La première puissance européenne ne devrait pas échapper à la récession en 2024, toujours empêtrée dans la crise de son modèle industriel, selon l’Institut économique IW. Ses experts tablent désormais sur une baisse du produit intérieur brut de 0,5%, contrairement au gouvernement allemand ou au FMI. Ces derniers, eux, envisagent un retour de la croissance l’année prochaine.
La récession de l’économie allemande devrait encore durer tout une année, si on en croit l’Institut économique IW. Ce dernier table en effet sur une baisse du produit intérieur brut (PIB) de 0,5% en 2024 pour la première puissance européenne. Les experts ont considérablement révisé à la baisse leur prévision puisqu’en septembre, ils anticipaient encore une croissance de 0,9%.
« 2024 aurait pu être une année de reprise pour l’économie allemande. Mais les conditions générales restent mauvaises », justifie l’institut de Halle ce mercredi 13 décembre.
Un avis qui n’est cependant pas partagé. Les prévisions de l’IW sont en effet nettement plus pessimistes que celles du gouvernement. Ce dernier prévoit une reprise de la croissance à +1,3% l’an prochain. De son côté, le Fonds monétaire international (FMI) présage un rebond de 0,9% pour la croissance allemande. La reprise à venir serait favorisée par un recul progressif de l’inflation – attendue à 2,6% en 2024, puis 2% en 2025, contre 6,1% en moyenne cette année – et un marché du travail robuste.
L’économie allemande à la peine
Concernant cette année 2023 en revanche, le scénario de la récession fait consensus, ce qui ferait de l’Allemagne l’une des lanternes rouges de la zone euro. Les experts de l’IW estiment que la baisse du PIB sera de 0,5%. Prévision identique du côté du FMI, tandis que le gouvernement allemand est quasiment aussi fataliste (-0,4%).
Le modèle économique allemand, reposant sur une forte industrie exportatrice, souffre de multiples facteurs : des prix trop élevés de l’énergie depuis la guerre en Ukraine, la fin des livraisons de gaz russe, des bouleversements géopolitiques et la montée rapide des taux d’intérêt en zone euro qui pèsent sur le pouvoir d’achat.
Signe des difficultés de la première puissance d’Europe, la production industrielle du pays a de nouveau baissé au mois d’octobre, pour le sixième mois consécutif. L’indicateur a reculé de 0,4% sur un mois (en données corrigées des variations saisonnières et de calendrier) après une baisse révisée de 1,3% en septembre, selon les derniers chiffres de l’institut de statistiques Destatis publiés début décembre. Sur un an, la production industrielle a même chuté de 3,5%, chiffre par ailleurs
La faiblesse chronique de la croissance allemande ces dernières années a fait ressurgir le spectre de l’« homme malade de l’Europe » dans les médias, une expression remontant à la fin des années 1990 après le contrecoup de la réunification. Et cette contre-performance de la traditionnelle locomotive de l’UE déteint d’ailleurs sur la prévision de croissance de la zone euro. Le FMI l’estime à +0,7% pour 2023.
Une crise budgétaire qui aggrave la situation
En plus de cette conjoncture morose, les querelles internes à l’Allemagne justifieraient aussi les difficultés que traverse le pays.
« Comme si les crises mondiales et les taux d’intérêt élevés ne suffisaient pas : la crise budgétaire actuelle aggrave la situation et plongera l’Allemagne dans une nouvelle année de récession », développe l’IW.
Les experts précisent : « Le conflit sur le budget fédéral est particulièrement perturbant pour les entreprises, dont beaucoup suspendent pour l’instant leurs décisions d’investissement », expliquent-ils, appelant à trouver « une solution rapide ».
Pour rappel, la Cour constitutionnelle allemande a annulé mi-novembre le transfert de 60 milliards d’euros de crédits inutilisés provenant de la pandémie, dans une enveloppe dédiée à des investissements verts et un soutien à l’industrie. Elle avait estimé que le gouvernement d’Olaf Scholz avait enfreint les strictes règles budgétaires, en effectuant cette réaffectation des dépenses. Résultat, les budgets 2023 et 2024 devaient être revus. Cette décision a provoqué la zizanie entre les trois partis de la coalition du gouvernement allemand, les formations de gauche (sociaux-démocrates et écologistes), favorables à des dépenses publiques accrues, et le Parti libéral (FDP), partisan de la rigueur.
Mais après plusieurs semaines de tension et d’âpres négociations, les trois partis sont parvenus à un accord mercredi 13 décembre, selon des sources gouvernementales auprès de l’AFP. Les détails de cet accord ne sont pas connus pour le moment, mais une conférence de presse est programmée pour la mi-journée.
(Avec AFP)