Comment passer de la simple extraction à de la véritable création locale de valeur ? C’est à cette question éternelle que le chefs d’Etats et de gouvernements de nombreux pays africains réfléchissent depuis des décennies. Avec une volonté commune qui émerge : remonter la chaîne de valeur des industries minières et pétrolières. Par Maître Boris Martor, avocat associé chez Bird & Bird, co-auteur de Le financement de projet en Afrique aux éditions Lextenso.
Des années 1990 aux années 2010, les codes miniers africains ont été grandement révisés pour attirer les investissements étrangers. Ces tentatives n’ont guère permis de créer de vraies plateformes de raffinage ou de transformation, à quelques exceptions près. Les nouvelles réformes des années 2010 visaient ensuite à garantir que les populations et entreprises locales tirent profit, en termes d’emplois et de transferts de technologie et de compétences, des extractions locales. Bien que la modernisation du secteur minier ait contribué à des augmentations de production locales, évaluées à 5% en 2023 en Éthiopie, Côte d’Ivoire et Rwanda, les réformes demeurent peu efficaces.
Sénégal, Mali, Burkina Faso… Nombreux sont les pays, notamment en Afrique de l’Ouest, à s’être engagés dans l’évolution de leurs codes miniers ces dernières années. Cette rénovation légistique fait écho aux échecs du passé en la matière, avec une volonté renouvelée et renforcée : faire en sorte que les acteurs miniers augmentent la part de l’activité locale dans leur activité d’extraction. Une nouvelle vague de réformes des codes miniers qui cherche à inscrire un nouveau paradigme dans la production de richesses issues des sous-sols.
De l’incitation… à la souveraineté
La nouvelle vague de réformes minières des années 2020 est celle de la souveraineté économique des pays africains. Ces réformes placent l’emphase sur les mécanismes de suivi, de contrôle, ainsi que sur l’intégration locale avec une obligation d’associer des acteurs locaux pour les opérateurs miniers et leurs sous-traitants. Outre le renforcement des sanctions, comme l’a fait le Sénégal, des procédures de contrôle ont été instaurés au Mali, au Burkina Faso, en République démocratique du Congo et au Sénégal avec dans certains pays des permis d’exploitation raccourcis.
Certains Etats cherchent aussi à appréhender la richesse à travers des augmentations des redevances, comme au Burkina Faso ou à Madagascar, ou à travers des droits de préemption, par exemple au Mali ou au Faso. Certains pays ont pris des mesures plus radicales en imposant l’affinage ou la transformation locale des matières premières, comme le Mali et la Guinée. Au Congo, une nouvelle entité, le Conseil Congolais de la Batterie, a été créé pour gérer la chaine de valeur des batteries et véhicules électriques.
L’exemple de nations anglophones
Deux pays africains anglophones ont mis en œuvre une politique plus qu’incitative en la matière. Au Botswana, la majorité des mines de diamants sont gérées par Debswana Diamond Company, une joint-venture entre le gouvernement et le géant mondial de l’exploitation minière De Beers. Un exemple intéressant qui illustre cette volonté de renforcer la valeur ajoutée sur place. Une autre solution peut être de s’attaquer aux exportations directes sans valeur ajoutée. Le Zimbabwe a illustré cette tendance en interdisant l’exportation de lithium brut en décembre 2022. Cette décision a poussé l’industrialisation locale et la transformation à l’intérieur des frontières, avec un projet de 13 milliards de dollars promis par Eagle Canyon et Pacific Goal Investment pour la construction d’un parc industriel destiné à produire des batteries au lithium. Une usine de traitement de lithium de 300 millions de dollars d’une capacité de traitement de 4,5 millions de tonnes de lithium par an a également été inaugurée. Un exemple à suivre avec attention.
Une chose est sûre : ce sujet de l’extraction minière et de sa production de valeur va rester encore longtemps dans le débat public et dans les esprits des gouvernants. Avec la transition énergétique et environnementale, qui est devenue un objectif à atteindre pour toutes les nations du globe, certaines ressources des sous-sols africains auront un rôle clef à jouer. A l’image du cobalt, ressource indispensable à la fabrication de batteries électriques, dont 63% de la production mondiale est assurée par la République démocratique du Congo.