« Je reviens de la plus grande foire industrielle du monde, ce que j’y ai vu est très inquiétant pour l’avenir de l’Europe »

« La foire industrielle d’Hanovre, c’est la plus grande foire industrielle au monde. C’est vraiment le carrefour de toutes les technologies, de tous les pays… On est sur un site où vous avez à peu près 30 halls, et le plus petit d’entre eux est équivalent au plus grand hall de la Porte de Versailles à Paris (où se tiennent, notamment les salons de l’Agriculture et de l’Auto). On s’y déplace en bus tellement c’est grand.

C’est donc le rendez-vous incontournable et en ce qui concerne notre spécialité, les compresseurs, tous les deux ans, vous avez un hall généralement immense où vous avez toute la planète des fabricants de compresseurs qui est là.

Moi ça m’intéresse d’y être à deux titres. D’abord, évidemment, pour garder un œil sur mes concurrents, puisque nous on se bat sur l’échiquier international. Si certaines personnes pensent que parce qu’on est le dernier fabricant français on a une autoroute et que tout nous tombe tout cuit, pas du tout, nous on se bat comme des chiffonniers sur la scène internationale.

Donc c’est à la fois le rendez-vous pour voir ce que font les autres et aussi pour prendre le pouls de l’industrie. Moi ça fait bientôt 30 ans que je vais à la Foire d’Hanovre, je n’avais jamais vu ce que j’y ai vu cette année. Et je pense que c’est très inquiétant.

Je ne veux pas inquiéter mais je vais vous donner une restitution la plus objective qui soit. Et je l’ai senti tout de suite, c’est-à-dire que je l’ai senti quand j’ai pris le bus pour aller à Roissy. D’habitude c’est la bagarre, là déjà il y avait des places assises, l’avion pour Hanovre n’était pas plein. Une fois arrivé là-bas, vous avez déjà à peu près 20 à 30% des halls fermés, complètement fermés.

30% des espaces étaient fermés

Ensuite vous aviez notre hall à nous, les compressoristes, qui était devenu riquiqui. Et sur ce hall riquiqui, il y avait 30% des espaces qui n’étaient pas vendus, donc fermés. Donc c’est une baisse drastique de la fréquentation internationale. La foire d’Hanovre, pendant une semaine, c’est normalement le métro parisien à 17h. Là, c’était no problem. Déjà ça je trouve ça très inquiétant.

Et la deuxième chose, ça c’est assez étonnant, mais pas surprenant. Je rappelle que les Allemands ont massivement délocalisé. Nous le savons, nous sommes des professionnels. Simplement, vous observerez que sur beaucoup de produits allemands, il n’y a plus marqué « made in Germany ». Alors quand vous leur dites: « mais attendez, c’est fabriqué où? », on vous sort l’argument d’une grosse société américaine représentée par une pomme.

C’est-à-dire qu’on vous dit que « c’est pensé en Allemagne et fabriqué ailleurs ». Donc les Allemands, à mon sens, ont fait un péché cardinal. Ils ont massivement délocalisé, notamment en Chine, sans le dire… Ils vendent avec des prix allemands et ils fabriquent avec des prix chinois.

Une posture de faiblesse

Alors qu’est-ce qui se passe? Vous arrivez dans le hall et alors là c’est complètement dingue. Le petit fournisseur chinois fournissait d’abord une vis. Et comme c’était pas cher, on lui a demandé le boulon. Et puis comme c’était pas cher, on lui a donné la taule qu’il y avait autour.

Là maintenant vous avez une vision assez cocasse: vous avez le fournisseur chinois qui fabrique la machine entière dans le hall et à 10 mètres vous avez le produit d’origine de la société allemande. La différence c’est que le stand allemand il a rétréci des deux tiers et le stand chinois il a lui augmenté des deux tiers. Donc ça c’est inquiétant.

Moi je ne peux pas me réjouir de ça parce que ça fait 25 ans qu’on dénonce le pillage technologique, le non-respect des lois en Chine, des produits chinois importés en Europe, estampillés CE, alors que c’est de l’autocertification avec des gens qui ferment les yeux, etc.

Donc, il y a un vrai danger. Et que l’industrie allemande, à mon sens, soit dans cette posture de faiblesse, ce n’est pas une bonne nouvelle pour nous. Donc il est temps de se réveiller, il est temps de bouger. »

Article de Laurent Vronski, directeur général d’Ervor
 

Read Previous

Coopération : la Banque mondiale veut renforcer les capacités agricoles en Côte d’ivoire

Read Next

États-Unis : Donald Trump affirme avoir « résolu le problème » de l’inflation américaine

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Most Popular