Le patron de Xbox parle du prix du projet Scorpio« Les banques publiques ont des solutions à apporter au G20 en Afrique »Le patron de Xbox parle du prix du projet Scorpio

Dans un contexte de rebattage de cartes géostratégiques, de crises et de défis économiques, les banques publiques font entendre leur voix. Le secrétaire général de Finance in Common, plateforme dédiée aux 530 banques publiques du monde et dont le sommet se tient en février en Afrique du Sud, revient sur l’opportunité que représente les banques publiques dans le contexte international actuel et met en lumière leur tendance à l’innovation sur le continent africain.

On a assisté, il y a cinq ans, à ce qu’on pourrait qualifier de sortie de l’ombre des banques publiques de développement au travers de Finance in Common. Face aux multiples mutations mondiales, que peuvent apporter ces institutions qui ont pour fonction première d’aider l’Etat à « maîtriser  l’économie » ?

ADAMA MARIKO – Les banques publiques de développement ont un rôle crucial à jouer dans ce que connaît le monde aujourd’hui et cela est de plus en plus reconnu. Finance in Common a été mandatée par les Nations Unies pour coordonner les discussions autour des finances publiques à savoir comment intégrer tout le système financier publique dans sa globalité, afin de déterminer la réforme idéale qui permettrait de soutenir la finance de développement. Et le développement tel que nous l’entendons n’est pas uniquement lié à la notion Nord-Sud. Il s’agit aussi de comment les acteurs de la finance publique dans leur pays (notamment en France, au Canada, aux États-Unis, etc.) contribuent à réduire les fragmentations, à résoudre les inégalités, les vulnérabilités, etc. Car, ce n’est pas parce qu’on est dans un pays du Nord qu’on ne subit pas les conséquences du changement climatique, lequel représente une forme de vulnérabilité.

Dans ce cadre, nous ne participons pas aux négociations, mais nous briefons les négociateurs. Les Nations Unies ont publié leur Element Paper, qui est la synthèse des 300 contributions obtenues dans le monde. En synthétisant cela, ils sortent incessamment le premier draft de ce qui serait potentiellement le premier package de négociations. C’est déjà une grande satisfaction pour nous, parce que dans ce draft, ils reconnaissent le rôle des banques publiques de développement au-delà des banques multilatérales, notamment le rôle des banques nationales de développement, qui sont très insuffisamment intégrées dans le système financier international. Cela est finalement un oubli malheureux, puisque 90% des banques publiques de développement dans le monde aujourd’hui sont des banques nationales qui n’ont aucune activité internationale.

Qu’en est-il du cas africain ?

20% de banques publiques de développement dans le monde sont sur le sol africain, mais ne pèsent cependant que 1% du total bilan global. Elles connaissent aussi la sous-utilisation de cette capacité financière en complément de la capacité des budgets des États, pour avoir une bonne préparation des projets dans les pays, accompagner le développement du secteur privé local et éventuellement accéder aux marchés des capitaux, afin de pouvoir « leverager » du capital privé, à l’instar de ce que font les banques publiques du Nord. L’AFD, à titre d’exemple, ne bénéficie quasiment pas d’argent public français, mais fait pourtant de l’aide publique au développement avec de l’argent du secteur privé, grâce à un modèle de banque publique de développement que l’Afrique peut aussi renforcer au-delà de la Banque africaine de développement, de la BOAD [Banque Ouest-africaine de développement, ndlr], etc, pour qu’il y ait davantage de banques nationales qui font ce travail. C’est le message que nous portons.

L’Afrique du Sud accueille le G20 cette année. Finance in Common en profite pour être sur le terrain de jeu puisque votre sommet en février prochain a lieu à Cape Town. De quels enjeux cette mise en avant de l’Afrique au G20 est-elle porteuse pour la mission des banques publiques de développement ?

Je pense que c’est un signal fort. Cependant, je reformulerai un peu. Ce n’est pas que Finance in Common en profite ou pas. Aujourd’hui, l’urgence est très claire. Les banques multilatérales ont les mêmes actionnaires que les 530 banques publiques nationales qui existent. L’alignement des mandats est donc vital, de même que la clarté sur comment ce système public – qui représente 10 à 12 % de la capacité d’investissement annuel dans le monde (entre le budget des États et ce que fait le secteur privé) – aide à connecter le budget des États à nous.

