Un changement de paradigme se dessine dans tous les domaines, le domaine médical n’en fait pas exception : nous sommes aujourd’hui à l’ère de la « médecine ultra-moderne». L’avènement de l’intelligence artificielle, du BIG-data et des nano-biotechnologies fait miroiter des perspectives fascinantes. La promesse d’une longue espérance de vie en bonne santé deviendra-t-elle une réalité ?
De nombreuses publications ont mis en exergue les interactions entre santé et innovation ; et ont démontré qu’il n’y a pas de réforme technologique sans gain de santé ni d’acquis sanitaire sans invention de concepts inédits. Par médecine ultra-moderne, on peut tout d’abord entendre la nécessité d’une médecine techniquement augmentée reconnue à la fois comme performante, mais aussi éthique.
Une médecine plutôt fondée sur une hygiène de communication
Aujourd’hui, la multiplication des réseaux sociaux et des moyens numériques de communication a entraîné une démultiplication des fausses informations, l’excès de vulgarisation et d’intox. L’e-patient a plus besoin de communiquer, de partager son savoir, ses expériences, ses informations, cherchant à démêler le vrai du faux. Bien évidemment, l’innovation a contribué à l’évolution de la place du patient dans le parcours de soins. Certains patients vivant avec une maladie chronique deviennent ainsi des patients – experts…
Le « paternalisme médical » qui faisait du patient un simple exécutant de l’acte de soin tend à se transformer en un contrat participatif, surtout de nos jours, où les maladies autrefois mortelles deviennent de plus en plus chroniques. C’est aussi le cas face à l’augmentation de ce qu’on appelle les maladies multimodales -impliquant plusieurs organes ou plusieurs régions du corps humain à la fois-, nécessitant un boost de la communication entre les patients et les soignants, afin de « décomplexifier » le diagnostic et par ricochet le pronostic.
Les Omiques : une arme supplémentaire dans l’arsenal du clinicien de demain
Dans la pratique médicale, les technologies « omiques » permettent d’appréhender dans leur globalité des systèmes biologiques complexes et dynamiques. Les « omiques » les plus connus sont la génomique (l’identification de variants génétiques par exemple), l’épigénomique (la méthylation de l’ADN par exemple), la transcriptomique (analyse de l’expression des gènes), la protéomique (l’analyse des protéines) ou encore la métabolomique (analyse des métabolites produits).
Ces nouvelles techniques permettent d’étudier les associations entre différents marqueurs « omiques » et une pathologie, un facteur environnemental, une exposition, la réponse à un traitement etc. Couplée aux sciences de la data, les technologies « omiques » permettent de générer de nouvelles connaissances sur les mécanismes physiopathologiques des maladies et d’identifier de nouveaux biomarqueurs associés à ces pathologies, qui représentent autant de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles. Des études ont démontré que les effets secondaires des médicaments sont la septième cause d’hospitalisation au Canada et la quatrième cause de mortalité aux États-Unis. Des médicaments mieux ciblés permettraient peut-être de diminuer le nombre d’hospitalisations et, par conséquent, réduire les coûts liés à la santé. Elles permettent également le développement et l’application de nouvelles technologies pour la prévention des maladies (biocapteurs, outils diagnostiques, nouveaux traitements…).
Une médecine ultra moderne, est une médecine plus attentive aux problèmes du vieillissement, son objectif à long terme « l’immortalité » et à court et moyen terme, un ralentissement cellulaire, autrement dit, la transition d’un système qui soigne les maladies liées au vieillissement à un système qui considère le vieillissement comme une pathologie en tant que telle. Une médecine plus attentive au moindre détail de notre cerveau, aux rapports circadiens déterminant le passage entre l’état d’éveil et le sommeil. Une médecine qui ne cesse de développer les aspects neuroscientifiques pour réparer, remplacer, voire améliorer nos cerveaux malades, et même sains. La médecine ultramoderne est une vague d’innovation qui cherche à créer des machines productrices d’intelligence artificielle (IA) « interfacées » avec le cerveau humain pour le rendre hybride, capable d’utiliser une masse infinie de données disponibles sur un « nuage / cloud ».
La médecine ultra-moderne est un premier pas vers la pensée transhumaniste et l’homme augmenté.
(*) Médecin spécialiste en médecine du travail. Présidente fondatrice de l’association Hippocrate DS. Doctorante et chercheuse en IA appliquée à la médecine, auteur de plusieurs articles sur la transformation digitale en santé.