Avec des projections de croissance mondiale annoncées à la baisse pour 2022 et une augmentation des prix de l’énergie et des produits alimentaires qui se ressent déjà, la guerre en Ukraine a déjà des impacts sur l’économie mondiale. Sur le long terme, elle pourrait d’ailleurs « modifier fondamentalement l’ordre économique et géopolitique mondial » d’après le Fonds monétaire international (FMI).
Trois semaines après le début de l’invasion russe en Ukraine, les effets de la guerre se ressentent déjà dans le monde. Au-delà de provoquer des souffrances humaines et des flux de réfugiés historiques, le conflit fait augmenter les prix de l’énergie et des denrées alimentaires. Ce qui alimente l’inflation et pèse sur la valeur des salaires, tout en perturbant le commerce, les chaînes d’approvisionnement et les envois de fonds dans les pays voisins de l’Ukraine, a indiqué le FMI dans un communiqué publié mardi 15 mars. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter.
« Coup majeur à l’économie mondiale »
Les responsables du FMI ont précédemment déclaré qu’ils s’attendaient à revoir à la baisse leurs précédentes prévisions. Pour rappel, elles avaient été ramenées en janvier à 4,4% pour 2022, contre 4,9% en octobre et près de 5,9% l’an passé. Dans le communiqué publié mardi, ils ont laissé entendre que leurs prévisions de croissance régionale seraient également susceptibles d’être revues à la baisse. Il faut néanmoins attendre encore pour des chiffres détaillés puisque l’institution devrait publier ses prévisions révisées le 19 avril.
« Le conflit porte un coup majeur à l’économie mondiale qui va affecter la croissance et faire grimper les prix », indique le FMI.
De son côté, la BCE a déjà annoncé jeudi 10 mars réduire de 0,5 point sa prévision de croissance 2022 pour la zone euro, de 4,2% il y a trois mois à désormais 3,7%. En ce qui concerne l’économie française, la Banque de France estime que la guerre en Ukraine devrait impacter le PIB de 0,5 à 1 point. Les économistes tablent désormais sur une croissance à 3,4% en 2022 si le prix du baril de pétrole s’établit en moyenne sur l’année à 93 dollars, mais de seulement 2,8% s’il atteint 119 dollars. Sans la guerre, elle aurait relevé sa prévision de croissance de 3,6% à 3,9%.
« Ouragan de famines »
Selon le FMI, l’insécurité alimentaire risque de s’aggraver dans certaines régions d’Afrique et du Moyen-Orient. Pour rappel, avant l’invasion russe en Ukraine, le pays était le quatrième exportateur mondial de maïs et en passe de devenir le troisième exportateur de blé derrière la Russie et les États-Unis. La guerre a rebattu toutes les cartes.
Certains pays ont d’ores et déjà réagit en réduisant leurs prévisions d’importations ou en commençant à chercher d’autres origines. C’est notamment le cas de l’Égypte, qui fait venir d’ordinaire 90% de son blé de Russie et d’Ukraine. « D’autres, comme l’Argentine, font le choix de la sécurité alimentaire nationale en décidant de suspendre leurs exportations » d’huile de soja, dont elle est la première exportatrice mondiale.
« La guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique », a déploré la directrice générale du FMI Kristalina Georgieva, tandis que le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres mettait en garde contre « un ouragan de famines » dans de nombreux pays déjà fragiles.
Le FMI indique dans son communiqué que la guerre pèse également sur la confiance des entreprises et déclenche chez les investisseurs une incertitude qui fera baisser le prix des actifs, resserrera les conditions financières et pourrait déclencher des sorties de capitaux des marchés émergents.
À plus long terme, selon le rapport du FMI, « la guerre pourrait modifier fondamentalement l’ordre économique et géopolitique mondial, si le commerce de l’énergie se modifie, si les chaînes d’approvisionnement se reconfigurent, si les réseaux de paiement se fragmentent et si les pays repensent leurs réserves de devises ».
Le FMI a prédit de profondes récessions en Ukraine et en Russie. Le PIB ukrainien va se contracter « a minima » d’environ 10% en 2022 en prenant l’hypothèse d’une « résolution rapide » du conflit et grâce à l’aide internationale « substantielle », selon une première estimation de l’institution, qui fait cependant état d’une « énorme » incertitude entourant ces projections. Si le conflit s’enlisait, sur la base de l’historique des guerres au Liban, en Irak, en Syrie ou au Yémen, il pourrait plonger de 25% à 35%. L’an passé, la croissance ukrainienne s’était pourtant élevée à 3,2%, portée par la demande domestique et les exportations.
S’agissant de l’impact sur la Russie, la dirigeante du Fonds a souligné que les sanctions « sans précédent » imposées par les pays alliés conduisent à « une contraction brutale de l’économie russe » et même « à une profonde récession ».
Enfin, le FMI a déclaré que l’Europe pourrait connaître des perturbations des importations de gaz naturel et d’autres, plus importantes, des chaînes d’approvisionnement. L’Europe de l’Est, qui a accueilli la plupart des 3 millions de personnes qui ont fui l’Ukraine, verrait ses coûts de financement augmenter en conséquence.
(Avec AFP et Reuters)