Philippe Wang :  » En Afrique, la lutte contre le changement climatique passera par sa transformation numérique « 

Quel rôle les technologies de l’information et de la communication jouent-elles dans la transition écologique et quels sont ses apports pour faire face aux grands enjeux environnementaux en Afrique ? Eléments de réponse avec Philippe Wang, vice-président exécutif de Huawei Northern Africa.

 L’UN Climate Change Global Innovation Hub a organisé le 10 novembre, dans le cadre de la COP27 de Charm El-Cheikh, une table ronde sur le thème  » ICT For Green  » sur le rôle des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans la transition écologique et ses apports pour faire face aux grands enjeux environnementaux. Quel regard portez-vous sur la crise climatique actuelle, notamment en Afrique, et quelle importance l’entreprise Huawei donne-t-elle à la lutte contre le changement climatique dans sa stratégie de développement ?

Philippe Wang : La dynamique mondiale en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique et, de facto, en faveur de la neutralité carbone, est une priorité inscrite au cœur des agendas politiques et de la société civile. La tenue de la COP27 à Charm El-Cheikh, en Egypte, du 6 au 18 novembre, illustre à juste titre l’importance que revêt cet événement où plus de 100 chefs d’Etat et de gouvernement se sont réunis. Au cœur des débats et discussions, il a notamment été question des moyens qu’il sera impératif de mobiliser afin de réduire les émissions de CO2, tout en limitant leurs conséquences délétères sur les populations.

Responsable de seulement 3 % des émissions de gaz à effet de serre, l’Afrique est pourtant l’une des principales victimes du réchauffement climatique, avec l’Asie du Sud-Est. Vagues de chaleur en Afrique du Nord, sécheresses au Sahel ou dans la Corne de l’Afrique, cyclones au Mozambique ou encore assèchements des lacs, les phénomènes climatiques extrêmes sont de plus en plus nombreux, fréquents et sévères sur le continent. Malheureusement, les pays africains sont difficilement en mesure d’y faire face.

Huawei reconnaît la gravité que représente le défi climatique mondial, notamment en Afrique, continent sur lequel nous opérons depuis plus de vingt ans maintenant. Dans ce contexte, nous nous sommes engagés à contribuer activement aux efforts collectifs de lutte contre cette menace, ceux-ci devant mobiliser aussi bien les États, les entreprises que la société civile.  » Tech for a Better Planet  » est ainsi devenu notre véritable leitmotiv, celui-ci étant inscrit au cœur des activités de l’entreprise. Ce faisant, à travers l’innovation technologique, nous nous engageons dans la réduction des émissions de carbone, dans la promotion des énergies renouvelables et dans la conservation de la nature grâce à la technologie.

En effet, chez Huawei, nous sommes convaincus qu’il sera possible, voire indéniable,, de tendre vers la neutralité carbone à travers l’innovation technologique. Essentielles au développement socio-économique de l’Afrique, car porteuses de nombreuses opportunités, les technologies de l’information et de la communication sont en mesure de réduire les émissions de CO2 en proposant de nouveaux modèles et modes de consommation, – plus durables -, et en renforçant l’accès des pays africains aux sources d’énergies propres.

La lutte contre le changement climatique couplée à la croissance économique et sociale de l’Afrique passera par sa transformation numérique. Cela est un fait. Cependant, celle-ci doit être verte, d’autant plus que le secteur des TIC est amené à connaître une croissance sans précédent dans les prochaines années et posera de plus en plus des questions de durabilité.

En Afrique, presque les deux tiers de la population n’ont pas accès à l’électricité. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication peuvent-elles jouer un rôle dans la réduction de ce déficit ?

En effet, ce chiffre est malheureusement trop élevé. Cette problématique est le fait de deux principaux facteurs : tout d’abord, des infrastructures relativement moins développées, aboutissant à des inégalités dans l’accès au réseau. Selon les données de la Banque africaine de développement, combler le déficit infrastructurel de l’Afrique nécessiterait de 130 à 170 milliards par an. Ce manque résulte en partie du coût des infrastructures, beaucoup trop important pour les opérateurs et finalement peu rentable à court terme, notamment dans les zones reculées, essentiellement rurales.

