Sénégal – G7 : cinq questions autour du partenariat pour une transition énergétique juste

Le président Macky Sall est attendu au Sommet du G7 qui va se tenir du 26 au 28 juin 2022 en Allemagne. Ce sera l’occasion d’aborder entre autres les discussions en cours entre le gouvernement sénégalais et les ambassadeurs des pays membres du G7 à Dakar, en vue d’établir un « partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) ». Le JETP s’inspire du cadre sud-africain annoncé lors de la COP26 à Glasgow et toujours en cours de négociation.

Contrairement à l’Afrique du Sud et plusieurs des pays ciblés par le G7 pour un éventuel JETP, tels que l’Indonésie ou l’Inde, le Sénégal n’est ni un gros producteur ou consommateur de charbon, ni un gros pollueur. En revanche, le Sénégal est surtout un futur pays gazier, dont la production jouera un rôle important, aussi bien au niveau domestique qu’à l’exportation. Si l’opportunité que présente le JETP d’un financement climatique pour le Sénégal doit être saluée, les motivations et le contenu potentiel d’un tel accord méritent d’être examinés, dans la mesure où ces discussions se déroulent dans le contexte géopolitique d’une refonte de la politique énergétique européenne, conséquence de la guerre russo-ukrainienne.

A ce stade, cinq questions méritent d’alimenter le débat public dans les prochaines semaines.

Comment le JETP assurera-t-il un meilleur accès à l’énergie pour les citoyens sénégalais ?

Les Sénégalais s’attendront surtout à ce qu’un éventuel JETP aide à satisfaire les besoins énergétiques du pays et à soutenir son développement économique. Le Sénégal compte énormément sur ses réserves de gaz pour atteindre son objectif d’accès universel à l’électricité d’ici 2025. Dans ce sens, le partenariat pourrait soutenir le financement des projets d’utilisation domestique du gaz qui ne l’auraient pas été autrement, quoiqu’il pourrait également (et surtout) soutenir le développement de projets d’énergies renouvelables.

Quel rôle pour l’exportation du gaz sénégalais vers l’Europe dans le cadre du JETP et quels projets gaziers seront ciblés à cette fin ?

C’est une question qui laisse la place à de nombreuses spéculations, y compris celle qui veut que ce JETP en gestation ait été établi uniquement pour servir d’alibi à l’exportation du GNL sénégalais vers l’UE. Bien que la première phase du projet GTA dont la production est attendue en 2023 ait déjà été promise à des acheteurs asiatiques, la deuxième phase, dont la décision finale d’investissement est attendue au cours de l’année prochaine, reste une option pour l’approvisionnement du marché européen. Toutefois, la faible implication jusqu’ici du gouvernement mauritanien dans les discussions en cours avec le Sénégal, alors que les deux pays partagent le gisement de gaz, laisse présager que le regard européen se porte sur un autre champ gazier, celui-ci exclusivement sénégalais ; Yakaar-Teranga.

Très proche d’une décision finale d’investissement, ce projet serait un excellent candidat pour l’approvisionnement du marché européen, sauf que sa première phase est prévue pour approvisionner le marché local. Le projet pétrolier Sangomar, qui entre en production en 2023, générera également du gaz dans sa post-phase 1 (qui n’a pas encore obtenu de DFI). Il s’agit de gaz associé pour lequel il conviendra d’investir pour le traiter avant toute commercialisation.

Si l’Europe compte sécuriser ses approvisionnements en gaz grâce au JETP, comment va-t-elle financer ces projets ?

Le financement des projets gaziers est une priorité déclarée du gouvernement sénégalais dans les discussions autour du JETP, mais c’est un objectif rendu difficile par l’aversion européenne pour les accords d’achat de gaz à long terme compte tenu des engagements climatiques. Il est donc important de porter une attention particulière sur la manière dont un financement des projets gaziers dans le cadre du JETP sera structuré afin d’éviter un transfert excessif de risques vers le Sénégal pour pouvoir attirer les investissements nécessaires.

Le JETP impliquera-t-il des accords pour la non-exploitation d’une partie du gaz sénégalais à l’image du JETP sud-africain qui intègre une sortie progressive du charbon ?

Un JETP devrait équilibrer les objectifs de décarbonation, d’accès à l’énergie et de maximiser les revenus sénégalais. Des éléments importants que le Sénégal doit considérer à cet égard concernent l’approche vis-à-vis d’une part des phases ultérieures des projets gaziers et des nouvelles explorations, et d’autre part du soutien aux énergies renouvelables et à l’accès à l’énergie, notamment sous la forme de financements et d’assistance technique pour l’extension du réseau, d’amélioration de la stabilité de la fourniture d’électricité, ou de l’intégration de technologies propres dans des secteurs polluants. En cas d’accords impliquant la non-exploitation du gaz, le JETP devrait promouvoir une compensation (directe ou indirecte) pour remplacer les sources de revenus que le Sénégal perdra dans le cadre de la transition énergétique.

Quel soutien est apporté aux alternatives à l’étude aux exportations de gaz ?

Il est probable que le JETP nécessitera une collaboration sur l’hydrogène vert, qui fait aussi partie des centres d’intérêt du Sénégal. Compte tenu des incertitudes autour de la faisabilité économique et technique des exportations d’hydrogène vert, le gouvernement sénégalais devrait veiller à ne pas trop compter sur cette perspective manifestement plutôt lointaine pour le moment.

Les réponses à ces questions intéressent les Sénégalais, mais pas seulement. Ce potentiel JETP présente des perspectives intéressantes en offrant un modèle de transition juste potentiellement transformateur dans les pays gaziers émergents. A l’inverse, un échec pourrait freiner l’élan de ces pays vers la transition énergétique.

(*) West and Central Africa (Francophone) Manager chez Natural Resource Governance Institute (NRGI).
(*)* Africa Economic Analyst chez NRGI.

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