Si près de 80% des membres de la diaspora nigériane de France expédient des fonds vers le pays d’origine et y investissent, ils privilégient majoritairement les canaux digitaux et l’échange de devises. Explications.
La diaspora nigériane dans l’Hexagone fait partie des ressortissants d’Afrique anglophone les plus présents en France et ne déroge pas à la « tradition » de transferts d’argent propre aux diasporas africaines dans le monde. En effet, 76% des Nigérians résidant sur le territoire français expédient des fonds vers le Nigeria, selon une enquête du cabinet Innogence Consulting basé sur un échantillon représentatif constitué d’étudiants, des salariés, des chefs d’entreprises, des retraités et de personnes sans emplois.
Et quand il faut envoyer de l’argent vers le pays d’origine, 47,5% de la diaspora nigériane de France se tourne vers les canaux digitaux dont 46,8% vers les applications dédiées développées par les acteurs traditionnels ou les fintechs. Seulement 1,7% des personnes interrogées ont recours aux applications bancaires. En outre, 40,9% des Nigérians en terre française font le choix des canaux informels pour expédier des fonds vers leur pays. Dans cette catégorie, les échanges de devises (34,2%) entre particuliers l’emportent sur les méthodes alternatives (6,7%).
Nigérians VS diasporas francophones de France
« De nombreuses études sont réalisées auprès de la diaspora malienne, sénégalaise, ivoirienne de France sur le transfert d’argent. Au-delà des montants globaux qui sont envoyés, une des questions que se posent les acteurs concerne le comportement des populations. Et même si, comme on le sait, tous les canaux informels sont particulièrement répandus au sein de nos communautés, on observe de belles distinctions entre les Nigérians de France et les autres populations francophones sur l’usage de ces canaux informels pour le transfert d’argent. Par exemple, la nature de l’informalité des transferts des Nigérians n’est pas exactement la même que le système des « foyers », utilisés par les populations francophones d’Afrique de l’Ouest (notamment les foyers maliens et sénégalais d’Ile-de-France) », explique à LTA Jean-Louis Traoré qui a contribué à la réalisation de l’enquête.
« Pour les Nigérians, du fait des fluctuations de leur monnaie, mais compte tenu également du fait que nombre d’entre eux détiennent des comptes bancaires dans leur pays d’origine (le Nigéria étant largement plus bancarisé que la Côte d’Ivoire par exemple), ces derniers vont principalement procéder à un échange de devises, poursuit-il. Même si nous n’avons pas ce genre de données qualitatives à l’échelle globale des Nigérians à travers le monde, le comparatif Nigérians de France vs autres diasporas d’Afrique francophone de France nous paraît intéressant à analyser ».
Les transferts les plus généreux restés stables malgré la crise
En terme de montants, six Nigérians sur dix ont expédié chacun au moins 3 000 euros vers leur pays en 2019 et 2020. L’analyse montre que la crise pandémique n’a pas particulièrement influencé les mouvements financiers de ce groupe de personnes, y compris ceux qui expédient plus de 20 000 euros par an. Ils étaient 4% en 2019 et 5% en 2020.
En fonction de la durée de leur séjour dans l’hexagone, 50% des Nigérians arrivés en France entre 2009 et 2014 ont déjà chacun transféré entre 20 000 et 50 000 euros vers leur pays d’origine.
Si les fonds envoyés sont généralement destinés à financer les besoins élémentaires de proches, cet argent sert également au financement des projets de la diaspora. Ainsi, plus de la moitié des Nigérians de France interrogés utilisent également ces canaux pour se constituer une épargne ou pour réaliser des investissements au Nigéria.
Avec un effectif de près de 30 000 personnes selon les données de l’Ambassade du Nigeria en France, la diaspora nigériane a tendance récemment à ne plus forcément se concentrer au Royaume-Uni, leur pays d’immigration par excellence en Europe. « Venir en France représente pour eux un moyen de justement se démarquer des vagues successives de leurs compatriotes émigrant vers le Royaume-Uni, avec l’objectif une fois de retour au pays, d’avoir une véritable valeur ajoutée (pour ceux qui comptent y retourner), ou simplement de se positionner sur un territoire où ils auront moins de concurrence des leurs », explique Jean-Louis Traoré, soulignant que cette diaspora y est plutôt « très active » et « assez bien structurée (au sein de cercles professionnels, religieux, etc…) ».
De manière générale, la diaspora nigériane mondiale affiche un fort dynamisme en matière de transferts d’argent. Ce qui fait du Nigéria le premier récepteur d’argent de la diaspora en Afrique subsaharienne avec 24,3 milliards de dollars au compteur en 2018, selon la Banque mondiale.
Par la rédaction avec la LT