Jusqu’à mi-février, près de 672 millions de doses de vaccins anti-COVID-19 ont été reçues en Afrique, alors que le continent accuse du retard en matière de vaccination, avec seulement 11 % de sa population adulte entièrement vaccinée. Par quels mécanismes, les pouvoirs publics comme le secteur privé peuvent-ils remédier à ce retard dans la lutte contre la Covid 19 ? Comment faire de la santé publique la priorité sur le continent ? Retour sur la table-ronde « Vaccins et traitements pour tous», organisée le 17 mars dernier, dans le cadre du Forum Europe-Afrique de Marseille.
Près de deux ans après la notification du premier cas de Covid-19 en Afrique (le 14 février 2020), l’Organisation mondiale de la Santé constate que, « si la tendance actuelle se poursuit, le continent sera en mesure de maîtriser la pandémie en 2022 ».
Au cours des deux dernières années, le continent a connu quatre vagues de Covid-19, chacune présentant des pics plus élevés ou un nombre total de nouveaux cas plus élevé que la précédente. Le continent est devenu également au cours de ces dernières années « plus intelligent, plus rapide et plus efficace à riposter à chaque nouvelle recrudescence des cas de COVID-19 », selon l’OMS.
Et malgré les obstacles, notamment les importantes inégalités dans l’accès à la vaccination, l’Afrique s’est montrée résiliente, en s’appuyant sur sa longue expérience en matière de lutte contre les flambées épidémiques.
Remédier aux inégalités dans l’accès aux vaccins
Jusqu’à mi-février, près de 672 millions de doses de vaccins anti-COVID-19 ont été reçues en Afrique, alors que le continent accuse du retard en matière de vaccination, avec seulement 11 % de sa population adulte entièrement vaccinée.
Par quels mécanismes alors, les pouvoirs publics comme le secteur privé peuvent-ils remédier à ce retard dans la lutte contre la Covid 19, mais aussi contre les autres maladies qui tuent chaque année des milliers de personnes en Afrique ?
« L’objectif de l’Union européenne est que les vaccins soient distribués partout, de manière équitable, surtout auprès de ceux qui en ont le plus besoin (dans le cadre de l’initiative mondiale Covax, NDLR) », tient à rappeler Thierry Breon, commissaire européen pour le marché intérieur. « Nous devons aussi soutenir la production locale en Afrique. C’est pourquoi nous voulons promouvoir la capacité même de production sur le continent, à travers des projets industriels comme celui porté par l’Institut Pasteur de Dakar», ajoute–t-il.
Pour Elsa Zekeng, spécialiste des maladies infectieuses et santé mondiale, nommée jeune leader par la Commission européenne et ayant reçu la Queen’s Ebola Medal pour votre engagement sur le terrain durant la grande épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, les vaccins, les traitements, et les diagnostics sont d’abord des biens/outils de santé publique et la réaction mondiale à la pandémie semble suivre un modèle qui n’est pas très prometteur, puisqu’il s’avère qu’il n’y a pas d’égalité dans l’accès aux vaccins, notamment entre les pays du Nord et Sud. Zekeng rappelle notamment que ce scénario a été déjà vécu lors des épidémies du VIH/Sida et d’Ebola.
L’objectif de l’OMS pour l’Afrique est d’arriver, d’ici à la mi-2022, à vacciner 70 % de la population contre la Covid-19. Comment alors atteindre ce taux sur le court-terme ? Pour Elsa Zekeng, les secteurs public et privé doivent sceller, en urgence, des partenaires innovants afin de développer une industrie pharmaceutique capable d’atteindre cet objectif et, au-delà, capable d’assurer la santé pour tous.
