La Guinée poursuit sa marche inexorable dans l’exploitation primaire de ses ressources naturelles, notamment la bauxite dont elle abrite les deux tiers des réserves mondiales. La production annuelle du pays est passée de 59,6 millions de tonnes en 2018 à 70,2 millions de tonnes en 2019, passant de la troisième à la deuxième place, devançant ainsi la Chine et s’alignant juste derrière l’Australie, premier producteur mondial selon la Banque mondiale. Cette fulgurante progression de 18 % en une année est principalement due à la Chine dont la Guinée est désormais le premier fournisseur, par l’entremise de la Société Minière de Boké (SMB).
Arrivée dans les mines guinéennes, il y a environ 6 ans, à la faveur de l’embargo imposé en janvier 2016 par l’Indonésie sur les exportations de sa bauxite vers la Chine pour cause de dévastation de l’environnement. La Chine s’est depuis lors tournée vers la Guinée pour combler ses besoins en minerais de bauxite, avec notamment la participation de Shandong Weiqiao, une société minière chinoise spécialisée dans la production d’aluminium. La SMB tire depuis, de manière exceptionnelle, la production guinéenne de bauxite, assurant à l’empire du milieu de continuer à asseoir son hégémonie sur le marché mondial de l’aluminium. Et comme pour boucler la boucle, le consortium Chinois SMB-Wining a aussi raflé la concession des blocs 1 et 2 du gisement de fer du Simandou.
Cette “honorable” seconde place qui aurait dû se traduire par la réduction du taux de chômage, de la pauvreté et un développement infrastructurel conséquent n’en est pas une en réalité. Le pays fait toujours partie des 25 les plus pauvres de la planète (FMI), ce qui traduit surtout une faible production de richesses en faveur des populations. L’administration actuelle mise plus sur une économie de rente minière totalement obsolète et dépassée dont le seul but est de tirer avantage des revenus fiscaux de l’exploitation, quitte à brader les ressources du pays, que sur l’effet d’entraînement qu’aurait pu avoir une véritable politique minière industrielle de transformation locale des ressources naturelles.
Le gouvernement guinéen, de manière surréaliste, se félicite d’atteindre de tels niveaux d’exploitation, saluant cela comme un exploit alors qu’à part l’impact macroéconomique totalement artificiel, il n’existe quasiment pas d’indicateurs de corrélation réelle entre la croissance économique (exclusive) du pays tirée principalement par les mines et la réduction de la pauvreté. La contribution générale du secteur extractif au PIB de la Guinée est de l’ordre de 15 %, et représente seulement 32% des recettes de l’État, 78 % des exportations et … 0,4% des emplois.
D’où la question de savoir si les mines guinéennes servent à grand-chose pour les Guinéens dont l’écrasante majorité s’enfonce année après année dans la pauvreté. La situation infrastructurelle, sécuritaire, sanitaire, de l’éducation, de l’accès à l’eau et à l’électricité, etc… est elle autre catastrophique malgré les millions de tonnes de bauxite acheminées vers la Chine et dans d’autres pays occidentaux.
Le seul impact visible par les populations guinéennes de cette course effrénée à l’exploitation primaire de masse des gisements de bauxites du pays, c’est la dégradation sans précédent de l’environnement, occasionnée par des sociétés minières parfois peu inclines au respect du code minier et de l’éthique des affaires, qui n’hésitent pas à importer de la main-d’œuvre “en territoire conquis”.
Ces sociétés exercent une mainmise sur les ressources minières du pays (avec des accords ‘’ressources minières contre prêts financiers sous condition’’). Une expropriation qui s’apparente à un néocolonialisme exubérant.
Par Mamadou Alliou Diallo