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C’est un échange scruté par les médias du monde entier. Le Hamas a libéré ce lundi 13 octobre les derniers otages israéliens encore en vie qu’il détenait à Gaza, conformément à la première étape du plan américain pour ramener la paix dans l’enclave palestinienne. Mais ces Israéliens ne sont pas les seules personnes libérées : près de 2 000 prisonniers palestiniens détenus par l’État hébreu doivent être relâchés en échange.
Si les médias internationaux, dont l’AFP et Le HuffPost, parlent de « libération » dans les deux cas, les personnes libérées ne sont pas désignées par les mêmes termes puisqu’on parle d’otages israéliens et de prisonniers palestiniens. Une distinction qui a pu susciter d’âpres débats en ligne, certains internautes appelant à parler d’« otages palestiniens », mais qui trouve son origine dans le champ juridique.
Les premières images des otages israéliens libérés par le Hamas
« Dans le langage commun » les deux mots peuvent « vouloir dire exactement la même chose », affirmait en janvier l’avocat Marc Henzelin, spécialiste du droit pénal et international interrogé par la RTS. Mais « d’un point de vue juridique », « un prisonnier a été jugé par un tribunal », à la différence d’un détenu qui est retenu « de manière provisoire jusqu’à un jugement », expliquait-il, tandis qu’un otage « n’est pas passé par un processus judiciaire » et est « pris pour obtenir une rançon » – que ce soit de l’argent ou un « avantage politique ».
Des statuts différents
C’est ce qui conduit l’avocat, ex-conseiller juridique de la Croix-Rouge en Israël et en Palestine, à juger qu’« on ne peut pas forcément parler d’otages » pour décrire la situation des prisonniers palestiniens, quand bien même « les processus juridiques et judiciaires » qui ont conduit à leur incarcération seraient « biaisés ». Dans sa présentation des « éléments des crimes » de génocide, contre l’humanité ou de guerre, la Cour pénale internationale (CPI) fait, elle aussi, la distinction entre la « prise d’otages » et l’« emprisonnement ou autres formes de privation grave de liberté physique » ou la « détention illégale ».
De son côté, le journal Le Monde a expliqué ce lundi dans un message à ses lecteurs son choix de parler d’otages israéliens et de prisonniers palestiniens par le fait que « le statut des uns et des autres diffère ». « Les Israéliens et les étrangers enlevés le 7 octobre 2023 par le Hamas sont des otages, au sens littéral du terme, des personnes dont la vie et la libération dépendent de l’obtention d’une contrepartie par ceux qui les détiennent », poursuit le quotidien.
Mais il ne faut pas pour autant déduire que l’emprisonnement ou la détention de milliers de Palestiniens par Israël respecte systématiquement la loi. Si certains d’entre eux ont eu droit à un procès et sont condamnés ou poursuivis pour des motifs précis (dont la participation à des attentats), la situation d’autres détenus inquiète les associations de défense des droits humains, d’Amnesty International à Human Rights Watch en passant par l’ONG israélienne B’Tselem.
Certains détenus palestiniens privés de procès et torturés
Sur son site, cette dernière dénonce la situation de Palestiniens en « détention administrative ». Ce terme est employé pour parler des personnes détenues en Israël « sans procès, sans avoir commis d’infraction, au motif qu’elle prévoit d’enfreindre la loi à l’avenir ». « Cette mesure étant censée être préventive, elle n’est pas limitée dans le temps », relève l’association, selon qui le détenu est en « situation d’impuissance ». Il ne bénéficie pas de « procédure judiciaire » et les preuves à charge sont « classifiées » et « ne lui sont pas divulguées ».
Le nombre de détenus administratifs palestiniens a explosé après le 7-Octobre, puisqu’il est passé de 791 en 2022 à plus de 3 300 en 2024 selon B’Tselem. Ils sont retenus en vertu de la loi israélienne sur l’incarcération des combattants illégaux promulguée en 2002 et qu’Amnesty International juge « en violation flagrante du droit international ». « En l’absence de procédure régulière », cette loi a conduit à l’arrestation de personnes soupçonnées d’être impliquées dans des actions contre Israël, mais aussi à l’arrestation de civils. « Dans les faits, la loi permet à l’État de maintenir des personnes en détention illimitée sur une présomption de culpabilité, ce qui rend le réexamen judiciaire pratiquement vide de sens », alerte Amnesty.
En tout, d’après l’Institut israélien de défense des droits humains (HaMoked), les prisons de l’État hébreu ne comptent pas moins de 11 000 détenus palestiniens. Leurs conditions de détention suscitent l’inquiétude des ONG dont Amnesty International. Cette dernière a échangé avec près d’une trentaine d’ex-détenus qui ont dénoncé des « actes de tortures » et « d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
Plusieurs de ces témoignages sont « corroborés » par l’examen des « dossiers médicaux », d’autres par la constatation de « marques » et d’« ecchymoses » encore visibles.