Chez Huawei, nous inscrivons notre action dans l’Objectif de développement durable n°7, consistant à  » garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable. ». Les infrastructures conditionnent en effet la croissance socio-économique des pays et, de facto, du continent. Parallèlement, outre ce premier objectif, nous agissons de sorte à renforcer l’inclusion numérique dans les régions reculées en Afrique afin de permettre au plus grand monde d’avoir accès à la connectivité.

Nous sommes persuadés que les technologies numériques doivent jouer un rôle essentiel dans la lutte contre la fracture numérique et, dès lors, dans l’accès à l’électricité. En effet, l’énergie joue un rôle central, car sans énergie, il n’y a pas d’électricité et donc pas d’innovation technologique.

Afin de répondre à ce défi, Huawei déploie des solutions durables prenant en compte l’impératif climatique, tout en répondant à la carence infrastructurelle dans les zones rurales. Nous nous appuyons par exemple sur l’énergie solaire, illimitée sur le continent et durable. Au Cameroun, Huawei a ainsi déployé la solution de panneaux solaires hors réseau, Rural Solar Power, qui combine les réseaux Internet et l’énergie solaire, formant ainsi un écosystème intégral reposant sur les réseaux, l’accès à l’électricité et l’accès aux applications pour les populations vivant dans les zones rurales. Entre 2014 et 2021, nous avons tout particulièrement signé trois phases de ce projet avec le ministère de l’Eau et de l’Énergie. Ce faisant, quelque 350 villages, soit 40 000 villages, ont pu bénéficier d’un accès facilité à des sources d’électricité fiables.

Dans un contexte de crise énergétique mondiale, la notion d’efficacité est de plus en plus présente dans les programmes de transition énergétique. Pensez-vous que les TIC sont une solution pour économiser l’énergie ?

La notion d’efficacité énergétique a en effet intégré nos préoccupations courantes. Ceci explique notamment pourquoi les impacts environnementaux liés aux usages croissants du numérique sont parfois décriés. Internet polluerait en effet 1,5 fois plus que le transport aérien. Dans la même veine, en 2018, les TIC consommaient 6 à 10% de l’électricité mondiale. Afin que le numérique ne soit pas pointé du doigt comme étant le principal responsable du réchauffement climatique, notamment en Afrique, qui subit d’ores et déjà de manière disproportionnée ses conséquences, il importe d’adopter des technologies numériques écologiques. Cela est tout à fait possible. Un avenir durable, notre avenir ne peut être viable que si la technologie est mise au service de l’environnement et du développement durable du continent.

Il importe donc de mettre en œuvre, et ce dès maintenant, une transformation numérique responsable et alliée de la transition énergétique. Il est de notre devoir à tous de se diriger vers un numérique responsable et écologique. Sans cela, la croissance de l’Afrique sera impactée, accroissant dès lors les défis auxquels les populations seront confrontées.

De ce fait, la démocratisation de TIC vertes apparaît comme la solution pour construire et développer des systèmes moins gourmands en énergie, aptes à réduire les émissions de carbone. Chez Huawei, nous nous engageons en faveur d’un numérique durable, au service de la transition écologique et déployons en ce sens des solutions axées sur l’énergie propre. En Éthiopie, nous avons par exemple déployé plus de 400 sites cellulaires alimentés par l’énergie solaire. Ces derniers permettent ainsi d’économiser chaque année plus de 12 millions de litres de carburant diesel, réduisant de facto les émissions annuelles de carbone de 2 850 tonnes.

Les data centers sont connus pour être des gouffres d’énergie. Comment peut-on arriver à réduire cette surconsommation et arriver à une certaine efficience énergétique pour ces centres de données de plus en plus implantés en Afrique et pour les infrastructures numériques en général ?

