Les hausses de taux d’intérêt qui se profilent au cours des prochains mois en zone euro risquent de constituer un « défi » pour les Etats et entreprises très endettés, a prévenu mercredi la Banque centrale européenne.
Pour tenter de contrer l’inflation galopante qui n’épargne aucun pays, nombreuses sont les Banques centrales à avoir relevé ces dernières semaines leur taux directeur. Une mesure qui n’est pas sans conséquence : augmenter les taux directeurs poussent les banques commerciales à proposer des taux d’intérêt plus élevés pour les crédits accordés à leurs clients.
« La hausse des taux d’intérêt pourrait présenter des défis pour les entreprises et États fortement endettés », alerte la Banque centrale européenne (BCE) dans son rapport semestriel sur la stabilité financière publié ce mercredi 25 mai.
À la clé : des « spreads » plus élevés, mesurant les écarts très surveillés entre les taux d’emprunt de divers pays en zone euro et ceux considérés comme « sûrs », ainsi qu’entre emprunteurs privés. Le tout pouvant amener « une fragmentation financière croissante ».
La hausse des taux : un outil anti-fragmentation
« La viabilité de la dette des entreprises et des gouvernements » ayant accumulé un stock important de dette « peut se détériorer » en cas de hausse des coûts de (re)financement, prévient la BCE. Avec pour tous, le souvenir encore frais de la crise de la dette qui avait paralysé le continent européen au début de la décennie 2010.
Les taux dits souverains se sont tendus pour l’Espagne ou l’Italie ces derniers temps mais « la situation actuelle n’est pas comparable à celle qu’on avait en 2011 ou 2012 », selon Luis de Guindos.
Il n’empêche que, pour Fabio Panetta, membre du directoire, « nous devrions être prêts à intervenir au besoin pour neutraliser toute réponse non linéaire du marché » sous la forme d’une fragmentation financière « qui pourrait découler d’une hausse des taux », a-t-il déclaré ce mercredi.
Le conseil des gouverneurs est « ouvert » à cette question mais n’a encore discuté « d’aucun détail concret » concernant ce type d’instrument, a précisé de son côté Luis de Guindos.
La BCE devrait décider en juin d’arrêter ses rachats nets de dette ayant jusqu’à présent permis d’aplanir le niveau des taux sur les marchés. Puis elle devrait commencer un cycle de hausse des taux directeurs en juillet, le débat entre banquiers centraux allant dès lors porter sur la vitesse et l’ampleur à donner à cette remontée du loyer de l’argent.
Risque de déséquilibre
Après une décennie de baisse de taux en zone euro, l’inversement du cycle se produirait dans un contexte de forte reprise des prix, aggravé par la guerre en Ukraine. Le conflit a en effet déjà « accru les risques pour la stabilité financière en raison de son impact sur pratiquement tous les aspects de l’activité économique et des conditions de financement », commente Luis de Guindos, vice-président de la BCE, dans le rapport.
Ce document cite un ensemble de « vulnérabilités » déjà perçues avant l’invasion russe en Ukraine, concernant notamment les prix sur le marché immobilier comme la rentabilité en berne des banques. Et dans l’ensemble « la situation a empiré par rapport à celle il y a six mois », a résumé Luis de Guindos lors d’une conférence téléphonique.
Dans ce contexte, une remontée trop abrupte des taux d’intérêt peut comporter « des risques, en particulier si la dynamique de croissance sous-jacente est atone », note le document. La fin de l’argent facile présente aussi le risque d’un déséquilibre pour la zone euro à partir du moment où certains pays, particulièrement endettés, commencent à inquiéter les investisseurs et les marchés.
Craintes d’un ralentissement économique
La lutte contre l’inflation dans laquelle sont engagés les banquiers centraux implique des conditions financières plus dures et pourrait affaiblir la croissance économique. C’est la stratégie qu’a notamment adoptée la Réserve fédérale américaine depuis mars, en relevant ses taux directeurs. De nouvelles hausses de taux devraient être décidées lors des deux prochaines réunions, mi-juin et fin juillet.
Les investisseurs s’interrogent encore sur l’intensité de ce resserrement et estiment qu’une politique agressive de hausses de taux de la Fed pourrait être un facteur de risque pour les marchés. Ils espèrent que le compte-rendu de la réunion du mois de mai de la Réserve Fédérale américaine, qui sera publié dans la soirée de ce mercredi, leur apportera de la visibilité.
La rédaction