Portant l’espoir d’un avenir radieux, la légende du football George Weah était élue président du Libéria en 2017, promettant d’améliorer le quotidien de tous les Libériens en relançant l’économie. Qu’en est-il 5 ans plus tard ? L’espoir a laissé place à la désillusion : le bilan du chef d’Etat est mitigé. L’espoir du peuple libérien était-il trop grand ou la tâche du président trop difficile ? Retour sur le mandat du leader libérien dont la réélection semble désormais tenir sur un fil.
Investi en janvier 2018, George Weah ravive l’espoir d’un avenir plus radieux au Libéria. Traversé par deux guerres civiles, le pays opérait sa première transition pacifique depuis 1944. Succédant à Ellen Johnson Sirleaf, première femme présidente d’un pays africain, l’élection de « Mister George » signait le début d’une nouvelle ère pour la première démocratie d’Afrique.
George Weah, la promesse manquée du changement
A moins d’un an des élections générales d’octobre 2023, la présidence de l’ancien Ballon d’Or déçoit. L’ONG Naymote a réalisé le bilan des cinq dernières années du chef d’Etat : sur ses 87 promesses de campagne, le président libérien n’aura concrétisé que 5 initiatives dont la gratuité de l’université. Si 33 chantiers sont en cours, 34 initiatives n’ont toujours pas commencé depuis l’arrivée de Weah au pouvoir. Outre ces faibles résultats, le mandat de l’ancien international de football est marqué par des scandales et des échecs qui reflètent les difficultés conjoncturelles du Libéria.
La corruption a tout d’abord entaché la présidence Weah, malgré sa promesse pour plus de transparence. En août dernier, les Etats-Unis avaient sanctionné des proches du président dont son chef de cabinet et le procureur général du pays. Par ailleurs, la pandémie du Covid-19 a démontré l’incapacité du leader libérien à redresser la situation économique : dans un pays encore meurtri par le virus Ebola et accablé par une importante inflation, des manifestations ont éclaté à travers le pays. Avec 27,6% de la population vivant sous le seuil de pauvreté, les mesures politiques du président peinent à convaincre.
L’échec du référendum constitutionnel
Mais l’occasion manquée de George Weah reste son référendum raté du 8 décembre 2020. Le président avait proposé huit propositions de réforme constitutionnelle dont la réduction des mandats électifs, mesure visant à réduire la corruption. Les propositions, symboliques mais nécessaires, ont convaincu la majorité des électeurs mais ont échoué à atteindre les 2/3 requis pour amender la Constitution du pays. L’opposition a notamment craint que le président libérien ne profite de la réforme constitutionnelle des mandats pour briguer un 3ème mandat, à l’image de Gnassingbé au Togo ou Ouattara en Côte d’Ivoire.
Mais le référendum caressait aussi la vision d’un Libéria pluriel à travers la question de la double nationalité (interdite depuis 1973). Le rejet de cette proposition est au cœur du conflit identitaire qui secoue le Libéria, pays où certaines élites américano-libériennes (descendants des esclaves américains libres) sont secrètement citoyens américains. Rejetée en 2021, la double nationalité a toutefois été validée le 24 juillet dernier par un projet de loi novateur mais réducteur : bien qu’inclusive, la loi n’autorise la double nationalité qu’aux personnes de couleur noire. Un pas en avant, deux pas en arrière ?
Le Libéria, une nation figée entre le passé et l’avenir
Le 14 février 2022, les célébrations du bicentenaire du Libéria ont pourtant été l’occasion de présenter le renouveau de la nation. Devant un parterre de dignitaires étrangers, le président libérien a proclamé l’avènement d’un Libéria nouveau et pluriel. La nation africaine, dont l’histoire a débuté par une relation complexe entre esclaves américains libres et populations locales, a connu deux guerres civiles sanglantes entre 1989-1997 et 1999-2003. Aujourd’hui, l’unité est le maître-mot. Mais Libéria échappe difficilement à son passé et à celui de son parent en Amérique.
Il y a deux ans, le meurtre de George Floyd aux Etats-Unis avait provoqué un débat sur le nom de la capitale du Libéria. Monrovia, toponyme hérité du président américain James Monroe, rappelle le passé douloureux de la nation, sœur d’une Amérique esclavagiste. A l’image de Kinshasa (ex-Léopoldville), une partie de la population souhaite désormais renommer la capitale, demande à laquelle George Weah est resté silencieux. Autrefois connue sous le nom de Christopolis mais rebaptisée Monrovia en 1824, la capitale libérienne qui célébrera son bicentenaire dans 2 ans, le fêtera-t-il sous un nouveau nom ?
Prolongation ou relégation ? La difficile remontada de « Mister George »
Devant l’impopularité de son sixtennat, la réélection s’annonce difficile pour le leader libérien. Dernier scandale en date : le chef d’Etat est absent du pays depuis le 1er novembre dernier. Cette absence prolongée de 48 jours, sous couvert de visites internationales, fait polémique : de Monaco à Washington, en passant par le Qatar où le fils du président participe à la Coupe du Monde sous les couleurs des Etats-Unis, George Weah assure gouverner le pays à distance par l’intermédiaire de son cabinet. Le président peut-il se permettre d’être éloigné du Libéria alors que sa côte de popularité ne cesse de chuter ?
Malgré l’absence du président, la campagne de réélection se prépare déjà en coulisses. Weah a trouvé son directeur de campagne en la personne du sénateur Edwin Melvin Snowe. Soutenu par la coalition parlementaire, le chef d’Etat semble sûr de sa victoire malgré sa perte de popularité. Mais son concurrent sérieux, l’ex-vice-président Joseph Boakai (déjà candidat à l’élection présidentielle de 2017) pourrait constituer une menace à la réélection de « Mister George ». Entamant la dernière année de son mandat, George Weah, ex-star du foot, doit marquer dans les prolongations pour éviter la mort subite.
(*) Consultant senior en relations publiques.