En ce qui concerne les data centers, le challenge est double. Il est évidemment nécessaire de promouvoir l’implantation de data centers sur le continent puisque le volume de données croît de façon exponentielle avec la généralisation des services numériques. C’est un enjeu de souveraineté numérique pour les pays africains qui doivent pouvoir stocker, maîtriser et gérer ce volume de données au niveau national. Néanmoins, ces ambitions en matière de souveraineté numérique, qui sont certes légitimes, ne pourront se réaliser en contradiction avec les objectifs de décarbonation des économies au niveau continental et mondial.

Nous l’avons constaté dès l’ouverture de la COP27 : les pays dits du  » Sud  » sont des acteurs majeurs dans la lutte contre le réchauffement climatique et le développement des infrastructures numériques constitue une partie de la solution à ces défis d’adaptation et d’atténuation du changement climatique. A ce sujet, la question de la réduction de l’empreinte environnementale des data centers était déjà au cœur des débats de la COP26 l’an dernier.

Huawei investit continuellement dans la recherche et le développement – s’élevant à 22,4 % du chiffre d’affaires annuel en 2021 -, afin de proposer des solutions pouvant répondre aux différents besoins du continent, tout en s’adaptant aux spécificités des territoires. L’installation de data centers, par exemple, requiert des systèmes d’électrification solide et fiable puisque ces infrastructures doivent être en permanence alimentées, sans interruption, afin que l’hébergement des données ne soit pas compromis. Dans ce contexte, nous avons commercialisé l’an dernier une nouvelle génération de data centers intelligents et à faible émission de carbone. Il s’agit du PowerPOD 3.0. Son système d’alimentation électrique innovant permet de gagner en efficacité énergétique et ainsi réduire la consommation d’énergie de 70%. Durable, autonome et fiable, c’est la promesse que nous faisons avec la commercialisation de cette nouvelle génération de data centers.

IA, cloud, Big Data… On estime aujourd’hui que les nouvelles technologies permettent une meilleure efficience dans les services de fourniture d’électricité, notamment dans les grandes métropoles africaines où la demande est plus importante. Quelles sont les solutions proposées aujourd’hui par Huawei pour ce segment, notamment pour les smart-grids ?

Les technologies de pointe telles que l’IA, le Cloud ou encore le Big Data sont de puissants accélérateurs de croissance pour l’ensemble des secteurs économiques et sociaux d’un pays. Lorsqu’il s’agit d’accès à l’électricité et à une énergie renouvelable qui plus est, ces technologies sont primordiales. En premier lieu, l’Afrique dispose d’un potentiel de production d’énergie de sources renouvelables conséquent, notamment le photovoltaïque pour les raisons que nous connaissons tous. Ensuite, les infrastructures de réseaux intelligents, dits smart grids, apportent quant à elles une capacité de maîtrise et de redistribution efficace, flexible et agile. Elles peuvent fonctionner en dehors de tout système central et se déploient très rapidement dans les territoires, y compris les zones les plus isolées.

Alors que le potentiel est grand, le développement du secteur électrique dans de nombreux pays africains reste très limité. Au Cameroun par exemple, selon les chiffres de 2016, plus de 40% de la population vit sans électricité et donc sans pouvoir bénéficier des services publics essentiels et des opportunités économiques nationales. Cette situation maintient les populations, notamment rurales, dans les cercles de l’économie informelle et donc dans une extrême pauvreté. Fidèle à notre mission et à notre ambition de réduire la fracture numérique chaque jour, Huawei a développé RuralSolar Power, une solution innovante qui combine les réseaux Internet et l’énergie solaire, formant ainsi un écosystème intégral permettant aux populations vivant en zones rurales d’avoir accès à l’électricité.

Ces solutions vont également permettre la construction de 1 000 micro-réseaux photovoltaïques pour 1 000 villages isolés d’ici à 2025. Ce nouveau parc solaire va permettre ainsi une réduction de 30 000 tonnes de CO2 par an. Ces chiffres, je les trouve extrêmement encourageants et prometteurs pour construire, avec tous les acteurs de l’écosystème, l’avenir énergétique durable sur le continent.

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