Le contrôle des prix, une urgence sociale dans le monde

CHRONIQUE. A 7.3% en mars 2022, le taux d’inflation allemand enregistre son plus haut niveau depuis 1981 ! Par Michel Santi, économiste (*)

La situation étant similaire au sein de la totalité du monde occidental – voire du monde tout court – la légitime question du contrôle des prix est désormais posée avec acuité. Il est impératif de réduire par tous les moyens cette pression exercée sur les ménages, sur les entreprises et sur l’économie en général, dans un contexte où les actions et les remèdes proposés par nos banques centrales sont inopérants, car utilisés de manière velléitaires, quand ils ne sont carrément pas devenus dépassés.

Dans le monde d’antan – c’est-à-dire d’il y a une vingtaine d’années seulement – il suffisait de relever les taux d’intérêt afin de tempérer la croissance économique elle-même génératrice d’inflation. Dans la conjoncture actuelle marquée par une croissance tout sauf classique, car redevable pour beaucoup aux générosités étatiques suite à la Covid, et burinée par une guerre, une inflation qui serait circonscrite par des prix strictement contrôlés déroulerait moins d’effets pervers sur nos économies fragiles que des brutales remontées de taux. Voilà pourquoi des interventions chirurgicales s’imposent dans le sens d’une mise sous tutelle de certains produits et denrées essentiels, tout comme de certains services vitaux liés à l’activité et à la vie quotidienne du citoyen.

Un contrôle pour gagner du temps

Le contrôle des prix fait donc partie intégrante de l’attirail à disposition des autorités qui se doivent de lutter contre les comportements monopolistiques et de concurrence déloyale de nombre de producteurs fixant arbitrairement leurs tarifs. Les marchés libres sont loin d’être parfaits, ni même tout bonnement libres. De même, le mythe selon lequel ces mêmes marchés parviennent au plein emploi en ajustant de manière optimale les prix a vécu ! Les exemples sont en effet légion où d’importantes entreprises – présidentiellement indifférentes à l’aggravation de l’inflation – se sont récemment enrichies davantage en haussant leurs prix. En vertu de quel principe daté devait-on s’empêcher de soigneusement sélectionner des produits et des services dont les prix devront être provisoirement maintenus sous certains niveaux critiques ?

Les raisons fondamentales de l’inflation qui sont la superposition d’une forte demande à une offre en peau de chagrin ne peuvent certes pas être combattues sur la durée par le contrôle des prix. Pour autant, les remèdes classiques ne peuvent pas non plus s’appliquer aujourd’hui car les banques centrales n’ont plus la main au vu de l’approche traditionnelle de politique monétaire désormais caduque. Elles ne disposent effectivement d’aucune arme pour lutter contre de violentes et indifférentes aspirations à remonter des prix de la part d’entreprises vautours, ni pour régler la problématique lourde de chaînes de production à la traîne. Le contrôle des prix nous permettrait donc de gagner du temps, un temps précieux pour régler ces tendances de fond. Puis cette surveillance serait rétrogradée très graduellement afin d’éviter toute flambée mécanique qui ne manquerait pas de survenir dès sa suppression.

Mais il est crucial d’agir car les coûts sociaux d’attendre passivement que les prix reviennent comme par enchantement à la raison sont bien trop élevés.

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(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d’Art Trading & Finance.
Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l’auteur d’un nouvel ouvrage : « Le testament d’un économiste désabusé ».
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