Après la suspension par les États-Unis d’une exemption lui permettant de payer ses dettes en dollars, la Russie utilisera des roubles. Moscou assure disposer de l’argent nécessaire et vouloir rembourser ses créances. Elle accuse les pays occidentaux de créer « artificiellement » les conditions d’un défaut de paiement.
Face aux pressions des occidentaux, la Russie veut tenir bon malgré le spectre d’un défaut de paiement qui n’a jamais été aussi présent. Depuis ce mercredi 25 mai à 00h01, Moscou ne peut plus rembourser sa dette en dollar. L’exemption qui le permettait jusqu’alors a été levée par les États-Unis, deux jours avant la prochaine échéance de paiement pour la Russie. Celle-ci porte sur un peu plus de 100 millions de dollars d’intérêts sur deux obligations. Selon le Wall Street Journal citant l’agence de presse russe officielle Tass, les autorités se seraient toutefois déjà acquittées du paiement de ces intérêts.
« Étant donné que le refus de prolonger cette licence rend impossible de continuer à honorer la dette extérieure en dollars, les remboursements se feront en devise russe avec la possibilité de les convertir ensuite en devise originale via le National Settlement Depository (NSD) qui servira d’agent-payeur », a indiqué ce jour le ministère dans un communiqué.
Pour rappel, le NSD est un organisme russe centralisé chargé du dépôt des titres financiers échangés dans le pays.
« Le ministère russe des Finances, en tant qu’emprunteur responsable, assure de sa volonté de continuer à honorer et rembourser toutes ses obligations financières », souligne le communiqué.
Cité dans le document, le ministre des Finances Anton Silouanov a déclaré que « la situation actuelle n’a rien de commun avec la situation de 1998, quand la Russie n’avait pas assez de fonds pour rembourser ses dettes ».
« Aujourd’hui nous avons l’argent, et la volonté de payer est là aussi. Cette situation créée artificiellement par un pays inamical n’aura pas d’effet sur la vie des Russes », assure-t-il.
L’ombre d’un défaut de paiement jamais aussi forte
L’exemption accordée à Moscou de payer ses dettes en dollars avait été instaurée depuis le début des sanctions occidentales contre la Russie, en représailles à la guerre en Ukraine. Elle lui avait jusqu’alors permis d’échapper au défaut de paiement.
Washington l’avait décidé pour « permettre une transition ordonnée et aux investisseurs de vendre leurs titres », avait expliqué la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen la semaine dernière. La ministre de Joe Biden avait alors indiqué que cette exemption prendrait « probablement » fin.
Comme tous les États, la Russie emprunte de l’argent sous forme d’obligations, souvent en dollars, et doit payer régulièrement des intérêts et rembourser le capital. Si elle n’était pas en mesure de le faire, elle se retrouverait en défaut de paiement sur sa dette étrangère qui s’élève à environ 4.500 à 4.700 milliards de roubles (une cinquantaine de milliards d’euros au taux actuel), soit 20% de la dette publique totale.
Et, bien que dans les faits, le pays ne puisse déjà plus lever de fonds à cause des sanctions occidentales, le défaut lui ferait définitivement perdre tout accès à une source de financement importante ou la contraindrait à payer des taux d’intérêts prohibitifs. De leurs côtés, les détenteurs de créances impayées risquent de perdre tout ou partie de leur argent.
Outre l’échéance du 27 mai, le gouvernement russe doit encore honorer 12 paiements d’ici la fin de l’année.
ZOOM : LE ROUBLE AU PLUS HAUT DEPUIS QUATRE ANS
La monnaie russe a atteint en début de semaine son niveau le plus haut depuis quatre ans par rapport au dollar. Mardi, le dollar s’échangeait contre environ 56 roubles, niveau observé depuis février 2018, et l’euro s’échangeait contre 57,6 roubles, un record depuis 2015.
Cela est dû aux sévères contrôles de capitaux mis en place par la Banque centrale russe. La devise russe a aussi profité de l’ouverture de comptes en roubles par une grande partie des entreprises étrangères clientes du géant gazier russe Gazprom afin de régler leurs achats de gaz. Et ce bien que l’Union européenne ait estimé, à plusieurs reprises, que ce mécanisme revenait à contourner les sanctions imposées à la Russie.
Lundi, le ministère des Finances a annoncé la réduction prochaine de la proportion des revenus des exportateurs russes qu’ils devaient transformer en roubles, de 80% à 50%, signe d’un allégement des mesures de contrôle des changes mises en place par les autorités pour empêcher un effondrement de leur devise nationale. Le renforcement du rouble prive en effet le budget d’une partie de ses revenus et pèse sur les exportations.
Vladimir Poutine a présenté le renforcement du rouble comme la preuve de la résistance de la Russie aux sanctions occidentales. Quant au gouvernement, il a déclaré ce mercredi 25 mai accorder « une attention particulière » à ce processus de renforcement, affirmant que ce thème était abordé dans « toutes les réunions dédiées aux questions économiques ».
(Avec AFP)