Le constat des inégalités dans l’accès aux vaccins est également partagé par Philippe Douste-Blazy, ancien ministre français de la Santé et président de Unitlife, une initiative mondiale protégeant le capital humain en résolvant le défi des inégalités dès la naissance. Rappelant que la santé est un des cinq biens publics mondiaux – avec la nourriture, l’eau potable, l’éducation et l’assainissement -. Concernant les traitements, y compris les vaccinations, il n’est pas acceptable que les traitements les plus récents et donc les plus efficaces ne soient réservés durant 10 à 15 ans qu’ aux « happy few » vivant dans les pays riches et qu’ils ne bénéficient pas aux plus pauvres qui continuent à mourir alors qu’ils pourraient être sauvés. Solution ? « J ai pris en 2009: l’initiative de lancer » Medicines Patent Pool » (une organisation internationale soutenue par les Nations unies, NDLR), permettant notamment pour la première fois de faire bénéficier les populations les plus démunies des traitements anti sida, anti tuberculeux et anti hépatites les plus récents ». Un Système qui devrait être étendu notamment à la lutte contre le cancer, aux maladies cardiovasculaires, aux vaccinations, insiste Philippe Douste-Blazy.
Souad Ben Abderrahim, maire de Tunis et vice-présidente de l’Association internationale des maires francophones est revenue pour sa part sur l’expérience de la capitale tunisienne face à la pandémie et aux défis que les élus, avec les autorités publiques, allaient relever dans un contexte inédit : « Il fallait trouver à la fois les meilleures stratégies et les moyens pour gérer la situation sanitaire durant la pandémie de la Covid-19 », décrit-elle.
Développer les capacités industrielles locales
Pour pallier les difficultés d’accès aux vaccins contre la pandémie de coronavirus, six pays du continent ont été choisis en février dernier par l’OMS pour fabriquer leurs propres vaccins : l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Kenya, le Nigeria, le Sénégal et la Tunisie.
«La meilleure façon de faire face aux urgences sanitaires et de parvenir à une couverture sanitaire universelle est d’accroître considérablement la capacité de toutes les régions à fabriquer les produits de santé dont elles ont besoin », avait alors expliqué le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Représentant le secteur pharmaceutique africain, Stavros Nicolaou, directeur en charge du développement stratégique et commercial d’Aspen Pharmacare,, a rappelé que ces 25 derniers mois devraient nous permettre quelques leçons, notamment celle de la résilience face aux chocs pandémiques, puisque les capacités locales sont importantes pour trouver une issue à genre de scénarios, alors que jusqu’à aujourd’hui, l’Afrique importe plus de 90% de ses vaccins.
Avec plus d’une trentaine d’années dans le secteur pharmaceutique et aujourd’hui membre du top management d’un groupe présent dans 50 pays avec 26 sites de production sur l’ensemble des continents, Stavros Nicolaou explique qu’il est nécessaire de développer les capacités locales et les chaînes de valeur sur le continent afin de renforcer la sécurité d’approvisionnement et la souveraineté sanitaire des Etats africains. La réorganisation des chaînes d’approvisionnement en vaccins et médicaments devrait aussi assurer une capacité continue et durable en la matière et anticiper la riposte face à d’éventuelles autres pandémies.
Alan Donnelly, président du G20 Santé et Développement, partage de son côté cette stratégie d’anticipation. PDG de la société de conseil Sovereign Strategy, ayant siégé pendant 11 ans au parlement européen où il a dirigé le parti travailliste britannique, Donnelly a mis l’accent sur la nécessité de créer de nouveaux partenariats pour renforcer les capacités de production de diagnostics, de traitements et de vaccins en Afrique afin d’améliorer la riposte aux pandémies sur le continent.
Jusqu’à mi-février, près de 672 millions de doses de vaccins anti-COVID-19 ont été reçues en Afrique, alors que le continent accuse du retard en matière de vaccination, avec seulement 11 % de sa population adulte entièrement vaccinée. Par quels mécanismes, les pouvoirs publics comme le secteur privé peuvent-ils remédier à ce retard dans la lutte contre la Covid 19 ? Comment faire de la santé publique la priorité sur le continent ? Retour sur la table-ronde « Vaccins et traitements pour tous», organisée le 17 mars dernier, dans le cadre du Forum Europe-Afrique de Marseille.