L’Europe doit investir massivement et plus rapidement dans la transition énergétique si elle veut rester « une puissance industrielle mondiale, » alertent les dirigeants de la Banque centrale européenne, de l’Agence internationale de l’énergie et de la Banque européenne d’investissement.
L’Europe ne s’est pas encore suffisamment saisi des enjeux liés à la transition énergétique. C’est le constat établi par les trois responsables la Banque centrale européenne (BCE), de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et de la Banque européenne d’investissement (BEI). Ils en appellent ainsi aux gouvernements, à l’industrie et au monde de la finance, à l’occasion d’une réunion rassemblant des dizaines de décideurs dans les locaux de l’AIE, à Paris.
Accélérer la transition vers des énergies décarbonées sera essentiel pour la compétitivité des industries européennes et la stabilité financière du continent, plaident-ils. Or, l’investissement reste freiné par les incertitudes des politiques, la lenteur des procédures d’autorisation (dans les énergies renouvelables notablement), dénoncé par Patrick Pouyanné, le président de TotalEnergies, tandis que les industries subissent des coûts de l’énergie plus élevés qu’ailleurs.
L’Asie et les Etats-Unis prennent le leadership
Dans le même temps, Etats-Unis, Chine, Inde, Japon, Corée du Sud… déploient de vastes programmes pour renforcer leurs capacités industrielles, notent les trois institutions. L’AIE souligne néanmoins que « presque tous les pays doivent avancer leurs dates de cibles de neutralité carbone ». Les « économies avancées » devront en particulier être en première ligne pour « accélérer encore et plus rapidement la transition énergétique », a indiqué à la presse Laura Cozzi, directrice de la prospective à l’AIE.
Depuis l’an dernier, l’Europe a réussi à se détourner de son principal fournisseur d’énergie, la Russie, « plus rapidement que beaucoup l’imaginaient », note le directeur de l’AIE, Fatih Birol.
« Mais maintenant elle doit apprendre à se développer dans cette réalité nouvelle. Elle a besoin d’un nouveau plan directeur industriel pour tenir le rythme face aux autres économies. Or, nous ne voyons toujours pas comment elle va mettre ses ambitions en action. Les dirigeants doivent engager des actions fortes, et vite, pour permettre à la région de rester une puissance industrielle mondiale. »
« La transition énergétique est une opportunité »
Pour la présidente de la BCE, Christine Lagarde, « plus doit être fait pour pousser le marché vers la finance verte, ce qui réduirait les primes de risque et contribuerait à réduire les coûts de financement ».
« La transition énergétique est une opportunité pour le monde, mais c’est aussi un défi, car nos industries doivent rapidement embrasser ce changement, sinon elles risquent de se retrouver à la traîne », souligne le président de la BEI, Werner Hoyer, pour qui « seul un investissement massif et rapide dans les technologies neutres en carbone permettra à l’Europe de garder son attractivité économique ».
La réunion, ce vendredi, va se pencher sur les outils financiers et de politique publique pouvant permettre de dégager les financements, très élevés, nécessaires.
Par ailleurs, l’AIE a mis en garde cette semaine contre un retard dans les ambitions climatiques qui pousserait le monde à recourir massivement aux technologies de captage de CO2 alors qu’elles sont « chères » et encore non éprouvées à grande échelle. « Le fait de ne pas relever les ambitions jusqu’en 2030 créerait des risques climatiques supplémentaires », estime l’AIE en soulignant qu’un tel scénario « d’action retardée » rendrait le monde dépendant « du déploiement massif de technologies de captage du carbone qui sont coûteuses et n’ont pas encore fait leurs preuves à grande échelle », selon l’actualisation de sa feuille de route pour la neutralité carbone en 2050, publiée mardi.
(Avec AFP)