La Belgique a décidé vendredi de repousser de 10 ans sa sortie du nucléaire prévue en 2025, inquiète de la flambée des prix de l’énergie due à l’invasion russe de l’Ukraine. Engie, qui exploite les deux derniers réacteurs, avait indiqué récemment que cette hypothèse « n’était pas réaliste »
La guerre russe en Ukraine et la volonté des pays européens de sortir de leur dépendance à la Russie pour leurs importations énergétiques chamboulent les stratégies d’approvisionnement de certains pays. Alors qu’elle avait prévu de sortir du nucléaire en 2025, la Belgique a décidé vendredi de repousser l’échéance de dix ans. Le gouvernement de coalition d’Alexander de Croo a, en effet, décidé de prolonger la durée de vie des réacteurs de Doel 4 et Tihange 3 jusqu’en 2035, alors que le plan de sortie du nucléaire acté en 2003 prévoyait la fermeture de toutes les centrales d’ici à 2025, et d’accélérer en parallèle la transition vers les énergies renouvelables.
« Tout le monde sait qu’il y a une guerre en Europe », a expliqué Alexander de Croo lors d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion gouvernementale de plusieurs heures. « Nous choisissons la certitude dans des temps incertains. « Nous avons décidé que les deux réacteurs pourront être prolongés de dix ans », a déclaré le Premier ministre belge.
En réalité, la Belgique dépend peu de la Russie pour ses approvisionnements de gaz mais davantage pour le pétrole (autour de 40%)
Engie va étudier la faisabilité
Les deux réacteurs, les plus récents du pays, entrés en service en 1985, sont exploités par Engie , qui doit donc donner son accord. Un casse-tête pour le groupe français. Pas plus tard que le 7 mars, Catherine MacGregor, la directrice générale d’Engie, expliquait aux Echos que la fermeture des deux réacteurs belges exploités par le groupe prévue en octobre 2022 et février 2023 avait été préparée et que « revenir dessus ne serait guère réaliste ». Aujourd’hui, le groupe français est toujours aussi réservé mais promet « d’apporter son concours à cette réflexion en étudiant avec le gouvernement la faisabilité et les conditions de mise en oeuvre des solutions envisagées ».
« La décision de prolonger Tihange 3 et Doel 4 soulève des contraintes importantes de sûreté, de régulation et de mise en œuvre et présente un profil de risque qui dépasse, par son caractère imprévisible et par son ampleur, l’activité normale d’un opérateur privé », a-t-il ajouté.
« Le schéma retenu devra permettre un alignement structurel des intérêts des parties prenantes ainsi qu’un partage adéquat des risques et des opportunités. »
Tihange 3 est un réacteur de 1.038 mégawatts situé sur la Meuse dans la province de Liège dans l’est de la Belgique. Doel 4 est un réacteur de 1.039 mégawatts situé près d’Anvers. Actuellement, le nucléaire compte pour environ 40% de l’électricité produite en Belgique. Pour compenser l’arrêt de ses sept réacteurs, le royaume prévoyait notamment de construire de nouvelles centrales à gaz pour réussir sa transition énergétique. Mais le permis de l’une d’elles, prévue sur la commune flamande de Vilvorde, n’est toujours pas octroyé. Début novembre, la ministre de l’Environnement de la région flamande avait en effet refusé le permis à Engie, l’exploitant choisi au terme d’un système d’enchères mis au point au niveau fédéral. Or, cette centrale fait figure d’installation clé dans le dispositif du gouvernement pour assurer la sécurité d’approvisionnement. Selon une source gouvernementale interrogée en décembre, il est envisagé, comme alternative, d’opter pour une autre installation non sélectionnée lors des enchères dès lors qu’elle disposerait déjà d’un permis. L’accord des sept partenaires de la coalition prévoit aussi un investissement d’environ 100 millions d’euros dans la recherche sur le nucléaire de nouvelle génération, à savoir les petits réacteurs modulaires (SMR) présentés comme « plus sûrs ».
La promesse d’une sortie progressive de l’énergie nucléaire est inscrite dans la loi belge depuis 2003. Elle devait coûter 14 milliards d’euros.
Coup d’accélérateur dans les énergies renouvelables
Le gouvernement belge a également annoncé « un coup d’accélérateur » dans les énergies renouvelables via des « investissements supplémentaires » dans l’éolien offshore, l’hydrogène, l’énergie solaire et la mobilité durable. Les Verts avaient fait de la sortie du nucléaire en 2025 une condition pour rejoindre une coalition politiquement fragile de sept partis, péniblement trouvée en 2020, plus d’un an après des élections non concluantes. Mais depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février, avec la flambée des prix de l’énergie, ce parti a indiqué qu’il accepterait d’envisager un scénario alternatif.
Des manifestations massives ont eu lieu contre deux réacteurs plus anciens – Tihange 2 et Doel 3 – en Allemagne et dans d’autres pays voisins, depuis que des experts ont découvert des milliers de fissures minuscules dans les cuves sous pression des réacteurs en 2012.
Source TA avec la rédaction