ANALYSE. La semaine aura été marquée par des annonces en série des principales banques centrales. Les marchés craignent dorénavant que les politiques monétaires se durcissent jusqu’à provoquer une récession. L’ensemble des marchés chute, accentuant la baisse déjà enclenchée depuis le début de l’année. Par Clémentine Gallès, Cheffe Économiste et Stratégiste de Société Générale Private Banking.
Une semaine marquée par le net durcissement du discours des banques centrales. La BCE a « ouvert le bal » par une préannonce surprise du début d’une trajectoire de remontée des taux directeurs ainsi que la fin de l’ensemble de ses programmes d’achats d’actifs. La Réserve fédérale a quant à elle remonté de façon inattendue son taux de 75 points de base – sa plus forte hausse depuis plus de 28 ans. La Banque d’Angleterre a confirmé une nouvelle hausse de 25 points, soit un resserrement depuis décembre dernier de +125 points. Enfin, même la Banque de Suisse a surpris cette semaine par une progression de son taux de 50 points. Ces annonces ont provoqué une correction d’ampleur de l’ensemble des marchés financiers. Les marchés obligataires ont ainsi baissé de -3% en une semaine (indice Bloomberg global aggregate), dans le sillage de la remontée des taux d’intérêt. Depuis le 8 juin, les marchés actions ont aussi chuté : -11% pour le marché américain, -11% pour la Zone euro,- 9% pour le marché britannique et -6% pour les marchés émergents (indices MSCI) (graphique 1).
La volonté d’une récession ?
Le durcissement du discours des banques centrales fait dorénavant craindre qu’elles aillent jusqu’à provoquer une récession pour que l’inflation réduise enfin. Car en effet, l’inflation inquiète de plus en plus les banques centrales. Le qualificatif « transitoire » a bien été rendu caduque par les chocs qui se succèdent sans se modérer. Les autorités monétaires constatent la résistance des économies à ces chocs et s’inquiètent que ces tensions sur les prix ne s’installent dans la durée. Désormais, seule une baisse significative de l’inflation semble pouvoir tempérer l’action des autorités monétaires. A court terme une telle baisse pourrait venir d’une réduction des prix du pétrole, difficile à concevoir dans le nouveau contexte géopolitique, ou d’une véritable modération des tensions sur les chaînes de production, également difficile à imaginer avec notamment les confinements qui tardent à se lever en Chine. Reste enfin une baisse de la demande globale, qui pourrait, quant à elle, être provoquée volontairement par le resserrement des politiques monétaires. C’est ce scénario d’une récession qui est dorénavant anticipé par les acteurs de marché.
Le risque pour la stabilité financière
Au-delà des effets sur l’activité économique, la remontée des taux inquiète pour son impact éventuel sur la stabilité financière. En effet, la crise COVID s’est accompagnée d’une nouvelle progression des niveaux d’endettement. Si elle s’est aussi accompagnée d’une progression des liquidités qui devrait permettre de limiter les risques, au moins dans un premier temps, certaines catégories d’agents économiques pourraient vite rencontrer des difficultés. Les fortes tensions survenues cette semaine sur les marchés de dettes souveraines en Zone euro en est l’illustration (graphique 2). La BCE a alors affiché une volonté claire d’y faire face, mais ce ne sera pas forcément le cas pour toutes les situations qui pourraient apparaître.