Pour la patronne de la Banque centrale européenne, la maîtrise de l’inflation relève plus d’un « art » que d’une « science ». « Nous savons que les modèles (pour prévoir la conjoncture) ont des lacunes », a justifié la Française.
Le monde d’avant-Covid, en matière d’inflation, ne reviendra pas, a estimé mercredi Christine Lagarde. Moins de vingt quatre heures après avoir réaffirmé l’intention de la Banque centrale européenne de fermer les robinets des liquidités, la patronne de l’institution annonce que la période de très faible inflation qui a précédé la pandémie de Covid-19 est révolue. Aussi, les banques centrales doivent s’adapter à des anticipations d’inflation plus élevées, a déclaré la présidente de la BCE qui se réunit lors du Forum Sintra au Portugal.
Pour la BCE, une faible inflation se situe sous les 2% qui a longtemps été son objectif. Jusqu’à l’été dernier, alors que les premiers signes de l’inflation apparaissaient en zone euro, la Banque de France visait elle aussi cet horizon.
Désormais, selon les économistes, le taux d’inflation en zone euro, qui a atteint un pic historique à 8,1% en mai, devrait continuer à grimper jusqu’au début de l’automne, avant un lent ralentissement qui le verrait rester au-dessus de l’objectif de 2%.
La BCE a annoncé au début du mois qu’elle procéderait à une hausse de ses taux d’intérêt directeurs de 25 points de base le 21 juillet, en précisant qu’elle n’excluait pas une hausse plus importante en septembre, afin de lutter contre une inflation devenue trop élevée.
Même, pour Christine Lagarde décider des bonnes mesures pour ramener l’équilibre des prix à un niveau de 2% est « un élément d’art » et « n’est pas une science ». « Nous savons que les modèles (pour prévoir la conjoncture) ont des lacunes », a assuré la Française.
La Fed vise toujours les 2% grâce à l’emploi
Un tableau sombre pour la zone euro qui contraste avec celui donné au même moment par Jerome Powell à la tête de la Fed. Aux Etats-Unis, la Réserve fédérale s’attend à un retour de l’inflation à 2%. Une seule condition pour cela : le retour à un marché de l’emploi « solide ». Avec l’emploi porté par les entreprises qui recrutent pour produire, le spectre de la récession est en effet écarté.
Or, en la matière, la zone euro connaît de fortes disparités sur les marchés de l’emploi (à 6,8% de la population active en moyenne). En France par exemple, le taux de chômage avoisine les 7,3% au premier trimestre 2022, au sens du BIT. Mais en Allemagne, en Pologne et en République tchèque, il est entre 2,4% et 3%.
Les mesures d’urgence
La situation est aussi diverse sur l’inflation. En Espagne, la hausse des prix a atteint 10,2% en juin, dépassant ainsi pour la première fois le seuil des 10% depuis avril 1985. En France le ministère de l’économie s’attend à une inflation à 5% en moyenne sur l’année. En Allemagne, elle a ralenti en juin pour atteindre 8,2% sur un an, montre la première estimation publiée mercredi par Destatis, l’office fédéral de la statistique. En mai, le taux d’inflation y était de 8,7% sur un an.
Face à l’impact de la guerre en Ukraine sur les prix de l’énergie, le gouvernement allemand a mise en place une baisse des taxe sur le carburant et un abonnement temporaire à neuf euros par mois pour voyager partout à travers le pays.
Eviter la récession
Avec son paquet pouvoir d’achat, le gouvernement d’Emmanuel Macron entend aussi prévenir les risques de récession causée par une inflation trop élevée mais aussi la colère sociale qui monte dans certaines entreprises.
Résultat, les dépenses des Etats, et avec elles, leurs besoins d’emprunter sur les marchés, risquent de se maintenir à des niveaux très élevés. En France, la dette publique se rapproche des 3.000 milliards d’euros, à 114,5% du PIB. Les marges de manoeuvre des Etats vont donc être de plus en plus réduites, sans risquer d’augmenter les impôts pour les citoyens.
Enfin, la guerre en Ukraine menée par la Russie continue de mettre les marchés de l’énergie en tension. Pour Christine Lagarde, il va être « très difficile » de mesurer l’éventuel impact du choc énergétique en cas d’embargo sur le gaz russe qui pourrait prochainement survenir alors que la guerre en Ukraine a déjà poussé les prix d’énergie au sommet.
(Avec AFP et Reuters)