Macron organise à Versailles un sommet pour décider d’un « nouveau modèle économique »

S’adressant à la nation, Emmanuel Macron a indiqué que la guerre en Ukraine déclenchée par la Russie aura « immanquablement » des conséquences sur l’économie en France et le gouvernement va préparer « un plan de résilience » pour y faire face.

La Commission européenne a par ailleurs indiqué qu’elle pourrait prolonger la suspension de ses règles de rigueur budgétaire en 2023 si cela était rendu nécessaire par l’impact de la guerre en Ukraine sur l’économie de l’UE. Emmanuel Macron a également annoncé un sommet européen informel qui se tiendra les 10 et 11 mars à Versailles au cours duquel il « aura à décider » sur « le nouveau modèle économique » de l’UE.

La «guerre » contre le Covid-19 n’est pas encore terminée qu’une deuxième vient de commencer entre la Russie et l’Ukraine, bouleversant l’ordre mondial et menaçant la paix dans l’Union européenne. Avec dans les deux cas des conséquences économiques très lourdes pour la France comme l’a rappelé Emmanuel Macron ce mercredi soir. Lors d’une allocution à la nation, le chef de l’Etat a déclaré que « la guerre en Ukraine aura « immanquablement » des conséquences sur l’économie, avec des prix à la pompe et des factures de chauffage qui allaient augmenter en raison de la flambée des cours du pétrole et du gaz observée depuis le début du conflit.

Hausse des prix

A l’instar des prix à la pompe qui ne cessent de grimper, la montée en flèche des prix des céréales, notamment le blé, mais aussi ceux des différents métaux comme l’aluminium, viennent augmenter le coût de la vie et éroder le pouvoir d’achat des Français.

« Notre croissance, aujourd’hui au plus haut, sera immanquablement affectée par le renchérissement du prix du pétrole, du gaz, des matières premières et cela aura des conséquences sur notre pouvoir d’achat demain. Le prix du plein d’essence, le montant de la facture de chauffage, le coût de certains produits risque de s’alourdir encore », a averti Emmanuel Macron.

Pour rappel, la France avait connu une croissance de 7% du PIB en 2021, après une chute de 8% en 2020 durant la pandémie.

Les prix à la pompe, déjà à des niveaux historiques, ont en effet de fortes chances d’augmenter encore de quelques centimes cette semaine, dans le sillage des cours du brut, a estimé mercredi l’Union française des industries pétrolières (Ufip).

Emmanuel Macron a ajouté que « notre agriculture, notre industrie, nombre de secteurs économiques souffrent et vont souffrir soit parce qu’ils dépendent des importations de matières premières venues de Russie ou d’Ukraine, soit parce qu’ils les exportent vers ces pays ».

« Vous protéger »

Alors que l’ensemble des 19 filières industrielles françaises ont été reçues dans l’après-midi par la ministre de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher pour faire le point sur les difficultés particulières des différents secteurs, le président a promis de « protéger » et « épauler » les secteurs économiques les plus exposés, « en recherchant de nouveaux fournisseurs, ou de nouveaux débouchés commerciaux ».

« C’est à cette fin que je me suis entretenu avec des homologues américains, européens, moyen-orientaux », a-t-il précisé.

« Nous apporterons des réponses adaptées face aux perturbations des flux commerciaux et à l’augmentation des prix », a promis le chef de l’Etat.

Plan de résilience économique en vue

Ce dernier a demandé au Premier ministre d’élaborer pour les prochains jours un plan de résilience économique et sociale pour répondre à ces difficultés ».

Sur le plan budgétaire, le président a indiqué que la France allait amplifier l’investissement dans sa défense « décidé dès 2017 » et « poursuivra sa stratégie d’indépendance et d’investissements dans son économie, sa recherche, son innovation, déjà renforcés à la lumière de la pandémie », a-t-il indiqué.

Évoquant, comme il l’a fait le jour de l’inauguration du salon de l’agriculture, le thème de la souveraineté, Emmanuel Macron a estimé que le pays devait « accepter de payer le prix de la paix, de la liberté, de la démocratie » en « investissant davantage pour moins dépendre des autres continents ». Concernant l’énergie, il a indiqué qu’il « défendrait une stratégie d’indépendance énergétique européenne ». « Nous ne pouvons plus dépendre des autres et notamment du gaz russe pour nous déplacer, nous chauffer, faire fonctionner nos usines », a-t-il ajouté.

Bruxelles pourrait prolonger la suspension des règles de rigueur budgétaire

L’heure n’est probablement pas au retour des règles de rigueur budgétaire qui avaient été suspendues pendant la crise sanitaire. La Commission européenne a d’ailleurs indiqué mercredi qu’elle pourrait prolonger la suspension de ses règles de rigueur budgétaire en 2023 si cela était rendu nécessaire par l’impact de la guerre en Ukraine sur l’économie de l’UE. Le pacte de stabilité, qui limite les déficits publics à 3% et la dette à 60% du Produit intérieur brut (PIB), avait été temporairement suspendu début 2020 dans le contexte de la pandémie mondiale de Covid-19. Cela a permis aux 27 pays membres de prendre des mesures de soutien exceptionnelles.

Le pacte devait être réactivé au 1er janvier 2023, mais « compte-tenu des incertitudes élevées » pour la croissance liées à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, « nous allons réexaminer cela au printemps », en mai ou juin, a expliqué le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis. D’ici là, Bruxelles aura préparé de nouvelles prévisions économiques.

