Les sanctions contre la Russie pourraient provoquer un « choc » de l’offre pétrolière mondiale

Pour l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les sanctions prises contre la Russie après son invasion en Ukraine risquent de perturber la production russe de pétrole. Or le pays est le plus gros exportateur mondial de pétrole brut et de produits raffinés. Le volume de ses barils exportés pourraient baisser de près de moitié et aucun autre pays producteurs ne s’est pour le moment proposé pour compenser cette perte. L’institution craint donc un « choc mondial de l’offre pétrolière ».

Avec 8 millions de barils par jour (mb/j) envoyés dans le monde, la Russie est le plus gros exportateur mondial de pétrole brut et de produits raffinés. Une production mise à mal par le flot de sanctions prises à son encontre suite à son offensive en Ukraine. L’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui conseille des pays développés sur leur politique énergétique, alerte ainsi dans un rapport mensuel que : « La perspective de perturbations à grande échelle de la production russe menace de créer un choc mondial de l’offre pétrolière ».

Elle estime que 3 mb/j de pétrole russe pourraient être indisponibles à partir d’avril. Un volume qui pourrait d’ailleurs augmenter si les sanctions deviennent plus sévères ou si les condamnations publiques de la Russie prennent de l’ampleur.

Aucun producteur disposé à compenser les pertes

Face à ces pertes, l’AIE note qu’« il y a peu de signes d’une augmentation de l’offre provenant du Moyen-Orient ou d’une réallocation significative des flux commerciaux ». L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et ses alliés, notamment la Russie, au sein de l’Opep+, se refusent à augmenter leur production pour soulager le marché, se tenant à un relèvement graduel de 400.000 barils par jour chaque mois.

Quant aux pays disposant de capacités de production supplémentaires – l’Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis – ils ne manifestent aucune volonté d’ouvrir plus le robinet. Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, se déplace justement ce mercredi 16 mars dans ces deux pays pour les convaincre d’accroître leur production de pétrole. Les pays du G7, dont fait partie le Royaume-Uni, ont appelé la semaine dernière les pays producteurs de gaz et de pétrole à « augmenter leurs livraisons » pour faire face à la hausse des prix de l’énergie due à la guerre en Ukraine et aux sanctions imposées à la Russie.

En ce qui concerne la perspective d’un retour de l’Iran, dans le cadre d’un possible accord sur le dossier nucléaire, elle ne sera pas immédiate. L’AIE estime en plus que les exportations iraniennes pourraient augmenter d’environ 1 mb/j sur six mois, donc pas assez pour compenser la perte du pétrole russe. Le Venezuela – avec lequel Washington a repris le dialogue – ne pourrait pour sa part fournir qu’une contribution « modeste » en cas de levée des sanctions américaines.

Hors de l’Opep+, d’autres pays augmenteront certes leur production – Brésil, Canada, États-Unis et Guyana – mais le potentiel est « limité » à court terme. Les États-Unis ont notamment un potentiel important avec leurs réserves de pétrole de schiste mais cela devrait mettre des mois à se matérialiser.

Des recommandations pour faire baisser la demande de pétrole

Côté demande, l’AIE a également revu en baisse sa prévision de croissance pour 2022 d’environ 1 mb/j, en raison de l’effet de l’augmentation des cours des matières premières et des sanctions contre la Russie sur l’économie mondiale. La demande mondiale est désormais attendue en hausse de 2,1 mb/j cette année, pour atteindre un total de 99,7 mb/j.

L’AIE – créée en 1974 pour faire face au choc pétrolier – indique qu’elle publiera cette semaine des recommandations pour faire baisser la demande à court terme. Dans certains pays, il a par exemple été suggéré de baisser la limitation de vitesse sur les routes, de baisser le prix des transports en commun ou de recourir au télétravail.

L’agence indique que si la situation actuelle constitue un défi énorme pour les marchés de l’énergie, elle représente aussi des « opportunités » : « l’alignement actuel entre des facteurs économiques et de sécurité énergétique pourrait bien accélérer la transition au détriment du pétrole ».

Le baril de Brent descend sous la barre des 100 dollars

La guerre en Ukraine a créé une forte volatilité sur les marchés du pétrole, dont les cours se sont approchés de leurs records. Le Brent a ainsi atteint 139,13 dollars le 7 mars, avant de refluer.

Mardi 15 mars, le baril de la mer du Nord pour livraison en mai a néanmoins reculé de 6,53%, pour terminer à 99,91 dollars. C’est la première fois que cela arrive depuis le deuxième jour de l’invasion de l’Ukraine, il y a presque trois semaines. Le baril de West Texas Intermediate (WTI) américain, pour livraison en avril, a de son côté cédé 6,37%, à 96,44 dollars.

« Après avoir chuté de plus de 20% par rapport aux sommets de la semaine dernière, le pétrole brut est entré dans le territoire du marché baissier », a commenté Fawad Razaqzada, analyste chez ThinkMarkets. Une diminution qui s’explique principalement par le fait que la Chine a ordonné le reconfinement de dizaine de millions de personne. Or, le pays est, de très loin, le premier importateur mondial de pétrole, avec un peu plus de 10 millions de barils par jour.

Louise Dickson, analyste du cabinet Rystad Energy, prévient que si, à court terme, un ralentissement de la demande chinoise est de nature à faire baisser les cours de l’or noir, elle pourrait, à plus long terme, aggraver les problèmes d’approvisionnement avec de nouvelles fermetures d’usines et générer davantage d’inflation.

Les cours de l’or noir ont aussi redescendu en réaction aux espoirs « que les pourparlers entre la Russie et l’Ukraine puissent conduire à une désescalade du conflit », selon Ricardo Evangelista, analyste chez ActivTrades. Une résolution du conflit en Ukraine « pourrait conduire à des sanctions moins sévères à l’encontre de la Russie et alléger les pressions sur l’offre », souligne-t-il.

Avec AFP et la rédaction

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