amélioration notable par rapport aux années précédentes.
Les autorités ivoiriennes ne se contentent pas de renforcer le cadre légal. Elles mènent également une lutte active contre les réseaux de corruption et de trafic, avec des arrestations médiatisées de hauts responsables impliqués dans des affaires de malversations et de blanchiment. Enfin, l’insinuation de laxisme envers le financement du terrorisme se heurte à la réalité. En août 2024, les avoirs de 29 individus accusés de soutenir des réseaux terroristes ont été gelés. Tout cela s’inscrit dans une série d’initiatives, déjà affirmées par le Président Ouattara en 2022 lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, où il rappelait l’engagement ivoirien aux 19 conventions internationales antiterroristes. Entre volonté politique et partenariats internationaux, le pays montre qu’il est résolu à garantir une vigilance sans complaisance.