Un forum d’affaires pour renforcer les échanges entre la France et l’Afrique centrale

L’Afrique centrale a retrouvé la voie de la croissance suite à la hausse des cours des matières premières et à l’allègement de la dette. Dans ce contexte de reprise, le Gabon vient d’intégrer le Commonwealth et la République démocratique du Congo, l’East African Community, poussant les entrepreneurs français à réaffirmer leur intérêt pour les partenaires stratégiques d’Afrique centrale.

« En 2021, la reprise économique a été amorcée en Afrique centrale. Elle a été particulièrement forte en République démocratique du Congo et robuste au Cameroun. La croissance reste néanmoins dépendante des matières premières. Elle ne repose pas assez sur les forces vives du pays, exception faite pour le Cameroun où la diversification économique commence à se ressentir », déclarait Michel Drobniak, chef du service économique Afrique centrale (France), le 28 juin dernier, à Paris.

Depuis plusieurs semaines, l’environnement des affaires en Afrique centrale est au cœur des échanges franco-africains. Après une présence remarquée au forum du CIAN, la région faisait l’objet d’un forum d’affaires, organisé par Business France la semaine dernière, dans un amphithéâtre comble, au siège de l’organisation. En 2021, les pays d’Afrique centrale enregistraient des taux de croissance compris entre 2 % et 4 %, après une année de récession provoquée par la pandémie de Covid-19. Le Cameroun affichait une croissance de 3,6 % selon le Fonds monétaire international (FMI) qui prévoit +4,6 % de croissance pour 2022.

Avec un flux d’échanges de 780 millions d’euros en 2021, le Cameroun reste le 1er partenaire commercial de l’Hexagone en Afrique centrale. D’après les douanes françaises, les exportations françaises dans la zone CEMAC ont globalement baissé de 1,1 % l’an dernier (au Tchad, les importations françaises ont chuté de -21 %, pour s’établir à 70 millions d’euros, mais celles vers le Cameroun ont augmenté de +3,2 %, pour représenter 41 % des ventes françaises dans la région. « Aujourd’hui, près de 50 % du PIB régional est supporté par notre pays », a rappelé Issac Tamba, directeur général de l’Economie et de la programmation des investissements publics (DGPIP) au ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT) du Cameroun. « Nous avons un environnement des affaires incitatif et nous attendons une croissance supérieure à 4 % en 2022 », a-t-il ajouté.

« Nous sommes la locomotive régionale (…) Je suis ici pour susciter les investissements français ! Les Français doivent venir, ils ont l’avantage comparatif de connaître notre histoire », a déclaré Charles Assamba Ongodo, directeur général de la Coopération et de l’intégration régionale au MINEPAT, invitant lui aussi les entrepreneurs français au Cameroun.

Cap sur la République démocratique du Congo !

Alors que l’Hexagone entretient des relations ténues avec la plupart des pays d’Afrique francophone, la République démocratique du Congo (RDC), ancienne colonie belge, reste encore « une belle inconnue » pour les entrepreneurs français selon Arnaud Fleury, à la modération de cette journée d’échanges franco-africaine. « La belle inconnue ? », s’étonne Anthony Nkinzo Kamole, directeur général de l’ANAPI en RDC. « Les Chinois ne vous diront pas que la RDC est  » une belle inconnue  » au regard de leurs investissements. Tout dépend d’où l’on regarde », répond-il tout de go.

Pour rappel, les échanges commerciaux entre la Chine et la RDC ont atteint 14 milliards de dollars en 2021 et au premier trimestre 2022, les échanges bilatéraux avoisinaient déjà 5,6 milliards de dollars (+98 % par rapport à 2021), selon les données communiquées par Zhu Jing, ambassadeur de Chine en RDC, lors d’un point presse du 22 avril 2022.  Comparativement, « les investissements français sont assez faibles », souligne Anthony Nkinzo Kamole. Le nombre d’entreprises françaises présentes au Congo reste limité, bien qu’on y retrouve des poids lourds comme Orange, Castel, Perenco, TotalEnergies, Bolloré Africa Logistics (BAL), le groupe Accor, GVA (filiale de Vivendi), Bureau Veritas, Air France, Sagemcom, Servair, Bouygues, CFAO, Safran, Thales, Décathlon ou Schneider Electric.

Les échanges bilatéraux entre Paris et Kinshasa enregistrent néanmoins une hausse sensible, selon le Trésor français. En 2020, les exportations vers la RDC étaient en progression de +7,4 % (soit 142,3 millions d’euros). Le solde commercial bilatéral s’établissait à 84,4 millions d’euros (+41,2 %) dans un cadre de libéralisation des échanges commerciaux ouvrant à la RDC l’accès au marché de l’UE  (TSA). Les exportations françaises sont portées par les produits industriels (53,6 millions d’euros, soit 38 % des exportations totales) dont 55 % de produits pharmaceutiques, mais aussi par l’agroalimentaire (37,5 millions d’euros, soit 26% des exportations) et enfin, par les biens d’équipement mécaniques, le matériel électrique, électronique et informatique (32,8 millions d’euros, soit 23 % des exportations). Les produits métallurgiques et métalliques avec 43,3 millions d’euros, représentent 75 % des importations, devant les produits de sylviculture (10,4 millions d’euros, soit 18 % des importations).

« Il est de coutume de dire que l’avenir du monde se joue en Afrique. La principale réserve mondiale de cobalt se trouve en RDC », a rappelé Anthony Nkinzo Kamole. Le pays abrite plus de 50 % des réserves mondiales de ce composant indispensable à la fabrication des batteries au lithium des téléphones portables, dans la province du Haut-Katanga. Insistant sur la « confiance retrouvée » des bailleurs et sur la « diversification » engagée, il interpelle l’assistance parisienne : « Je m’adresse aux observateurs étrangers pour leur dire qu’il est temps d’appréhender la RDC sous un nouveau jour (…) Quand la RDC entre dans la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC, pour East African Community, ndlr), c’est 100 millions d’habitants et une ouverture sur le business anglophone ! », rappelle-t-il pour souligner l’attractivité du poumon vert de l’Afrique.
Après une intégration dans la COMESA (marché commun de l’Afrique orientale et australe), la CDAA (Communauté de développement d’Afrique australe) et la CEPG (Communauté économique des pays des Grands Lacs), la RDC devenait en mars 2022, le 7e membre de l’EAC.

Le 25 juin 2022, le Togo et le Gabon, pourtant dépourvus de tout lien historique avec la couronne britannique, entraient dans le Commonwealth, se rapprochant eux aussi, de la sphère anglophone. Aujourd’hui, le français est la 3e langue du business dans le monde, selon l’Institut européen d’administration des affaires, mais qu’adviendrait-il de cet avantage comparatif si d’autres contrées francophones d’Afrique comme la RDC (qui compte près de 90 millions d’habitants) s’orientaient peu à peu vers les marchés des Anglo-saxons ?

« La France n’est qu’une partie de la francophonie agissante, consciente de ne pas porter seule le destin du français », déclarait le président Macron le 20 mars 2019, rappelant l’urgence de relancer une francophonie économique en sommeil. D’ici 2050, le nombre de francophones devrait tripler pour atteindre 750 millions de locuteurs, selon l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), soit 8 % de la population mondiale (contre 3 % aujourd’hui), dont une majorité en Afrique.

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