Le 10 février, Bruxelles avait légèrement revu en baisse sa prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour 2022, à 4%, en raison notamment de la flambée des prix de l’énergie. Le commissaire à l’Economie, Paolo Gentiloni, avait prévenu que les tensions géopolitiques autour de l’Ukraine faisaient peser un risque important sur ce pronostic.

« Ce risque s’est matérialisé, nous faisons face à une guerre », a-t-il constaté mercredi. « Elle va probablement avoir un impact négatif sur la croissance européenne, à travers les répercussions sur les marchés financiers, la pression accentuée sur les prix de l’énergie, des perturbations prolongées sur les chaînes d’approvisionnement et les effets sur la confiance » des consommateurs et des investisseurs, a-t-il précisé.

Pour l’instant, la commission estime que le conflit militaire en Ukraine « ne va pas faire dérailler l’expansion en cours, mais va l’affaiblir », a souligné Paolo Gentiloni.

Bruxelles a publié mercredi ses orientations budgétaires pour les Etats membres de la zone euro en 2023. La commission insiste sur le besoin « d’assurer la soutenabilité de la dette grâce à un ajustement budgétaire progressif » et souligne le besoin de différenciation des politiques budgétaires selon les pays. Les plus endettés doivent donner priorité à une réduction graduelle de leur dette, tandis que les moins endettés doivent insister sur les investissements, a expliqué Valdis Dombrovskis.

Le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire a par ailleurs annoncé que les Etats membres travaillaient avec la Commission sur des aides aux entreprises subissant les conséquences du conflit en Ukraine. « Elles doivent cibler en priorité les entreprises les plus fragiles, les plus exposées au prix du gaz et les plus exposées à la concurrence internationale », a-t-il dit, en précisant qu’elles pourraient notamment prendre la forme d’aides d’Etat ou de prêts.

« Décider un nouveau modèle économique » pour l’UE

Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé un sommet européen informel qui se tiendra les 10 et 11 mars à Versailles. Il « aura à décider » sur « le nouveau modèle économique » de l’UE rendu nécessaire par l’invasion russe de l’Ukraine.

« A ce retour brutal du tragique dans l’Histoire, nous nous devons de répondre par des décisions historiques », a déclaré le chef de l’Etat dans une allocution télévisée.

« D’ores et déjà notre Europe a montré unité et détermination. Elle est entrée dans une nouvelle ère », a-t-il ajouté.

Le sommet informel de l’UE, organisé au château de Versailles, dans le cadre de la présidence tournante française, aura donc à prendre des décisions sur « une stratégie d’indépendance énergétique européenne » et sur « la défense européenne », selon lui.

A l’origine, ce sommet devait porter « sur le modèle européen de croissance et d’investissement pour 2030 », à la suite du vaste plan de relance engagé par l’UE en pleine crise du Covid-19. L’Europe « doit désormais accepter de payer le prix de la paix, de la liberté, de la démocratie. Elle doit investir davantage pour moins dépendre des autres continents et pouvoir décider pour elle-même, en d’autres termes devenir une puissance plus indépendante, plus souveraine », a déclaré Emmanuel Macron.

« Puissance de paix, nous ne pouvons pas dépendre des autres pour nous défendre, que ce soit sur terre, sur mer, sous la mer, dans les airs, dans l’espace ou le cyberespace (…). Notre défense européenne doit franchir une nouvelle étape », a-t-il ajouté.

« Nous ne pouvons plus dépendre des autres, et notamment du gaz russe, pour nous déplacer, nous chauffer, faire fonctionner nos usines. Voilà pourquoi, après avoir décidé, pour la France, le développement des énergies renouvelables et la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, je défendrai une stratégie d’indépendance énergétique européenne », a poursuivi le président français.

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LA FRANCE PRENDRA SA PART POUR ACCUEILLIR LES RÉFUGIÉS

Emmanuel Macron a affirmé que Vladimir Poutine était « seul » à avoir choisi la guerre contre l’Ukraine et a réclamé « des décisions historiques » pour rendre la France et l’Europe « plus indépendantes », en particulier pour assurer leur défense. La France « prendra sa part »  pour accueillir les réfugiés ukrainien, a-t-il promis, notamment « en accueillant les enfants forcés à l’exil, séparés de leur père resté combattre ». Pour lui, C’est « bien seul et de manière délibérée que reniant un à un les engagements pris devant la communauté des nations, le président Poutine a choisi la guerre ». « La Russie n’est pas agressée, elle est l’agresseur », « cette guerre n’est pas un conflit entre l’Otan et la Russie » et « encore moins une lutte contre le nazisme, c’est un mensonge », a-t-il estime.

Mais « nous ne sommes pas en guerre contre la Russie », a-t-il lancé, se disant « aux côtés de tous les Russes qui refusent qu’une guerre indigne soit menée en leur nom ». Il s’est aussi redit prêt au dialogue avec le président russe. « J’ai choisi de rester en contact, autant que je le peux et autant que c’est nécessaire, avec le président Poutine pour chercher sans relâche à le convaincre de renoncer aux armes ».

« La guerre en Europe n’appartient plus à nos livres d’histoire ou nos livres d’école elle est là, sous nos yeux », a-t-il conclu.

(Avec AFP)

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