Si la guerre civile qui ravage le Soudan depuis plus de deux ans doit son origine à la rivalité entre deux hommes, celle-ci se trouve attisée par un jeu d’influences régionales. Alors que le risque de partition s’accentue, il devient essentiel de peser sur les acteurs extérieurs au conflit, Emirats arabes unis en tête, pour trouver une issue.
Les attaques de drones à répétition qui ont frappé Port-Soudan depuis le début du mois de mai rappellent que la guerre civile qui martyrise le pays, entrée en avril dans sa troisième année, reste plus dévastatrice que jamais. Les chiffres disent l’ampleur de ce conflit souvent oublié : plus de 150 000 morts, plus de 13 millions de personnes déplacées par les combats.
Jusqu’alors préservée, Port-Soudan n’est pas seulement la capitale du gouvernement de fait qui s’y était replié lorsque Khartoum était le théâtre de combats meurtriers. Elle est aussi le point d’entrée d’une aide cruciale dans un pays en proie à une crise humanitaire qui fait dire au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, que le Soudan est prisonnier d’un « cauchemar de violences, de faim, de maladies et de déplacements ». La destruction d’infrastructures essentielles par ces attaques de drones, comme le dernier aéroport civil encore opérationnel du pays, ne fera que compliquer l’acheminement de l’aide.
Contrairement à ce qui apparaissait comme une hypothèse crédible à la fin du mois de mars, lorsque les forces armées du Soudan (FAS) du général Abdel Fattah Al-Bourhane ont repris le contrôle de Khartoum, d’où elles avaient été chassées par les Forces de soutien rapide (FSR), des paramilitaires dirigés par le général rival, Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », son ancien adjoint, cette reconquête n’a pas entraîné une inflexion de la guerre. Un conflit qui a éclaté près de six mois après le coup d’Etat militaire d’octobre 2021, qui avait mis fin à l’expérience démocratique prometteuse née du renversement d’Omar Al-Bachir.
Les FSR, en position de force dans le sud et l’ouest, notamment au Darfour, où elles multiplient les massacres, ont au contraire montré, à Port-Soudan, que leur puissance de feu restait intacte. Les paramilitaires ont profité du second anniversaire du début du conflit, le 15 avril, pour annoncer la constitution de leur propre gouvernement. Le risque d’une partition du Soudan aux conséquences régionales incalculables s’en est trouvé accentué, alors que les deux camps, coupables de nombreuses exactions contre les civils, ont de plus en plus recours à des milices, alimentant parallèlement des menaces de fragmentation du pays.
Fauteurs de guerre par procuration
Le malheur soudanais part de la rivalité entre deux hommes, mais cette dernière est attisée par un jeu d’influences régionales. Les Nations unies ont d’ailleurs dénoncé en avril l’« afflux des armes et des combattants » qui permet au conflit de « persister et de s’étendre ». Les attaques de drones contre Port-Soudan ont ainsi entraîné la rupture des relations diplomatiques entre les autorités de fait du pays et les Emirats arabes unis accusés, bien qu’ils s’en défendent, d’approvisionner les paramilitaires en armement sophistiqué.
Tirer le Soudan d’une spirale dans laquelle il pourrait se perdre implique en premier lieu de peser sur ces acteurs extérieurs, fauteurs de guerre et de massacres par procuration. Les Etats-Unis disposent d’atouts incontestables pour y parvenir, compte tenu des relations qu’ils entretiennent avec les pays engagés indirectement dans la guerre civile soudanaise, en plus des Emirats arabes unis : l’Egypte et surtout l’Arabie saoudite, rangés derrière le général Al-Bourhane. Encore faut-il que Donald Trump, en visite dans la péninsule Arabique à partir du mardi 13 mai, comprenne que son pays, comme tous les autres, a intérêt à ce que les armes se taisent au Soudan.
Source le Monde