Parlement européen : la riposte ferme du Maroc

Pour la première fois en un quart de siècle, le parlement européen vote une résolution critiquant la situation des droits humains au royaume chérifien, suscitant le mécontentement de nombreuses institutions marocaines qui ont condamné à l’unanimité ce qu’ils ont considéré comme “ingérence”.

Alors qu’elles semblaient être apaisées, les relations entre Rabat et Bruxelles sont à confrontées à un nouvel épisode de crise. Pourtant, la visite récente du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, le 5 janvier, était censée insuffler un nouvel élan à ce partenariat stratégique, qui est aujourd’hui mis à l’épreuve, en raison d’une résolution critique, mais non contraignante, du parlement européen envers la liberté de la presse au Maroc. De quoi conduire le parlement marocain à reconsidérer ses relations avec l’institution européenne.

L’indépendance de la justice, une ligne rouge franchie

Adoptée à une large majorité le 19 janvier, celle-ci dénonce le sort de trois journalistes en particulier et appelle au respect de la liberté d’expression. Ce vote de trop pour les députés marocains constitue « une dérive dangereuse ». Au sein de l’institution législative marocaine, ces derniers ne décolèrent pas. Ainsi, pendant 90 minutes, les parlementaires ont défilé, le lundi 23 janvier, les uns après les autres, mettant leurs différends politiques de côté, pour exprimer unanimement leur mécontentement.

Que reproche les députés marocains au parlement européen ? « le dépassement inadmissible de ses prérogatives et attributions », et « l’attaque inacceptable contre la souveraineté, la dignité et l’indépendance des institutions judiciaires du royaume », lit-on dans la déclaration conjointe des deux chambres. Le ton est donné. Le rejet de cette résolution est catégorique pour ces élus. Le Parlement chérifien, dans une dizaine de points, précise d’ailleurs qu’il n’a nullement besoin de « rappeler l’attachement du royaume aux droits de l’Homme tels qu’ils sont internationalement reconnus » et  affirme également « son respect effectif des conventions internationales y afférentes », et « sa marche volontariste vers la consécration et la consolidation de l’Etat de droit et des institutions, dans le cadre du pluralisme politique et de la liberté d’opinion et d’expression ». L’institution européenne est censée « faire preuve de discernement, être capable de distinguer les vérités des contrevérités », fustigent les députés marocains dans leur communiqué. Et de poursuivre : « le parlement marocain rejette l’instrumentalisation et la politisation d’affaires relevant de la compétence de la justice pénale et du droit commun ». A l’issue de cette déclaration, une décision sera attendue dans les prochains jours de la part de l’institution législative marocaine qui s’apprête à réévaluer ses relations avec le législateur européen.

Une position tout autant partagée par d’autres institutions du pays, notamment par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) dont la réaction ne s’est pas fait attendre. L’indépendance de la justice étant une ligne rouge, cette instance n’a pas tardé à pointer ce qu’elle a considéré comme « une ingérence » dans les affaires judiciaires du royaume chérifien.

Entre le Maroc et l’Europe, des relations en montagnes russes

Intervenue au moment où le Maroc est cité sans preuves dans le scandale de corruption du Qatargate qui agite le Parlement européen, cette résolution met le feu aux poudres et laisse croire qu’il s’agit d’un coup monté. Pour Rabat, c’est une affaire européenne, puisque ces allégations ont été rejetées par le chef de la diplomatie marocaine qui a affirmé que celles-ci mettaient en danger les liens avec l’Union Européenne. « Ce partenariat fait face à des attaques dans des institutions européennes et notamment au sein du parlement, à travers des questions dont le Maroc est l’objet et qui sont le résultat de calculs et d’une volonté de nuire à ce partenariat« , a mis en garde le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, lors de la visite du patron de la diplomatie européenne, Josep Borrell. Pour sa part, le responsable européen avait qualifié les relations entre Rabat et Bruxelles  de « solides et stratégiques » et reposant sur des « actions concrètes, particulièrement pertinentes ». Pour rappel, cette visite, intervenant dans un contexte politique particulièrement délicat, avait pour objectif d’instaurer un climat de confiance avec la mise en place d’un dialogue de haut niveau entre les deux parties.

Cependant, certains observateurs suggèrent que le nouveau statut du royaume en tant que puissance régionale et son ouverture sur d’autres partenaires internationaux sous la conduite de Mohammed VI, n’a pas été du goût de certains de ses partenaires européens traditionnels. Mais, le fait est que, n’en déplaise aux eurodéputés hostiles au Maroc, les relations économiques sont plus solides que jamais, comme en témoigne le niveau des échanges commerciaux qui a triplé en 10 ans pour atteindre à 45 milliards d’euros en 2021.

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