Exiger un paiement en roubles du gaz russe n’est « pas acceptable » et montre que Vladimir Poutine est « dos au mur », a déclaré le ministre allemand de l’Économie Robert Habeck, après une réunion virtuelle des membres du G7. Des propos qui viennent appuyer les différentes prises de position des pays occidentaux depuis la semaine dernière, suite à l’annonce du président russe de ne plus facturer les exportations de gaz russe vers l’Union européenne en euros ou en dollars. Le Kremlin a néanmoins indiqué qu’il prendrait « des décisions en temps voulu » si ses clients européens refusaient d’utiliser le rouble.
Vladimir Poutine a beau vouloir des paiements en roubles pour ses exportations de gaz vers l’Union européenne, et non plus en euros ou dollars, le groupe des plus grands pays industrialisés (G7) – États-Unis, France, Grande-Bretagne, Canada, Japon, Allemagne et Italie – ne compte pas satisfaire à sa requête.
« Tous les ministres du G7 sont tombés d’accord sur le fait qu’il s’agissait d’une violation unilatérale et claire des contrats existants (…) ce qui signifie qu’un paiement en roubles n’est pas acceptable », a dit le ministre allemand de l’Économie Robert Habeck, à l’issue d’une réunion virtuelle avec ses homologues du G7. Et d’ajouter : « Je pense qu’il faut interpréter cette demande comme le fait que Poutine est dos au mur ».
Qualifiant la Russie de « fournisseur pas fiable », le ministre allemand, au nom des membres du G7 que le pays préside cette année, a demandé « aux entreprises concernées de ne pas répondre à la demande de Poutine ». À travers cette exigence, « la tentative de Poutine de nous diviser est évidente », a-t-il ajouté.
Vendredi 25 mars, Emmanuel Macron avait pour sa part jugé que l’exigence de Vladimir Poutine n’était ni « possible », ni « contractuelle ». Cette demande « n’est pas conforme à ce qui a été signé, je ne vois pas pourquoi nous l’appliquerions », avait déclaré le président français, interrogé à l’issue du sommet européen à Bruxelles.
« Tous les textes signés sont clairs : c’est interdit. Donc les acteurs européens qui achètent du gaz et qui sont sur le sol européen doivent le faire en euros. Ce n’est donc pas possible aujourd’hui de faire ce qui est demandé, et ce n’est pas contractuel », avait insisté Emmanuel Macron.
Il a estimé que Moscou cherchait, avec cette exigence, « un mécanisme de contournement » des sanctions économiques et financières décidées par les Européens à la suite de l’invasion de l’Ukraine.
La Russie menace l’UE
Peu avant la déclaration du ministre allemand ce lundi 28 mars, la Russie avait annoncé qu’elle prendrait des décisions en temps voulu si ses clients européens refusent d’utiliser la monnaie nationale. Cette décision du Kremlin pourrait remettre en cause à court terme les livraisons de gaz russe à l’Union européenne.
« Nous n’allons pas fournir de gaz gratuitement, c’est très clair », a déclaré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, pendant une conférence téléphonique. « Dans notre situation, il n’est ni possible, ni approprié de faire de la charité (avec les clients européens) », a-t-il ajouté.
Pour rappel, Vladimir Poutine a annoncé mercredi 23 mars que la Russie n’acceptera plus de paiements en dollars ou en euros pour les livraisons de gaz aux « pays inamicaux ». L’objectif du Kremlin avec cette mesure est de soutenir la monnaie nationale sur les marchés alors qu’une partie des réserves de la banque centrale est bloquée par les sanctions décrétées par les pays occidentaux en raison de l’invasion de l’Ukraine.
Deux jours plus tard, le président russe est même allé encore plus loin en ordonnant à Gazprom, premier groupe énergétique russe, d’accepter les règlements en roubles pour ses exportations de gaz naturel. Le Kremlin l’a même exhorté à trouver un mécanisme permettant ce type de règlements sous quatre jours.Une « vulnérabilité » pour l’Europe mais aussi pour la Russie
Très concernée par l’annonce de Vladimir Poutine du fait de sa dépendance au gaz russe, l’Allemagne avait dénoncé une « rupture de contrat » de la part du président russe. Berlin a d’ailleurs dévoilé la semaine dernière son calendrier pour se passer de ses importations russes et vise d’en être « largement indépendante d’ici mi-2024 ». Elle table par ailleurs sur une indépendance au charbon russe pour l’automne prochaine et sur une « quasi-indépendance » du pétrole russe pour la fin de l’année.
Outre l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie ont aussi rejeté la requête de Vladimir Poutine la semaine dernière. Tout comme la Pologne. Le groupe gazier polonais PGNiG a en effet annoncé qu’il continuerait à régler ses achats conformément au contrat en cours et refuserait les paiements en roubles réclamés par Moscou. « Le contrat, dont je ne peux révéler les détails, fixe le mode de paiement. Il n’est pas prévu qu’une partie puisse le modifier selon son bon vouloir. Nous remplirons ce contrat conformément à nos engagements », a indiqué son président, Pawel Majewski.
Au niveau de l’Union européenne, le gaz russe représente 40% des importations des Vingt-Sept. « Nous sommes un très gros acheteur pour le gaz russe et ce qui est vécu comme une vulnérabilité pour nous l’est aussi pour la Russie, qui ne peut pas du jour au lendemain, changer la structure de ses pipelines », a exposé Emmanuel Macron.
Malgré l’invasion de l’Ukraine, le gaz russe continue d’affluer vers l’UE. Les pays européens se sont néanmoins engagés à réduire rapidement leur dépendance. Les Vingt-Sept se sont même fixés comme objectif de se passer totalement des hydrocarbures russes d’ici à 2027, dont environ les deux tiers d’ici la fin de cette année.
(Avec AFPet Reuters)