Les banques publiques du G20 représentent 80% du total bilan des banques publiques dans le monde. Cela donne donc une idée sur le rôle qu’elles ont joué dans le financement du développement dans ces pays. Et le FiCS rassemble aussi bien des banques américaines, que chinoises, européennes et africaines, grandes et petites, qui collaborent ensemble. C’est le seul endroit où il n’y a pas de compétition stratégique entre ces banques, mais plutôt de la collaboration pour plus de soutenabilité. Cette solution est à apporter aux Nations Unies et au G20, non pas pour dire qu’il faut plus de ressources, parce que nous en avons, mais pour dire que si notre mandat est renforcé, nous pourrons fournir plus de ressources au gap de financement des objectifs de développement durable. Je ne dis pas que cela règlerait la question de la fragmentation financière, mais le renforcement du mandat des banques publiques produirait un levier très fort pour permettre le financement du secteur privé.

Au-delà des grosses institutions, que peuvent apporter les banques dont l’activité est beaucoup plus nationale ?

Les banques nationales sont capables – grâce à la collaboration et le partage d’expérience – à préparer des projets dans les pays en quantité et en qualité suffisantes, tout en s’assurant d’un alignement vertueux entre les bénéfices du pays, les priorités nationales du pays et la capacité de cofinancement que les banques multilatérales ou internationales peuvent avoir avec ces banques nationales. On l’a vu en Europe. Aujourd’hui, la Banque mondiale et la BEI [Banque européenne d’investissement, ndlr] cofinancent des projets avec les banques, avec la Caisse des dépôts française, la Caisse des dépôts allemande, etc.

Nous apportons également au G20 notre capacité des banques publiques à mobiliser le secteur privé et développer des marchés financiers solides, sachant que les banques publiques sont souvent des market makers sur les marchés. Nous apportons en outre notre capacité d’innovation financière démontrée à travers les Debt For Nature Swap, les clauses de remboursement différées quand il y a des cas sinistres et des problèmes climatiques, etc.

Le manque de projets bancables revient souvent en remarque dans les discussions financières. Les infrastructures – qui relèvent davantage de la responsabilité de l’Etat – restent l’un des grands talons d’Achille du développement en Afrique. Et elles seront au centre des discussions lors du prochain FiCS. Alors que les banques publiques s’encouragent à davantage mettre la main à poche, est-ce que la volonté politique suit ?

C’est une excellente question. Je pense que le sujet de l’infrastructure touche plusieurs aspects liés notamment aux questions de projets et de politique publique. En réalité, tous les pays du monde considèrent les bonnes infrastructures comme une priorité, pour des raisons de développement économique et urbain, mais aussi pour des raisons de développement social. Dans les pays en développement et particulièrement en Afrique, cela est une nécessité. Cependant, le coût du capital, la perception du risque constituent une somme de problèmes auxquels ces pays sont confrontés. D’autres nations qui étaient pauvres il y a 30 ans, sont finalement très attractives aujourd’hui en matière de financement des infrastructures, parce qu’elles ont réussi à résoudre ces problématiques. C’est le cas du Brésil où les infrastructures d’énergie sont de taille extraordinaire grâce au financement de l’institution publique nationale tout d’abord, mais aussi grâce au secteur privé, parce que les infrastructures sont souvent des marchés privatisés.

De même en Afrique, les banques publiques peuvent jouer un rôle dans le développement des infrastructures électriques, qui demeurent un besoin énorme. D’autant qu’en raison du contexte actuel de changements climatiques, toutes les régions du monde -y compris les plus développées- ont besoin de financer leur adaptation. Face à cette opération qui reste coûteuse, l’Europe et l’Amérique doivent elles-mêmes mettre la main à la poche pour leur propre adaptation. Du coup l’Afrique peut s’appuyer sur ses banques publiques, afin d’initier un développement des infrastructures qui tienne compte des technologies actuelles et qui intègre des solutions durables. A mon avis, les gouvernements le comprennent. En tout cas, ils sont de plus en plus nombreux à l’avoir compris. Et cela devient un véritable business de la durabilité pour les entreprises qui innovent.

