Mobile : l’Afrique attire les banques

L’Afrique subsaharienne est la région du monde qui compte le plus grand nombre d’utilisateurs de services financiers sur mobile, avec 98 millions de personnes, selon le BCG. Qui évalue le potentiel du seul marché des paiements mobiles dans cette zone géographique à 3,5 milliard de dollars en 2022.

Il y a eu l’Asie, l’Amérique du Sud, l’Europe de l’Est… Aujourd’hui, les entreprises en général, et les banques en particulier, convoitent un nouvel eldorado géographique : l’Afrique subsaharienne, dont l’économie croît de 5% en moyenne par an.

BPCE (Banque Populaire Caisse d’Epargne), par exemple, n’a pas encore concrétisé ses velléités de développement en Afrique subsaharienne mais « notre ambition demeure », a affirmé François Pérol, président du directoire, le 19 février, lors de la présentation des résultats annuels du groupe bancaire. Pour mémoire, dans le cadre de son plan stratégique 2014/2017, ce dernier projette d’allouer 300 millions d’euros à son expansion dans la banque de détail sur le continent africain, notamment en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale.

Or, s’il existe un créneau à ne pas négliger pour se développer dans la banque de proximité en Afrique, c’est celui de la banque mobile. L’Afrique subsaharienne n’est autre que la région du monde qui compte le plus grand nombre d’utilisateurs de services financiers sur mobile, avec 98 millions de personnes, selon une récente étude du cabinet de conseil en stratégie Boston Consulting Group (BCG).

Car, de la même façon que le continent africain a brûlé l’étape de la téléphonie fixe pour aller immédiatement à celle du portable, il est en train de sauter l’étape de la banque en ligne pour passer directement à la banque mobile.

Un taux de bancarisation
inférieur à 30% en Afrique

Une évolution qui résulte logiquement de l’engouement pour le portable en Afrique subsaharienne, où plus de la moitié de la population âgée de 15 ans au moins est abonnée à une offre de téléphonie mobile. Mais l’explosion de la banque mobile en Afrique tient également à la faible bancarisation de la population.

« En Afrique, le taux de bancarisation est inférieur à 30%, et il est même de moins de 20% dans certaines régions d’Afrique subsaharienne », précise Othman Omary, « principal » au bureau du BCG à Casablanca (Maroc). Si la population est très peu bancarisée, c’est d’abord parce que nombre de personnes gagnent moins de trois dollars par jour, selon le BCG. Et également parce que « la densité des réseaux d’agences bancaires est très faible, dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne », explique Othman Omary.

Aussi, par défaut, leurs habitants se rabattent-ils sur des services financiers informels, comme ces associations qui mettent en commun l’épargne de tous au profit de chacun, connues sous le nom de « tontines » au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Mais leur fonctionnement n’est pas optimal, tant sur le plan économique que sur celui de la sécurité. Ce qui explique l’appétit croissant des habitants d’Afrique subsaharienne pour les services mobiles de paiement et de transfert d’argent, comme Orange Money, développé en partenariat avec BNP Paribas, et M-Pesa, la star du paiement mobile au Kenya, qui permettent par exemple aux travailleurs urbains d’envoyer une partie de leur salaire à leurs familles restées dans les zones rurales.

Un potentiel de 250 millions d’utilisateurs pour la banque mobile

« En Afrique, l’usage de la banque mobile réside surtout dans les transferts d’argent d’une personne à une autre et dans les paiements, de factures d’électricité par exemple », constate Othman Omary. Un marché des paiements mobiles qui devrait atteindre la coquette somme de 1,5 milliard de dollars en 2019, dans la région, estime le BCG. A quoi s’ajouteront d’autres sources de revenus, au fur et à mesure que la sophistication des usages de la banque mobile ira croissant : « Nous commençons déjà à voir le développement d’offres d’assurance sur mobile », indique Othman Omary, qui parie sur le développement d’autres produits financiers comme l’épargne et le crédit.

Il est vrai que le niveau de vie de la population progresse en Afrique subsaharienne, compte tenu des efforts fournis par certains gouvernements dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la protection sociale. Le BCG estime ainsi que le nombre d’habitants gagnant au moins 500 dollars par an, disposant d’un téléphone mobile et n’étant pas bancarisés devrait s’élever à 250 millions en 2019. C’est dire en effet si le marché de la banque mobile en Afrique subsaharienne est prometteur, tant pour les opérateurs de téléphonie, d’ailleurs, que pour les banques.

Des partenariats entre banques et opérateurs de téléphonie

Pour autant, les établissements bancaires qui verraient dans la banque mobile le moyen de se développer à peu de frais sur le continent africain feraient fausse route. Car, sans parler d’agences, il n’est pas question de faire l’économie d’un réseau physique. « Les acteurs qui souhaiteront se développer dans la banque mobile en Afrique auront besoin d’intermédiaires physiques, d’agents, notamment pour permettre aux clients de récupérer leurs fonds », explique Othman Omary. Ces agents, qui ont fait le succès de M-Pesa au Kenya, ce peut-être l’épicier du coin ou le magasin de téléphonie local.

Dans ce domaine, les opérateurs de téléphonie mobile, avec leur réseau commercial, disposent d’un avantage compétitif sur les banques. Qui ont en revanche pour elles la maîtrise des produits financiers et de la gestion des risques, comme le risque de crédit.

« Aussi les banques et les opérateurs de télécommunications, qui présentent des avantages compétitifs complémentaires, ont-ils tout intérêt à s’allier pour se développer sur le marché africain de la banque mobile, (au travers) de partenariats dont la forme dépendra des pays et sera différente en fonction de chaque cas de figure »,

estime Othman Omary. L’essentiel étant de bâtir une offre réellement « low cost », afin de répondre aux besoins d’une population pour qui la banque mobile ne représente pas un « plus », comme c’est le cas en Europe, mais un premier pas vers la bancarisation.

Christine Lejoux

Challenges Radio

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