Commerce extérieur : la France échappe à la tempête américaine
En ligne de mire, le secteur des services américains, et notamment la tech, colonne vertébrale de l’économie outre-Atlantique. Le président Donald Trump a surpris son monde le week-end dernier en imposant unilatéralement des droits de douane de 30 % sur toutes les importations européennes à compter du 1er août. L’Union européenne tente encore de préserver une voie de dialogue, mais le temps presse.
Bruxelles hésite mais pour Paris il faut agir
L’« instrument anti-coercition », ou ACI, a été conçu précisément pour ce type de bras de fer. Instauré en 2024, ce règlement européen autorise Bruxelles à appliquer des mesures de rétorsion ciblées contre des puissances extérieures recourant à des pressions économiques pour peser sur ses choix politiques. Concrètement, cela peut aller jusqu’à l’exclusion d’entreprises étrangères des marchés publics européens, la suspension d’autorisations ou le blocage d’investissements stratégiques.
« Dans cette négociation, vous devez faire preuve de force, de force, d’unité et de détermination », a asséné Benjamin Haddad, ministre français des Affaires européennes, dans une déclaration à Bloomberg. Et de marteler : « Nous pouvons aller plus loin » que les contre-mesures déjà mises sur la table par la Commission européenne, estimées à près de 100 milliards d’euros de commerce américain. Paris n’est pas seule dans cette croisade. D’autres capitales s’inquiètent du précédent que créerait une absence de réaction ferme à l’égard de Washington. Surtout, la crainte est grande que cette posture attentiste n’alimente l’idée que l’Union européenne reste impuissante face aux coups de menton protectionnistes des États-Unis.
Un outil explosif, mais politiquement délicat
Et pour cause, l’ACI n’est pas une taxe ni une mesure fiscale. C’est une arme réglementaire aux implications juridiques lourdes. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a d’ailleurs calmé le jeu en affirmant dimanche, dans des propos rapportés par BFMTV, que « l’ACI a été créé pour les situations exceptionnelles » et que « nous n’en sommes pas encore là ». Mais cette retenue inquiète une partie des États membres. Car dans les faits, la guerre commerciale est bel et bien amorcée.
Washington menace d’attaquer l’industrie aéronautique, automobile, et même certains secteurs agroalimentaires européens. Et si les taxes américaines entrent en vigueur au 1er août, c’est l’ensemble de l’équilibre transatlantique qui vacillera. Du côté français, l’activation du bazooka s’impose donc comme un signal de fermeté autant qu’un avertissement. Surtout, Paris estime qu’un délai de plusieurs mois nécessaire à la mise en œuvre de l’ACI nécessite d’anticiper dès maintenant, afin de ne pas se retrouver désarmé le moment venu.
L’Union européenne prête à cibler les services : la ligne rouge de Washington
En ciblant les services américains, la Union européenne attaque l’un des piliers les plus sensibles de l’économie des États-Unis. Si les mesures de rétorsion actuelles concernent majoritairement des produits (avions, voitures, bourbon…), le basculement vers les services numériques constituerait un changement de paradigme. Les géants du numérique, de la finance, du cloud computing et des plateformes sociales pourraient ainsi voir leur accès restreint aux marchés européens. Pour Washington, ce serait une provocation majeure.
Jean-Luc Demarty, ancien directeur du commerce à la Commission européenne, résume la situation dans une déclaration à Euronews : « Ce que fait Trump est clairement de la coercition. Ce serait une façon de montrer que nous avons mis notre colt sur la table des négociations. » Mais attention, cette stratégie est à double tranchant. Une telle escalade pourrait provoquer une réponse immédiate de l’administration Trump, davantage encline à hausser le ton qu’à arrondir les angles.
Source Euronews
