L’entreprise née à la veille des années 1980 pour répondre au développement du secteur textile à Madagascar a bien grandi. Présent dans l’énergie verte, les zones franches et l’immobilier, le groupe a inauguré sa première centrale solaire le 24 janvier dernier et multiplie les partenariats. Hasnaine Yavarhoussen, le CEO du groupe revient pour , sur les ambitions sans frontières de Groupe Filatex.
Groupe Filatex s’est considérablement développé depuis 1979, que recouvre-t-il à ce jour ?
Hasnaine Yavarhoussen: Il compte 390 salariés au niveau de la maison mère et nous sous-traitons un maximum d’activités. Notre chiffre d’affaires est d’environ 80 millions d’euros par an. Le groupe est composé de 3 pôles. Le premier pôle est consacré à l’énergie. Depuis 2005, nous sommes le 1er producteur d’énergie privé à Madagascar. Nous sommes passés d’une production diesel à une production fuel puis, en 2019, nous avons signé pour l’hybridation de nos sites en solaire […] A ce jour, nous représentons 30% de parts de marché. Le second pôle concerne les zones franches. Nous sommes d’ailleurs à l’origine de la première zone franche industrielle du pays, construite peu avant les années 1990. Elle compte un peu plus de 200 000m2 de bâtis avec les nouvelles extensions. Enfin, le dernier pôle concerne le secteur de l’immobilier où nous sommes également leader à Madagascar avec 100 000 m² de surface immobilière bâtie.
Les zones franches représentent un manque à gagner en termes de taxes pour l’Etat et sont généralement associées à des salaires relativement bas…
Cela étant, nous avons créé plus de 20 000 emplois dans la zone franche de Tananarive. Nous considérons que Madagascar a une carte à jouer au niveau des zones franches à l’international, à long terme. Les entreprises sont de moins en moins intéressées par la Chine, car la main-d’œuvre y coûte plus cher qu’autrefois et que le niveau d’adaptation y est plus compliqué. Ici, la main d’œuvre est non seulement qualifiée, mais elle est aussi l’une des plus compétitives au monde. Par ailleurs, il n’y a pas non plus de blocage administratif susceptible de freiner nos activités. Les zones franches ont besoin de main d’œuvre, de bâtiment, d’accès à l’énergie et d’un accès au port et c’est ce que nous pouvons leur offrir.
Où sont produits les panneaux solaires associés à vos solutions ?
Ils sont produits à l’étranger, en Chine avec Jinko [Jinko Solar Holding Co., Ltd. est le plus grand fabricant de panneaux solaires photovoltaïques au monde, ndlr]. Entreprise cotée sur le New York Stock Exchange depuis 2010) et au Canada avec la Canadian Solar [Entreprise introduite au NASDAQ en 2006 qui compte plusieurs centaines distributeurs et grossistes dans le monde, ndlr]. Parallèlement, les conteneurs de Akuo sont produits en France et nous réfléchissons à monter une usine d’assemblage à Madagascar, d’ici la fin de l’année. Nous sommes producteurs d’énergie et nous disposons déjà de nos zones franches. Les travaux d’une nouvelle zone franche ont d’ailleurs démarré il y a quelques jours, face au port de Tamatave. Cela ferait sens d’amener les producteurs directement à Madagascar et de réaliser l’assemblage ici. Dans un second temps, nous pourrions réfléchir à fournir les pays membres des zones SADC [The Southern African Development Community, ndlr] et COMESA {Common Market for Eastern and Southern Africa, ndlr] à partir de Tamatave.
Que recouvre votre partenariat récemment signé avec Akuo, le producteur indépendant français d’énergie renouvelable ?
Akuo [solaire, éolien, biomasse, hydraulique et stockage d’énergie, ndlr] était déjà présente dans la région, à la Réunion. Nous avons signé un partenariat avec Akuo pour un investissement total de 6 millions d’euros afin d’installer des unités solaires mobiles et portatives Solar GEM dans la ville de Tuléar. Les unités pré-assemblées et pré-câblées peuvent être déployées en 30 minutes et repliées en 45 minutes seulement. L’hybridation a été réalisée en juillet 2020. Il s’agit de notre première centrale hybride […] Nous venons de déployer 3 MW à Tuléar sur un contrat de 10 MW hybride. Parallèlement à ce partenariat, nous avons réalisé l’hybridation solaire de Diego Suarez, Majunga et Tamatave pendant la pandémie.
Quels sont les autres partenariats récemment conclus entre Groupe Filatex et des opérateurs étrangers ?
