Plafonnement du prix du gaz en Europe : un échec sans surprise

Les pays de l’Union européenne ont affiché jeudi leurs divergences sur une proposition de la Commission pour plafonner les cours du gaz, majoritairement jugée inefficace, ce qui les a amené à reporter l’adoption d’autres mesures pour répondre à la crise énergétique.

Réunis ce jeudi à Bruxelles, les ministres de l’Énergie de l’Union européenne ont une nouvelle fois échoué à trouver un accord sur le plafonnement des cours du gaz. Sans surprise, la proposition de la Commission sur le sujet a été rejetée par une majorité de pays membres qui l’a jugée inefficace.

« Les discussions ont été houleuses sur ce point, il y a des positions très divergentes, mais le débat ne fait que commencer », a déclaré le ministre tchèque Jozef Sikela, dont le pays occupe la présidence tournante du Conseil de l’UE. « L’adoption formelle interviendra ultérieurement, de concert avec l’accord politique » sur ce mécanisme de plafonnement, a-t-il ajouté.

Prague a convoqué une nouvelle réunion ministérielle pour mi-décembre, espérant débloquer le dossier avant un sommet des dirigeants des Vingt-Sept.

« Une plaisanterie »

Proposé mardi par l’exécutif européen, le mécanisme controversé consistait à plafonner pour un an les prix des contrats mensuels sur le marché gazier de référence TTF dès qu’ils dépassent 275 EUR/MWh pendant deux semaines consécutives. Un niveau de prix qui ne s’est jamais produit, même au plus fort de la flambée des cours en août dernier.

« A ce niveau, ce n’est pas un plafond ! Les prix du gaz menacent les ménages et entreprises, nous avons perdu trop de temps sans résultats », a fulminé jeudi le ministre grec Kostas Skrekas, tandis que son homologue polonaise Anna Moskwa a dénoncé « une plaisanterie » et demandé une nouvelle proposition « dans les prochains jours ». Même son de cloche du côté espagnol où la ministre de l’énergie, Teresa Ribera a qualifié le texte de « mauvaise blague ». Pour la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, la proposition pour plafonner les prix « ne va pas assez loin pour protéger nos entreprises et notre industrie. La Commission devra faire de nouvelles propositions ».

Eviter que le plafonnement ne se retourne contre l’UE

Les dirigeants des Vingt-Sept avaient demandé fin octobre à Bruxelles de préparer un mécanisme « temporaire » pour plafonner les prix du gaz, mais à la condition expresse que cela ne perturbe pas les approvisionnements du continent et que cela n’incite pas à consommer davantage d’hydrocarbures. Ces garde-fous sont exigés notamment par l’Allemagne, rétive à toute intervention sur les marchés. Vu son exposition au gaz, Berlin surveille de très près ce mécanisme. Berlin redoute qu’un plafonnement des prix en Europe ne pousse les pays producteurs à vendre leur gaz dans d’autres pays du monde.

« La question centrale est d’éviter qu’il conduise à assécher nos approvisionnements en gaz », face à la concurrence d’acheteurs asiatiques offrant des prix plus élevés, a expliqué le secrétaire d’État allemand Sven Giegold. « D’un autre côté, si le seuil de déclenchement est trop élevé, le mécanisme ne sera d’aucune aide. Il faut trouver un équilibre », a-t-il admis.

Outre l’Allemagne, d’autres pays comme les Pays-Bas, l’Autriche, le Luxembourg, le Danemark… continuent de réclamer un encadrement drastique du dispositif.

« Nous avons reçu des instructions très claires sur la nécessité d’éviter les effets indésirables, et c’est ce que nous avons fait », s’est défendue jeudi la commissaire à l’Energie Kadri Simson, tout en reconnaissant que « les attentes et exigences » des États étaient « très différentes ».

Cette levée de boucliers sur le plafonnement du prix du gaz a empêché la signature de deux autres textes qui font consensus. Un premier qui vise à renforcer la solidarité du bloc européen avec des achats groupés de gaz (auxquels peuvent participer volontairement des consortiums d’entreprises), un mécanisme garantissant que tout pays menacé de pénurie recevra du gaz d’autres États membres. Et un second d’une durée d’un an, qui simplifie et accélère les autorisations pour les infrastructures d’énergies renouvelables, comme l’installation de pompes à chaleur et de panneaux solaires. Objectif : de doper la production d’électricité « verte ». Le contenu de ces deux textes, destinés à s’appliquer dès le feu vert des Etats membres n’a pas été approuvé formellement en raison du désaccord sur le plafonnement du prix du gaz.

Agnès Pannier-Runacher s’est félicitée de l’accord trouvé sur l’accélération des énergies renouvelables, les achats groupés ou encore sur l’idée de « coupe-circuits » pour endiguer la volatilité des prix des hydrocarbures sur les marchés.

« On a stabilisé les positions sur deux textes sur lesquels il n’y aura plus de négociations. Le troisième est inacceptable pour tout le monde en l’état, et il y a eu une majorité d’États pour demander qu’on décide sur l’ensemble, c’est une question d’équilibre », a expliqué la ministre belge Tinne van der Straeten.

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