En effet, la structuration d’un projet à plusieurs milliards de dollars peut prendre plusieurs années, mais cela ne peut se faire depuis Paris, Londres, Washington ou Bruxelles, etc. Il faut que les projets soient générés dans les pays. Si l’AFD est capable de le faire depuis Paris, la caisse de dépôts du Sénégal peut le faire depuis Dakar, parce que ce sont les mêmes compétences, les mêmes technologies, les mêmes problématiques… Les banquiers de développement se comprennent entre eux. Mon dialogue avec la Banque publique d’Éthiopie à titre d’exemple n’a rien de différent de mon dialogue avec la Banque mondiale. Donc je pense que c’est une question de mandat.

Le coût du capital – de plus dans des projets à long terme – reste un enjeu. Comment s’y prendre en Afrique pour rester attractif aux yeux des investisseurs ?

Concernant le coût du capital, il y a, à mon sens, une question de fragmentation et de l’allocation de la ressource. Aujourd’hui, il existe des investisseurs qui, depuis Wall Street à New York, font du 15% par an sans sortir de Wall Street. Comment allez-vous les convaincre de miser leur argent dans un endroit présenté comme risqué et où ils auraient potentiellement besoin de 50% de rentabilité pour y arriver ? J’ai par exemple rencontré des asset managers en Afrique qui – alors qu’ils gèrent des portefeuilles chiffrés en milliards de dollars – n’investissent que sur du court terme. Il faut donc convaincre l’investisseur extérieur à l’Afrique d’investir sur 20 ans, alors même que l’asset manager du coin n’investit pas à plus de 5 ans. Il faut être honnête, jamais il ne le fera. C’est la raison pour laquelle je suis ravi de voir ce qui se fait dans un pays comme la Côte d’Ivoire où la CNPS ose financer sur le long terme des projets d’envergure.

Quand je dis banque publique, ce n’est pas que le statut bancaire. Je compte justement des acteurs publics qui sont des émanations de l’État et qui ont un rôle d’investissement public, que ce soit en capitaux ou en dettes. Pour moi, la DER/FJ [Délégation générale à l’entrepreneuriat Rapide des Femmes et des Jeunes, ndlr] au Sénégal -à titre d’exemple- est une banque publique même si elle n’a pas de statut bancaire. Elle finance l’entrepreneuriat.

L’internationalisation des activités des banques publiques est une belle opportunité, dites-vous. Mais l’Afrique compte 54 pays. Les banques publiques du continent adhèrent-elles à cette thèse ? En ont-elles les moyens ?

Finances in Common a pu exister parce que les associations régionales de banques publiques l’ont voulue. Celle d’Afrique a fêté ses 50 ans en 2023 et réunit une soixantaine de banques qui travaillent ensemble. Elles sont gouvernées soit par l’État, soit par le ministère des Finances, soit par le ministère de tutelle technique qui peut être une banque agricole ou autre. Le fait que certains États veulent parfois limiter la priorité de la banque au territoire national, prive ces banques de l’opportunité d’aller financer des projets à l’étranger ou de participer à des débats internationaux. En cela, Finance in Common a vraiment été une bonne nouvelle pour de nombreuses banques qui cherchaient un endroit où elles pouvaient porter leur voix à l’international.

Je suis par ailleurs ravi de voir qu’il y a également de belles initiatives qui sont parties d’Afrique. Certaines banques publiques ont été extrêmement innovantes. En 2022-2023, il y a eu un gros tapage médiatique autour des Debt For Nature Swap parce que c’était la belle innovation financière et plusieurs banques publiques à travers le monde y avaient recours, mais aussi parce que de grosses institutions comme la Banque mondiale, la BERD et même des philanthropes s’y étaient impliqués. Cependant, la Banque publique des Seychelles a été la première à réaliser une opération de Debt For Nature Swap en 2015. Et personne n’en a parlé Mais ce sont quand même de belles initiatives qui sont contextualisées par rapport à la situation géographique des Seychelles, qui est un archipel qui peut disparaître à tout moment. D’autres innovations au Rwanda, au Ghana … sont toutes aussi excellentes. Nous avons aussi le cas de BOAD (banque ouest-africaine de développement, NDLR) qui, avec sa stratégie de gestion de portefeuille (inspirée des banques commerciales), fait ce que beaucoup de banques publiques dans le monde ne savent pas faire.

 

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