Suivi par 700 millions de téléspectateurs à travers le globe, l’ultime duel de la Coupe du Monde de la FIFA de 2010, opposant l’Espagne et les Pays-Bas a été l’occasion pour l’Afrique du Sud de démontrer son soft power. De telles audiences confirment la place majeure du sport dans l’économie mondiale : ce secteur représente aujourd’hui quelque 2 % du PIB mondial. Il est toutefois malheureux de constater qu’en Afrique, le sport ne contribue aux ressources du continent qu’à hauteur de 0,5 % du PIB, malgré la grande popularité de certaines disciplines au sein de populations culturellement diverses.
En Afrique, l’industrie du sport, dont l’essor est synonyme d’investissements et de retombées économiques importantes, constitue un véritable enjeu pour le développement économique et social du continent. La Coupe du monde de la FIFA qui a eu lieu en Afrique pour la première fois de l’histoire en 2010en est un exemple édifiant. Selon le Washington Times, l’Afrique du Sud a dépensé 3 milliards de dollars pour développer ses infrastructures, avec l’aide de la FIFA qui a apporté un financement de1,29 milliards de dollars, posant ainsi les bases d’une relance économique de 6 milliards de dollars sur le long terme. Ce type de retombées n’a pas vocation à être réservé à l’Afrique du Sud. Ainsi, il serait opportun pour les pays africains d’établir une feuille de route afin de répertorier et d’exploiter les opportunités offertes par le sport.
Un développement social assuré
Si les possibilités en termes d’emploi, d’investissements, de rénovation des stades et des infrastructures urbaines sont visibles en surface, il ne faut pas négliger les mutations profondes engendrées par le secteur. Ainsi, investir dans les formations sportives locales dès le plus jeune âge revient à s’engager pour l’éducation, pour la formation et pour la santé mentale et physique essentielles à tous les Africains. Tout comme un ballon est vecteur d’inclusion, construire un terrain de football dans un endroit stratégique peut permettre aux populations issues de milieux sociaux divers de se retrouver, d’échanger et de partager les valeurs communes de l’olympisme. À ce titre, le sport peut constituer un véritable élément fédérateur générant des idéaux et des dynamiques, favorisant l’inclusion sociale et construisant un langage compris par la société dans son ensemble.
Le Sénégal s’est, par exemple, engagé dans cette direction. En vue des Jeux olympiques de la Jeunesse de 2026, le gouvernement sénégalais a décidé de rénover le stade historique Iba Ba Mar Diop à Dakar. Cette initiative permettra ainsi la transformation d’espaces communautaires déjà connus des riverains et renforcera la cohésion sociale notamment à travers la création d’emplois et d’activités socio-éducatives autour héritage populaire commun auquel se rattacher.
Un secteur à restructurer
De nombreux obstacles freinent le développement de l’industrie du sport en Afrique. Entre le manque de moyens et, parfois, l’absence de volonté politique, les fédérations et les collectivités ne bénéficient pas d’un soutien qui permettrait de faire du sport un levier économique et social, aussi bien au niveau amateur que professionnel. Certains pays africains ont mis en place des politiques sportives, mais la majorité d’entre elles ne sont pas menées en coordination avec les ministères des Sports qui souffrent d’une absence de moyens, de reconnaissance et de légitimité.
Au Kenya par exemple, selon Keim et de Coning (2014), les politiques sportives et le cadre législatif dans lesquels elles s’inscrivent sont dépassés. Cependant, les efforts du gouvernement pour favoriser le développement de l’industrie du sport sont reconnus, notamment à travers le renforcement des moyens destinés à la formation de la population et la création d’un environnement favorable au développement d’initiatives du secteur privé pour soutenir et/ou développer les activités sportives.
Le rayonnement des athlètes à l’international
Les initiatives prises par les États africains pour établir une véritable politique sportive et le développement des projets privés à travers le continent constituent un tremplin supplémentaire pour le « grand sursaut africain ».Par exemple, le programme NBA Cares a créé 77 centres sur le continent pour que les enfants et leurs familles puissent pratiquer le basketball. Grâce à l’événement « Basketball sans frontières », de jeunes talents africains sont recrutés par les équipes de la NBA. Parmi les anciens athlètes de haut niveau nigérians figure notamment le légendaire Hakeem Olajuwon, qui a joué 18 saisons en NBA entre 1984 et 2002 et qui a remporté deux titres de champion, un rêve que d’autres pourraient atteindre si les moyens sont mis à leur disposition.
Le sport et toute l’industrie qui l’entoure doivent donc être perçus comme des leviers en faveur du développement durable, allant de l’amélioration de la santé personnelle à la création d’emplois et de revenus en passant par la promotion des valeurs culturelles et de l’identité nationale. Le potentiel du sport en Afrique est certainement sous-exploité, mais le secteur présente des avantages significatifs. Après avoir été une évidence pour les acteurs privés, cette affirmation semble le devenir également pour les États africains.
(*) Aïssatou Kumagangue, juriste & responsable Conférence de l’African Business Lawyer’s Club.
(**) Badou Sambague, avocat au barreau de Paris & responsable Conférence de l’African Business Lawyer’s Club.