Le président russe anticipe la baisse de ses exportations énergétiques puisque les pays européens veulent réduire voire stopper leurs importations d’énergies fossiles russes dans les années à venir. Et c’est vers les marchés au sud et à l’est qu’il compte se tourner. Il vise ainsi, sans directement la nommer, la Chine. Une stratégie loin d’être nouvelle car envisagée depuis les années 2010, que la guerre en Ukraine vient accélérer.
Alors que les Européens déclarent depuis le début de la guerre russe en Ukraine vouloir réduire leur dépendance vis-à-vis des énergies russes, Vladimir Poutine répond en indiquant réfléchir vers qui réorienter ses exportations. « On va partir du principe qu’à l’avenir les livraisons vers l’Ouest vont baisser », a déclaré le président russe. Il faut donc « réorienter nos exportations vers les marchés au Sud et à l’Est qui croissent rapidement », a-t-il exposé jeudi 14 avril, lors d’une réunion gouvernementale consacrée au secteur de l’énergie dans le contexte des sanctions internationales.
« Des opportunités, des options et des occasions alternatives s’ouvrent à nous. En ce qui concerne le pétrole, le gaz et le charbon russe, nous allons pouvoir augmenter leur consommation sur le marché intérieur (…) et accroître la livraison de ressources énergétiques aux autres régions du monde qui en ont vraiment besoin », avait déjà déclaré la veille Vladimir Poutine.
Le président russe considère que les discours européens « déstabilisent le marché et font monter les prix ». Il se veut néanmoins confiant : « Cela crée bien entendu des difficultés pour nous, mais nous avons les ressources et les opportunités pour trouver rapidement des solutions alternatives », a-t-il affirmé.
Pour Vladimir Poutine, « les tentatives des pays occidentaux d’évincer les fournisseurs russes, de remplacer nos ressources énergétiques par des approvisionnements alternatifs, affecteront inévitablement l’ensemble de l’économie mondiale », assurant que « les conséquences d’une telle démarche peuvent devenir très douloureuses, et d’abord pour les initiateurs d’une telle politique ».
Un « virage vers l’Asie » pas nouveau
Vladimir Poutine n’a pas précisé à quels pays il pense lorsqu’il parle du Sud et de l’Est, mais la Chine, dont l’appétit en hydrocarbures ne cesse de grandir, est frontalière de la Russie. Pékin est cependant réputé comme un négociateur difficile, et la Russie cherche à voir au-delà de ce voisin.
La Russie a d’ailleurs entamé depuis plusieurs années déjà un « virage vers l’Asie ». « Cette vision russe n’est pas nouvelle », confirmait récemment à La Tribune Jacques Sapir, directeur d’études à l’EHESS (école des hautes études en sciences sociales) et membre étranger de l’Académie des Sciences de Russie.
« La stratégie énergétique de la Russie à l’horizon 2030, puis 2040, a été actée en 2010. Et chaque mouture insistait un peu plus sur le tournant vers l’Asie, afin de réduire la dépendance des exportations russes vers l’Europe. Il y a toujours eu l’idée chez Vladimir Poutine de diminuer sa dépendance par rapport aux pays occidentaux et aux États-Unis, mais essentiellement par rapport aux pays européens », indique Jacques Sapir.
Les États-Unis se concentrent sur l’application des sanctions
Les États-Unis estiment en tout cas avoir pris « les sanctions majeures » contre la Russie et se concentrent sur leur exécution, notamment sur la lutte contre toute tentative d’ « évasion », c’est-à-dire le risque que la Russie contourne les mesures imposées par les États-Unis, a indiqué ce jeudi 14 avril le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan lors d’un colloque. « Nous aurons des annonces dans les deux prochaines semaines identifiant des cibles qui essaient de permettre cette évasion à la fois en Russie et au-delà », a-t-il déclaré.
Le conseiller à la sécurité nationale a par ailleurs assuré, à propos des richesses des oligarques russes désormais gelées en raison des sanctions, par exemple leurs yachts ou leurs actifs financiers : « Notre objectif n’est pas de les rendre » à leurs propriétaires à la fin du conflit, mais « de les employer à meilleur escient ». Et d’ajouter : « Il y a des moyens que nous avons déjà, et d’autres que peut-être nous pourrions développer, et nous y réfléchissons activement ».
Certains parlementaires américains ont déjà appelé à vendre ou liquider les actifs russes concernés par les sanctions, pour financer la reconstruction de l’Ukraine après la guerre.
(Avec AFP)