« Le marché mauricien de l’immobilier a relativement toujours été luxueux » (Hippolyte Bouigue, Anbalaba)

De quelle manière est née cette volonté d’investir dans l’immobilier mauricien ?

HIPPOLYTE BOUIGUE, CEO D’ANBALABA – A la base, nous ne faisons pas que dans l’immobilier. Nous avons aussi une société événementielle à Paris à travers laquelle nous gérons des lieux d’événement. Mais avant de lancer cette entreprise, mon père -Gilles Bouigue – travaillait dans les assurances dont les assurances voyage et vient à Maurice depuis 1976 dans le cadre de ces activités.

Cela fera donc bientôt 50 ans. Grâce à son activité professionnelle, il a toujours gardé un lien très fort avec l’île. En 2010, il a finalement eu l’occasion de venir investir sur place, en achetant des terrains avec une vue sur le lagon et proches d’un village, parce qu’il voulait être proche des populations locales. Cette époque marquait aussi le début du développement immobilier à Maurice.

Son idée était de ne pas faire uniquement des résidences et des appartements, mais de créer un lieu d’échange avec le village de Baie du cap. En 2017, j’ai repris la direction du programme sur lequel je travaille également avec mes deux sœurs, Alexandra et Cecilia. Nous l’avons appelé Anbalaba. C’est un mot mauricien qui veut dire « en bas plus bas ». Pour marquer cet ancrage local, tous les logos ont été faits par un célèbre peintre mauricien, appelé Vaco, qui est aujourd’hui décédé.

Notre programme immobilier fait 74 villas et des appartements, avec la création d’une zone commerciale et des espaces de vie qui constituent un trait d’union entre les résidences et le village. Dix biens ont déjà été livrés et nous sommes en train d’en livrer 18 supplémentaires. Donc d’ici la fin de l’année, 30 biens seront livrés. Donc avec une création de vie et d’espace. Nous avons bien conscience que c’est un village de pêcheurs et que derrière, nous vendons des villas à 1 million d’euros. Mais, l’idée c’est de créer un lieu de vie (un supermarché, une quincaillerie, une pharmacie, une boulangerie, des petits commerces, un restaurant…). Depuis presque deux ans, nous avons également mis en place une fondation et nous travaillons avec une ONG à travers laquelle nous multiplions les œuvres sociales envers les familles et les enfants en particulier.

On sait que l’immobilier de luxe est très développé à Maurice, mais de manière générale, comment se présente le marché ?

À Maurice déjà, le foncier est protégé, c’est-à-dire qu’il est réservé aux Mauriciens. En 2005, le gouvernement a décidé de mettre en place des schèmes, donc des programmes immobiliers, qui permettent aux étrangers d’acheter en pleine propriété.

La particularité de l’île, c’est qu’elle est aussi bien francophone qu’anglophone. Colonisée par la France sous Napoléon, l’île a adopté le code civil à cette époque. Quand les Anglais ont repris l’île, ils ont laissé le code civil. Le foncier est régi par le code civil, tandis que tout ce qui est économique, par les principes du Commonwealth. Ainsi, les acheteurs français ici peuvent avoir un système notarié et un cadastre similaire à celui qu’on connaît en France.

En moins de 20 ans d’existence, le marché s’est bien développé. Alors qu’au début, il n’avait que quelques petits projets, l’immobilier dans le Nord s’est beaucoup développé, puis à l’Ouest et aujourd’hui, nous avons trois programmes dans le Sud de l’île. Et en fait, le marché a relativement toujours été luxueux. Aujourd’hui, il y a des projets un peu plus accessibles, mais on reste sur un marché haut de gamme, c’est-à-dire que ce ne sera pas possible de trouver une villa en dessous de 500 000 euros.  On peut trouver des appartements ou d’autres biens, mais pas des villas.

Qui sont les plus friands de l’immobilier mauricien ?

Initialement, le premier marché de l’immobilier mauricien était majoritairement français, en raison entre autres de l’attachement historique entre les deux pays. Viennent ensuite les Sud-africains grâce à la proximité géographique. Récemment les Anglais aussi s’intéressent fortement à l’immobilier mauricien, de même que les Allemands, qui sont de plus en plus nombreux.

Le roadshow annuel organisé par les autorités mauriciennes – auquel vous participez – y est-il, selon vous, pour quelque chose ?

Partiellement, parce que le roadshow de l’agence gouvernementale pour la planification, le développement et la promotion économique de la République de Maurice (EDB) ne fait pas encore escale en Allemagne.

Il y a de plus en plus de touristes allemands à Maurice, grâce notamment à une ligne aérienne lancée par la compagnie allemande Condor. De plus, le contexte allemand est assez difficile actuellement, en termes de fiscalité. Du coup, les Allemands peuvent avoir tendance à rechercher à investir là où il y a moins de pressions sur le plan fiscal.

Le facteur coût est-il celui qui favorise le plus l’investissement des Européens dans l’immobilier mauricien ?

Pas forcément. Je pense qu’un double facteur favorise l’investissement immobilier des Européens à Maurice. Je dis toujours que les gens qui achètent à Maurice sont ceux qui connaissent l’île. Ce sont en général des gens qui y sont déjà venus et qui sont attirés d’une part par son côté tropical et d’autre part par l’atout fiscal. En effet, Maurice a développé des conventions fiscales avec de nombreux pays en Afrique, en Europe, mais aussi avec l’Inde, qui écarte la double imposition. A titre d’exemple, l’investissement immobilier des Français à Maurice ne rentre pas dans leur assiette fiscale de l’IFI [Impôt sur la fortune immobilière, ndlr]. Les autorités mauriciennes y fondent beaucoup leurs efforts pour devenir un hub économique.

Par ailleurs, les revenus fonciers, c’est-à-dire locatifs, sont imposés localement à 15%.  En Europe pourtant, cela dépend des taux d’imposition. Les tranches peuvent monter jusqu’à 40%. A Maurice, il n’y a pas d’impôt sur les plus-values et la convention de non-double imposition fait que si un propriétaire français revend son bien mauricien et qu’il a une plus-value potentielle, celle-ci ne sera pas imposée en France.

Tout est-il donc toujours beau dans l’investissement immobilier à Maurice ? Comment des acteurs comme vous abordent-ils la question environnementale sur cette île considérablement exposée aux aléas du climat ?

Les incertitudes liées au climat sont une préoccupation internationale que les autorités mauriciennes prennent également à cœur. Mais pour moi, ce n’est pas un réel sujet, parce que nous avons aujourd’hui des normes de construction anticyclonique, pour faire face à la montée des eaux, etc et les maisons ne sont pas forcément en bord de mer. Dans le programme d’Anbalaba, à titre d’exemple, est sur des hauteurs. Il y a la barrière de corail, mais contrairement à l’île de la Réunion, il n’y a pas la problématique des requins.

D’un point de vue environnemental, le Sud de l’île est encore très préservé. A notre niveau, nous accordons une place de choix à la touche écologique avec notamment les toitures végétalisées, ce qui permet de réduire la température dans les villas de 2 à 3 degrés. Nous travaillons aussi beaucoup à la ventilation naturelle des espaces à notre propre pépinière de plus de 30 000 pieds. Et dans le programme d’Anbalaba, nous avons aussi un projet d’éco-lodge.

 

Ristel Tchounand

Challenges Radio

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