Bruxelles reporte encore le retour de la rigueur budgétaire

Depuis mars 2020, les Etats ne sont plus tenus d’appliquer les règles de discipline budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance. Si cette mesure avait déjà été prise à l’époque pour surmonter la crise économique provoquée par la pandémie de Covid-19, c’est désormais la guerre en Ukraine et ses conséquence économique qui justifient son prolongement. La Commission européenne appelle toutefois les Vingt-Sept a faire preuve de rigueur.

Elles n’étaient plus appliquées depuis mars 2020 et ne le seront pas davantage dans les mois à venir. Les règles de discipline budgétaire imposées aux Etats membre de l’Union européennes resteront suspendues en 2023, a annoncé, ce lundi, le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis, lors d’une conférence de presse. « Nous proposons de maintenir en 2023 la clause de sauvegarde générale », qui permet de déroger temporairement aux limites de dettes et de déficits fixées par le Pacte de stabilité, a-t-il déclaré.

« L’incertitude accrue et les risques importants de dégradation des perspectives économiques dans le contexte de la guerre en Ukraine, les hausses sans précédent des prix de l’énergie et les perturbations persistantes de la chaîne d’approvisionnement justifient la prolongation » de cette suspension qui avait déjà été prolongée en juin 2021 pour 2022, a expliqué l’institution européenne dans un communiqué.

Rassemblées sous l’appellation « Pacte de stabilité et de croissance » (PSC), ces règles, adoptées en 1997, ont pour objectif de coordonner les politiques budgétaires nationales au sein de la zone euro et d’éviter l’apparition de déficits budgétaires excessifs. Elles imposent donc aux États d’avoir à terme des budgets proches de l’équilibre ou excédentaires. En cas de déficit public dépassant 3% du PIB d’un pays, sauf circonstances exceptionnelles, une procédure des déficits excessifs est enclenchée et l’Etat en question se voit adresser un avertissement de la part de la Commission européenne. « Si l’État ne met pas fin à la situation de déficit excessif dans les délais impartis, le Conseil peut prendre des sanctions : dépôt auprès de la BCE (Banque centrale européenne), qui peut devenir une amende (de 0,2 à 0,5% du PIB de l’État en question) si le déficit excessif n’est pas comblé« , précise le site vie-publique.fr.

Une autre règle prévoit que la dette publique des Etats ne dépasse pas le plafond de 60% du PIB mais la Commission avait déjà annoncé en mars dernier que cette règle ne serait toujours pas appliquée en 2023. Des pays comme l’Italie, dont la dette représente 160% du PIB, ou la Grèce, où elle dépasse 200%, ne sont, en effet, pas en mesure d’appliquer une telle règle. « Cela offre des marges de manoeuvre aux politiques budgétaires nationales pour réagir rapidement en cas de besoin », a abondé Valdis Dombrovskis. C’est le cas notamment de la France pour qui cette mise sur pause des règles de Maastricht a permis de mettre pleinement en oeuvre sa politique du « quoi qu’il en coûte ».

Appel à la rigueur

Le vice-président de la Commission européenne appelle toutefois à la rigueur. « La politique budgétaire devra être prudente en 2023, en contrôlant la croissance des dépenses courantes primaires financées par l’État », a souligné la Commission. La politique budgétaire doit être prête à s’adapter à l’évolution de la situation et Bruxelles fournira de nouvelles recommandations après l’été.

En janvier dernier, l’ancien ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt, avait annoncé que le déficit français atteindrait 7% du PIB pour l’année 2021. Ce résultat, bien loin de l’objectif du PSC est toutefois meilleur que celui redouté au début de l’année, qui tablait sur un déficit d’environ 8%. Dans le détail, le déficit de l’Etat s’élèverait à 171 milliards d’euros, soit « près de 34,5 milliards de moins par rapport à nos dernières prévisions« . Quant à celui de la Sécurité sociale, il serait de l’ordre de 25 milliards sur l’exercice.

Les perspectives de la croissance revues à la baisse

Mais si Bruxelles a accepté de se montrer conciliant quant à la rigueur budgétaire des États membres, c’est que l’institution européenne misait sur une solide croissance. Un pari qui s’annonçait gagnant début 2022 avec une croissance du PIB dans la zone euro jamais aussi élevée depuis le début de ces statistiques en 1996 par Eurostat. En 2021, le PIB a ainsi bondi de 5,2% dans l’ensemble de l’Union européenne. Un chiffre historique, supérieur à la précédente prévision (5%), et qui témoignait du rapide rebond de l’économie européenne après le plongeon économique, non moins historique, lié à la pandémie de Covid-19 : en 2020, le PIB avait chuté de -6,4% dans les 19 pays partageant la monnaie unique et de -5,9% au sein de l’UE.

Mais le déclenchement de la guerre en Ukraine est venu assombrir l’optimisme. Le 16 mai dernier, la Commission européenne a publié de nouvelles projections pour 2022 misant sur une hausse du PIB de 2,7 % en 2022 et de 2,3 % en 2023 au sein de l’Union européenne (UE) comme de la zone euro. L’exécutif européen pariait trois mois plus tôt sur une croissance de 4% en 2022 et de 2,8% en 2023.

De son côté, l’Allemagne a jugé que la situation n’était pas grave au point de justifier une prolongation d’un an de la clause de sauvegarde. Son ministre des Finances, Christian Lindner, a déclaré que son pays ne l’appliquerait pas. « De notre point de vue, les données ne sont pas telles qu’une suspension des règles du Pacte de stabilité est absolument nécessaire », a-t-il dit. « L’Allemagne, en tout cas, n’en aura aucun usage. »

(Avec AFP et Reuters)

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