Nous avons réalisé la première phase d’hybridation à Majunga, Diego Suarez et Tamatave dotée d’une solution classique au sol, avec un partenaire canadien, DERA Energy. Nous allons maintenant nous attaquer à la seconde phase d’hybridation sur un contrat hybride de 98,7 MW, avec un branchement prévu d’ici octobre 2021. Récemment, nous avons aussi signé un contrat de 11,5 MW avec une entreprise allemande – Meeco – pour réaliser toutes les toitures solaires de nos zones franches.
Une diversification des productions d’énergies propres est-elle à l’ordre du jour ?
L’hydraulique c’est très bien, mais il y a 6 ans de réalisation et un capex qui est beaucoup plus important… La solution d’urgence, c’est le solaire. Nous venons de signer notre 1er contrat à Tananarive où nous réaliserons 55 MW de solaire d’ici février 2022. Nous avons réfléchi à la question des batteries, au moins entre 18h et 20h [correspondant au pic de consommation, ndlr] et nous travaillons actuellement pour faire de Nosy Be, une île 100 % solaire avec des batteries. Par ailleurs, nous nous intéressons à l’éolien que nous allons déployer à Diego Suarez et à Fort- Dauphin d’ici la fin de l’année 2021.
Comment appréhendez-vous la question du stockage de l’énergie solaire ?
Nous utilisons déjà des batteries pour stabiliser le réseau, mais elles ne prennent pas en compte les heures de pic de consommation. Nous disposons de 30 minutes de batterie… Si le partenariat avec la Jirama [entreprise publique de services publics d’électricité et d’eau à Madagascar, ndlr] se déroule bien cette année, l’objectif est de disposer des heures de pic dans la batterie, ce qui ferait de nous un producteur 100 % solaire.
Quels ont été les principaux impacts de la pandémie sur vos activités ?
Nous avons trois mois difficiles, car les usines étaient fermées dans nos zones franches alors que nous sommes en pleine extension. La crise nous a durement frappés pendant un trimestre puis les retards et les commandes ont rapidement été rattrapés. Pendant que les projets étaient bloqués au niveau national, nous avons réussi à réaliser la phase 1 de l’hybridation solaire, car nous avions déjà acheté les panneaux solaires. En phase 2, les branchements ont été retardés de quelques mois seulement. Nous avons enregistré un retard de six mois environ, mais qui n’a pas si durement impacté nos activités sur du long terme.
Pourquoi intégrer autant de partenaires étrangers dans vos activités alors que vous êtes déjà n°1 dans votre secteur. Serait-ce la base d’une stratégie de développement à l’international ?
Effectivement, nous développons une stratégie continentale. Nous partons du principe que chacun dispose d’un savoir-faire particulier dans son secteur. Nous avons choisi d’intégrer des acteurs spécialistes du solaire à Madagascar, lesquels nous ouvrent de nouvelles portes dans d’autres géographies, pour porter notre croissance à l’international et partager les risques. Les acteurs partenaires y trouvent des avantages en matière d’equity que nous sommes en mesure de ramener sur les projets. C’est ainsi que nous sommes arrivés à entrer en Côte d’Ivoire [projet de 88 millions d’euros, ndlr]. Nous avons signé un Power Purchase Agreement [contrat d’achat d’électricité ou PPP, ndlr] de 66 MW en Côte d’Ivoire pour un chantier dont les travaux commenceront en mai 2021, avec un partenaire allemand. Il s’agit de notre premier projet solaire hors Madagascar [la Côte d’Ivoire a élaboré un plan national de 424 MW d’énergie solaire d’ici 2030, ndlr]. Enfin, nous développons un projet de 43 MW en Guinée [pour un budget de 50 millions d’euros, ndlr] avec une première phase de 10 MW.
Que recouvrent vos activités liées au secteur de l’immobilier ?
Nous sommes très actifs en matière d’immobilier de luxe, de construction de bureaux et d’appartements. Nous avons même construit un hôtel à Tananarive [Grand Hôtel Urban, ndlr]. Notre parc immobilier recouvre plus de 50 000m2 uniquement à Tananarive […]. Je tiens à souligner que nous avons développé un vaste programme de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) depuis plus de 8 ans. Nous nous sommes aperçus qu’il était impossible de bâtir des immeubles de luxe faisant fi des problèmes sociaux alentour. Nous avons donc cherché à revaloriser les quartiers dans lesquels se trouvaient nos activités en construisant des routes, des écoles, des éclairages publics ou des centres de santé pour les populations. Nous avons été parmi les pionniers à nous engager en matière de RSE à Madagascar et aujourd’hui cette dimension est intégrée au sein de nombreuses entreprises malgaches.
Propos recueillis par Marie-France Réveillard